Good Morning Saigon ! le Viet-nam se lève

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Good Morning Saigon ! le Viet-nam se lève

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Choisir de l’appeler Saigon ou Hô Chi Minh-Ville n’est pas innocent : regarder en même temps vers hier et vers demain est un peu une spécialité locale. Le poumon économique du Vietnam, tout en se réappropriant une part du décorum colonial, se jette avec euphorie dans la modernité. Fascinant contraste.

L'arrivée à Hô Chi Minh-Ville, l’ancienne Saigon, rend toujours le visiteur perplexe au moment de traverser la rue pour la première fois. Une ville qui compte en moyenne une moto par adulte et près de 10 millions d’habitants : faites le calcul… À l’instant où vos pieds touchent le bord du trottoir, il vous semble voir défiler l’ensemble du parc des deux-roues en un  flot compact et obstiné. On peut alors soit rester planté là, à regarder bouche bée passer ces engins chargés au-delà du possible – une famille entière, un réfrigérateur, un arbre en pot… –, soit se lancer dans l’arène. La règle est simple : demeurer calme, avancer tranquillement et ne jamais s’arrêter. On verra alors le flot s’écarter comme un banc de poissons et contourner la chicane humaine avec fluidité, les conducteurs se frôlant, se poussant un peu du mollet, klaxonnant sans cesse mais ne s’invectivant jamais.


Scènes de rue devant l’église Tan Dinh.

Ainsi est Saigon : électrique et débonnaire, turbulente et débrouillarde. Ici, la bonhommie est de règle et la méthode douce une attitude. Sourire lorsque la situation devient gênante, voire potentiellement conflictuelle, ne jamais se mettre en colère et contourner l’obstacle… La technique est la même en politique. Passée de pays en voie de développement à pays émergent, la République socialiste du Vietnam affiche une croissance parmi les plus élevées de la planète. Les moins de 25 ans représentent 70 % de la population ; accrochés à leur smartphone, ils forment un bloc de jeunesse avide de consommation et de luxe. Celle qu’on appelait « la Marseille de l’Indochine française » ou « le petit Paris de l’Extrême-Orient » louche aujourd’hui avec envie du côté de Hong Kong ou de Bangkok. « De la maternelle à la fac, le cours de marxisme-léninisme est toujours obligatoire et personne en haut lieu n’ose proposer de le supprimer, raconte pourtant M. Hien, professeur d’histoire à l’université de Saigon. En revanche, on ferme les yeux lorsque les étudiants arrivent à l’examen avec leur livre pour tricher allègrement. »


La piscine avec vue de l’Hôtel des Arts.

Le Vietnam post-communiste, qui se libéralise et s’accorde une véritable économie de marché, saute quelques étapes et fait ce qu’il peut avec ses contradictions. Tandis que les galeries d’art contemporain commencent à essaimer des white cubes dans la ville, la police culturelle continue de soumettre chaque exposition à la censure. « Mais finalement, pour les artistes, c’est la contrainte qui est intéressante », s’amuse Céline Alexandre, directrice associée de la galerie Quynh.

Les jeunes plasticiens vietnamiens excellent dans le second degré et certains lieux tels que le Cu Ru Bar, repaire de l’underground saigonnais, attisent le désir en faisant mine d’être clandestins. Pour comprendre cette fébrile mégapole de 10 millions d’habitants, dont la population croît de plus de 200 000 personnes par an, commençons par prendre un peu de hauteur. Depuis le Social Club, par exemple. Perché sur le toit de l’Hôtel des Arts Saigon MGallery, haut lieu de la branchitude locale, le bar propose une vue qui embrasse une ville dense, émaillée d’îlots de verdure, de gratte-ciel, de quartiers au ras du sol, jusqu’à cette boucle de la rivière Saigon sur laquelle s’appuie le centre-ville. Un bel exemple d’urbanisme hybride.


Dès son élégant lobby, l’Hôtel des Arts distille une atmosphère « Chine des années 30 », avec le twist design et la modernité propres à la marque MGallery Collection.

