Chassé-croisé à Hué : il faut être vietnamien pour s'y retrouver.

Parti d'Agen-Boé en juillet 2011 le cyclonomade agenais, Jacques Sirat, effectue un tour du monde à vélo. Il raconte aujourd'hui sa traversée du Vietnam, qu'il traverse après quelque 30 000 km de périple.
 
Pour quitter l'île de Cat Ba et me diriger vers Haïphong, j'effectue deux brèves traversées en ferry. Lors d'un embarquement, une violente altercation éclate entre deux employés et un passager à moto. Je vois que le passager en a presque les larmes aux yeux mais reste très ferme et bouscule même un employé qui ne semble pas particulièrement à l'aise. Si je ne comprends rien à ce qui se passe, je suis surpris par la virulence de l'échange.
 
Sur l'autre rive je constate que mon vélo a un pneu à plat. Un peu plus tard, la nuit tombe alors que je cherche vainement un terrain discret pour poser ma tente. Je casse un rayon puis rapidement un deuxième et je crève à nouveau. Le sort s'acharne sur moi. Je m'arrête donc à la lueur d'un lampadaire et entreprends la réparation lorsque soudain le tonnerre gronde puis une grosse averse me tombe dessus… le summum ! Rien pour m'abriter et impossible à présent de rouler sans terminer ce dépannage. La nuit est bien noire lorsque je trouve enfin un petit bâtiment désaffecté. Je suis trempé jusqu'aux os ! Il y a mieux comme soirée !
 
Je passe le réveillon du nouvel an dans la capitale vietnamienne. Assis sur un mini tabouret en plastique à un croisement de rues du vieux Hanoï avec sur un autre tabouret qui me sert de table, une assiette de frites et une bière, puis une deuxième et une troisième… J'observe le va-et-vient incessant de vélos, scooters, piétons qui se croisent, se frôlent, sans jamais se toucher.
 
Des motos passent chargées de grands sacs de vêtements qu'ils s'apprêtent à livrer dans une boutique voisine. Un vendeur me propose sans succès cigarettes et briquets. Un autre suit avec des hamacs en filet. Des femmes défilent en proposant des beignets ou autres gourmandises.
 
«Là, ça ne passera pas»
 
Le mouvement se poursuit avec des dizaines, des centaines de motos au milieu desquelles se faufile une femme qui pousse un chariot contenant, amoncelée, une grande variété de récipients en plastique. Une autre arrive, son vélo chargé de pâtisseries, puis vient un chargement de fleurs naturelles et le ballet se poursuit ainsi pendant des heures. Parfois un taxi se fraye difficilement un passage. Les pousse-pousse se mêlent à la danse. Des familles ne sont pas en reste, il arrive qu'un scooter surgisse avec quatre voire cinq personnes à bord.
 
Je bois mes bières sans ressentir la moindre lassitude tant le spectacle, malgré une certaine répétitivité est sans cesse renouvelé au niveau de la variété des chargements qui suscitent souvent le sourire.
 
Je suis époustouflé par la dextérité des Vietnamiens qui parfois ne tiennent le guidon du scooter que d'une main, l'autre occupée à manipuler un téléphone portable… et malgré cela pas de chute, comme si tout allait de soi… Je me dis souvent : «Là, ça ne passera pas» et pourtant cela se fait le plus naturellement du monde. Le flot de circulation semble aussi fluide que l'eau de la rivière voisine.
 
Quelques jours plus tard je poursuis ma descente le long du littoral avec parfois la vue sur une petite plage. Néanmoins j'évolue le plus souvent dans un décor de rizières.
 
Lorsque j'y fais une halte pour réaliser une photo une femme me fait signe en riant de lui donner de l'argent tout en simulant de fouiller la poche vide de mon short. Je m'apprête aussitôt à faire la même chose sur elle, sous les encouragements bruyants de ses amies. Les rires redoublent, le travail cesse pendant quelques minutes.

 Jacques Sirat

(source : http://www.ladepeche.fr/article/2013/02/10/1557361-agen-jacques-sirat-go...)