Les aventures d’un corsaire chef de district

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Les aventures d’un corsaire chef de district

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Pour commémorer Nguyên Huu Câu, chaque année, à Dô Son, les habitants locaux organisent des combats de buffles. Photo : CVN

Dans l’arrondissement de Dô Son, ville portuaire de Hai Phong (Nord), la population organise chaque année un pittoresque combat de buffles. Objectif : rendre hommage à Nguyên Huu Câu, héros légendaire qui rappelle Robin des Bois.

Sous la dynastie des rois Lê postérieurs (1428-1527), vivait au village de Dông Lai, un ménage de paysans pauvres qui avait un fils appelé Nguyên Huu Câu. Il devint orphelin de père dès son jeune âge. Esprit frondeur, Câu n’admettait pas les injustices. À l’école, il se montrait le plus turbulent de tous. Il se mettait toujours du côté des faibles, quitte à contrevenir aux règles imposées par son maître. Son antagoniste dans sa classe était un nommé Pham Dinh Trong très estimé pour sa bonne conduite et son application à l’étude, mais réprouvé par Câu. Un jour, le maître les fit venir et leur dit :
- Trong a de l’allure et est appelé à être un grand mandarin, tandis que Câu n’est apte qu’à devenir un rebelle.
À la récréation, Trong dit à Câu :   
- Si un jour, tu te rebelles, je t’anéantirai avec mes troupes.
- Et moi, j’exterminerai tous les flagorneurs de la Cour.

Un homme des arts martiaux

Bientôt, Câu abandonna les lettres pour se livrer aux arts martiaux. À 18 ans, il avait acquis une force d’éléphant et une voix de tonnerre. Avec ses deux bras, il pouvait envoyer à quelques centaines de mètres, deux gros mortiers de pierre. Bon nageur, il se déplaçait comme un poisson dans l’eau.

À l’époque, les seigneurs Trinh détenaient un pouvoir absolu. La brutalité de leurs institutions réduisait la population à une vie de misère. Les habitants de la province orientale se soulevèrent. Parmi eux Nguyên Huu Câu qui devait bientôt devenir un homme de confiance de Nguyên Cu, chef de l’insurrection.

Celui-ci, qui appréciait ses talents, lui donna sa fille en mariage et le fit chef de district. Une fois, Câu fut capturé par les troupes royales. Au moment de monter à l’échafaud, il leur dit :
- Avant de me décapiter, érigez-moi un autel pour que je prie Bouddha d’expier mes péchés. Mon âme en paix ne viendra pas vous inquiéter. L’ennemi se laissa convaincre. Un autel fut érigé au bord du fleuve. Les cordes déliées, Câu monta sur l’estrade au pied de laquelle étaient postés des soldats. À peine l’eût-on entendu prononcer «Gloire à Bouddha…» qu’il se jeta du haut de l’estrade dans l’eau. On se mit à sa recherche en vain. Pendant ce temps, Câu parcourut plusieurs lieues, à la nage. Il sortit de l’eau, s’empara d’un cheval et disparut dans la nature.

Lancement d’une nouvelle insurrection

Après la défaite de Nguyên Cu, Câu forma une troupe pour poursuivre l’œuvre de son beau-père. Il établit sa base de résistance à Dô Son (une région maritime située à une vingtaine de kilomètres de la ville portuaire de Hai Phong. C’est aujourd’hui une belle station balnéaire). Le jour de la cérémonie de sacrifice aux étendards, il ordonna aux notables du village d’enlever tous les objets de culte destinés au génie tutélaire et de déposer à leur place les tablettes portant son titre. Il leur dit :
- Je suis le chef ici. Le Ciel et la Terre en sont témoins. Mieux que quiconque, je mérite d’être honoré.

Le jour du déclenchement de l’insurrection, on vit un énorme marsouin entrer dans le fleuve. Pour cette raison, Câu fut surnommé le chef de district. On lui donna encore le surnom de «poisson-génie de mer» pour ses exploits à la nage et aux combats navals. Mais Câu se distinguait également dans les combats sur terre.

À cette époque, on voyait de temps en temps, sur le coup de midi, un cheval sortir du fleuve et s’avancer vers le pagodon au milieu des champs. Sachant que c’était un animal rare, Câu voulut le capturer, mais dès qu’il s’en approcha, il fut reçu par des ruades. Il déposa alors un sac de paddy à l’entrée du pagodon et vint se cacher dans un coin pour observer.