Au pied du bâtiment, les larges avenues tracées par les Français, une cathédrale de brique rose, un opéra inspiré de Garnier, un hôtel de ville comme une meringue et une poste signée Gustave Eiffel. Sans compter les trottoirs ! Ils étaient la marque de fabrique du colonialisme tricolore en Asie, l’incarnation vivante du changement. Ceux sur lesquels tout le monde roule encore, dont les dalles ont été soulevées au fil des ans par les racines des arbres, et auxquels les autorités s’attaquent régulièrement, engageant une grande politique de nettoyage et interdisant aux « restaurants de poussière » de s’installer. Ces petites échoppes accompagnent le quotidien de tous les Vietnamiens, les riches comme les pauvres. Elles invitent le passant à s’asseoir sur un minuscule tabouret de plastique rouge pour manger le pho, iconique soupe de vermicelles, de crevettes ou de bœuf, parfumée d’herbes fraîches, le tout assaisonné du fameux nuoc-mâm qui transforme en or gastronomique n’importe quel légume insipide. Les effluves et la douce morsure des épices qui s’échappent de ces cuisines ambulantes se mêlent aux odeurs tenaces du durian et du jasmin, pour donner une mixture d’essences si particulière qu’elle cueille avec force le voyageur nouvellement débarqué. Mais interdire le petit commerce des trottoirs revient à vouloir détourner un cours d’eau…

Une Silicon Valley asiatique ?

Autant Hanoi, la capitale, s’affiche comme l’intello, la sérieuse, autant Saigon assume sa frivolité avec panache. Les deux villes les plus importantes du pays entretiennent d’ailleurs une vraie rivalité. Pas de plus grand plaisir pour un Saigonnais que de se moquer de la tristesse des « gens du Nord », qui ne se privent pas de leur côté de mépriser la superficialité des cousins du Sud. Saigon, qui vit des services et du commerce, rêve de devenir une Silicon Valley asiatique tandis qu’Hanoi attire les intellos et le cinéma. Sur l’immense esplanade faisant face à l’ancien hôtel de ville, ils sont chaque soir des milliers à se rassembler. Les jeunes, avec leurs groupes de filles à cheveux longs et shorts courts, entament des parades de séduction ; les vieux jouant aux cartes, imperturbables.


Le lobby de l’Hôtel Fusion.

Autour de la cathédrale de brique rose, le tout-Saigon vient faire son shopping dans les galeries commerçantes où les marques internationales poussent comme des champignons. Devant tous les terrains encore en friche, des panneaux annoncent l’imminente naissance d’une résidence de luxe, d’une salle de congrès ou d’une université. L’îlot colonial est désormais cerné de gratte-ciel rutilants. Partout, des grues et des trous: on creuse le métro, qui devrait être inauguré vers 2020 et a entraîné la cité dans un très lourd endettement. « La ville est construite sur une mangrove, explique Fanny Quertamp, chercheuse et géographe installée au Vietnam depuis 1996. La pression immobilière y est énorme et le métro, qui sera en partie enterré, y fait polémique. »


Participante à la Fête des dames…

Missionnée pour réaliser un inventaire du patrimoine, la chercheuse a fait partie de ceux qui ont poussé la ville à lancer, en 2013, un programme de conservation. Mais « quel est le poids d’une bicoque face à un investisseur ? » fait- elle remarquer. Pourtant, peu à peu, les Saigonnais qui partent chaque matin travailler vers les véritables cités industrielles qui cernent la métropole, Samsung en tête, prennent conscience de leur patrimoine. Ces rues charmantes bordées d’échoppes où l’on marche à l’ombre des arbres ont désormais une chance d’être sauvées. Les urbanistes et les architectes commencent, eux aussi, à réfléchir à la manière d’aborder ce dé contemporain, entre préservation et réécritures, entre héritage et émergences. Ceux qui se rappellent le très poétique pavillon de Vo Trong Nghia à l’Exposition universelle de Milan iront voir les constructions de cet architecte qui milite pour reconnecter les habitants avec la couleur verte. C’est notamment le cas de ses Houses for Trees, des prototypes de maisons conçus comme des cubes de béton dont le toit, tel un pot de fleurs, permet d’y planter des arbres.