Au début, l’animal n’y toucha pas. À la longue, la nourriture le tenta et finalement, Câu parvint à l’apprivoiser. C’était un superbe coursier qui pouvait couvrir mille lieues en une journée, franchir d’un bond monts et ravins. En outre, c’était un animal fidèle. Séparé l’un de l’autre au cours d’une déroute, il arriva à retrouver son maître plusieurs jours après.

La Cour considérait Câu comme un rebelle dangereux qu’il fallait supprimer à tout prix. On mobilisa une escadre commandée par un officier très versé dans les combats navals. Câu lui opposa une dizaine de navires qui bientôt prirent la fuite. Les bâtiments royaux les poursuivirent. Les navires rebelles vinrent s’abriter dans le port de Cat Bà. En cet endroit, les eaux étaient très agitées, les grosses vagues empêchaient les grands bâtiments royaux d’avancer et les refoulaient vers la rive est. Câu n’attendait que ce moment. Il fit encercler par ses navires légers l’escadre ennemie qui fut mise en pièces. Le commandant fut fait prisonnier.

La Cour envoya dix armées commandées par un célèbre général. Câu choisit un endroit propice pour dissimuler ses hommes. Une force disparate marcha à la rencontre de l’ennemi. À mesure que les troupes royales avançaient, les hommes de Câu reculèrent en abandonnant leurs armes. L’ennemi tomba dans l’embuscade. Sur un signal donné, les hommes de Câu se ruèrent sur les dix armées et les anéantirent. Le général, n’eut que le temps de fuir.

L’ultimatum à Câu

Pham Dinh Trong, devenu homme de confiance des seigneurs Trinh, se porta volontaire pour aller combattre son ancien camarade de classe. Avant d’engager la bataille, il lança à Câu un ultimatum où il était dit :
- Si vous vous soumettez, vous aurez la vie sauve, si vous résistez, ce sera pour votre perte.
Câu lui répondit en ces termes :
- Je serai ou roi ou rien. Me rendre jamais.


En 2013, la Fête de combats de bufles a été reconnue patrimoine culturel immatériel au niveau national. Photo : CVN

Les premiers combats se terminèrent à l’avantage de Câu. Trong rassembla toutes les troupes des deux zones militaires Nord et Ouest et en constitua une grande armée. Devant un adversaire de beaucoup supérieur en nombre les troupes de Câu, étirées le long du rivage, furent acculées dans un endroit. Tous ceux qui essayaient de rompre l’encerclement furent tués. Câu se trouvait dans une situation très désavantageuse. Une nuit, Câu entra dans l’eau, nagea jusqu’au navire amiral ennemi et réussit à monter à bord. Pour rappel, par son talent de natation, Câu est appelé familièrement le duc He (He, ayant pour nom scientifique Barbonymus schwanenfeldii, est un espèce de poisson de la famille des cyprinidés).

Trong dormait. Il lui laissa un message qui disait :
- Je peux te couper la tête aussi facilement que je prends un objet dans ma poche. Mais par camaraderie, je te fais grâce. En revanche, je te demande de me livrer passage.

Capturé et exécuté

Le message inquiéta vivement Trong qui ordonna de réquisitionner toutes les nattes des habitants de les assembler et d’en couvrir la surface de l’eau pour empêcher une nouvelle incursion. D’autre part, profitant de la demande de son adversaire, il lui ouvrit un passage tout en préparant une embuscade. Attaquées par surprise, les hommes de Câu se débandèrent, les uns furent tués, les autres noyés. Câu et une fraction réussirent à en réchapper par voie de mer. À Nghê An, ils furent surpris par une tempête et durent mettre pied à terre. Ils furent interceptés dans la région de Hoàng Mai, par un lieutenant de Trong. Au moment de sa capture, Câu s’écria :
- Le sort a voulu que ces canailles portent la main sur moi !

Lors de son exécution, sa femme Nguyên Thi Quynh vint le voir et se tua devant. Son fidèle cheval refusa la nourriture pendant trois jours, puis disparut. Aujourd’hui, les habitants de Dô Son continuent à célébrer le culte de Nguyên Huu Câu. Ils organisent chaque année des combats de buffles pour rappeler aux gens le souvenir d’un homme doué d’une force prodigieuse, dont seul le nom suffisait à faire frémir les troupes des seigneurs Trinh. L’expression «courageux comme le duc He» est devenue courante pour désigner toute personne qui fait preuve d’un grand courage.

Huu Ngoc/CVN

(Source media: Le Courrier du Vietnam)

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