L’Usine est le conceptstore où trouver les bons basiques et de petits objets design made in Vietnam.

Les quartiers préférés de Fanny Quertamp sont ceux qui bordent la rivière. Les « expats » ne s’y sont pas trompés en investissant celui de Thao Dien, ex-fief des Français et haut lieu de la tendance, aux jolies maisons coloniales et repaire de tous les coffee-shops, concept-stores et autres coiffeurs branchés de la ville. Ainsi pensiez-vous atterrir dans un décor à la Marguerite Duras, avec cyclo-pousse et chapeaux chinois, que vous voilà plongé dans un entre-deux bouillonnant. D’un côté, mégapole pressée de réussir, de l’autre, un tout petit monde où chacun se connaît et où, derrière une modernité effrénée, subsiste la douceur de vivre, un charme indéfinissable. Une leçon de dolce vita sur le mode sucré-salé, à l’image de la délicate cuisine vietnamienne.

SAIGON PRATIQUE :

Y ALLER
 
Vietnam Airlines propose 7 vols hebdomadaires Paris – Hô Chi Minh-Ville (dont 3 en partage de code avec Air France) et des départs depuis 19 villes de province. Vols à bord du très confortable et tout récent Airbus A350 et sa Premium Economy qui vient juste de subir une évolution, offrant plus de services et plus d’espace. À partir de 625 € l’aller-retour en classe économique et de 978 € en Premium.
Tél. : 01 44 55 39 90.
Vietnamairlines.com

LA MONNAIE

Le dong (VND) se caractérise par son nombre de zéros. Impression délicieuse d’être devenu millionnaire en empochant sa première liasse de billets de banque au bureau de change! Il est utile d’avoir sur soi quelques dollars américains.

VISA

Inutile de demander un visa si le séjour ne dépasse pas quinzejours. Au-delà, il s’obtient par courrier auprès du consulat vietnamien à Paris. Tél.: 01 44 14 64 00. Ambassade-vietnam.com

QUAND ?

La meilleure saison pour le sud du Vietnam se situe entre novembre et avril, durant la période sèche (33°C en moyenne). Mais, en juillet, si l’air est plus lourd, les prix sont plus doux et il ne pleut qu’en fin de journée…

PROFIL EXPRESS

Ancien village de pêcheurs khmers, Hô Chi Minh-Ville s’appelait Saigon jusqu’en 1975. Capitale de la Cochinchine entre 1887 et 1901, durant l’Union indochinoise (l’Indochine française), Saigon fut aussi celle de la République du Vietnam de 1954 à 1975, date qui a marqué la défaite du Sud et la conquête de cette grande ville par le régime du Nord. Les vainqueurs de la guérilla l’ont rebaptisée afin de rendre hommage à leur dirigeant, Hô Chi Minh. Saigon a alors perdu son titre de capitale, cédant sa place à Hanoi. Elle reste pourtant le poumon économique du pays.

PARTIR

Voir l’essentiel ou se faire concocter un séjour sur mesure: Asia, spécialiste de la destination, propose toutes les options, depuis le voyage personnalisé en individuel, en couple ou en famille, jusqu’aux escapades en petits groupes. Le voyagiste envoie chaque année ses experts dénicher les meilleures adresses, les derniers hôtels, les nouveaux circuits, toujours très proches de la population. Ces guides connaissent Saigon comme leur poche, et certains parmi eux parlent le français.
Tél.: 0 825 897 602.
Asia.fr

RELIRE

L’Amant et L’Amant de la Chine du Nord, de Marguerite Duras.

REVOIR
Indochine, de Régis Wargnier (1992), a été partiellement tourné à Hô Chi Minh-Ville. Cyclo, de Tran Anh Hung (1995), aussi. L’Amant, de Jean-Jacques Annaud (1992), adaptation du roman de Marguerite Duras, se déroule à Saigon, dans l’Indochine française des années30.

(Source info: ideat.thegoodhub.com)

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