Impact de Hanoi à Rochefort-sur-Mer

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Impact de Hanoi à Rochefort-sur-Mer

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(Courrier du Vietnam) - À l'heure où Hanoi s'organise pour les célébrations du Millénaire de Thang Long-Hanoi, la citadelle royale de Thang Long a été reconnue patrimoine de l'UNESCO. Le fait que l'ancienne citadelle soit inscrite sur la liste du patrimoine mondial est un évènement d'une signification indiscutable pour le Vietnam. Au travers d'archives de la Société de géographie à Rochefort-sur-Mer, nous avons découvert l'impact de Hanoi sur cette ville française. Une découverte qu'il nous semble intéressant de signaler.

En effet, les premiers explorateurs rochefortais partis à la conquête de l'Indochine ont laissé des cartes précises au Musée de la Vielle Paroisse, siège de la Société de géographie. Des plans et cartes des archives et documents ont été présentés lors de l'exposition "L'Indochine au 19e siècle" organisée entre septembre et novembre 2008. "Nombre d'entre eux sont des documents originaux et certains n'ont pas d'équivalent dans d'autres collections", selon Philippe Duprat, président de la Société de géographie de Rochefort. "L'Indochine française fut une construction historique, non seulement imposée et improvisée de l'extérieur par une puissance occidentale +impérialiste+, la France, mais aussi enracinée dans les tensions et dynamiques de l'espace anthropologique, social et politique de la péninsule de l'Indochine", précise Alain Dalançon, membre du Comité de rédaction de Roccafortis, bulletin semestriel publié par la Société de géographie de Rochefort.

Avant le retour de la capitale à Hanoi, la ville avait pendant longtemps été un centre politique jusqu'à ce que Huê devienne la capitale pendant la dynastie des Nguyên (1802-1945). Hanoi a nouveau servi de capitale pendant l'Indochine française de 1887 à 1945. De son image de grande capitale, Hanoi projette, a priori, une impression indéfinie chez les Rochefortais qui y dénotaient cette sorte de "prudence envers les autres dans le cours des relations", pour ne pas dire appréhension. L'administration coloniale a prescrit ses règles qui ont fourni le "silence" dans le quotidien en général et les "confidences" dans les rapports privés. De plus, il y avait à Hanoi une sorte d'austérité qu'on ne retrouvait point au Centre ni au Sud du Vietnam. Cependant, tout cela étant su et pris en note, la capitale restait des plus intéressantes à visiter et à connaître selon les ethnologues français de l'époque. Moins grande et moins développée que Saigon, Hanoi est riche de monuments et fourmille de traces de son passé de colonie française. Selon la règle française, comme centre administratif pour la colonie française de l'Indochine, le modèle colonial français d'architecture était devenu dominant, tels les boulevards délimités par des arbres (par exemple la rue Phan Dinh Phùng), l'Opéra de Hanoi, la Banque d'État du Vietnam (autrefois la Banque de l'Indochine), la cathédrale Saint-Joseph, l'hôtel historique Sofitel Métropole et le palais présidentiel, autrefois résidence du gouverneur général de l'Indochine française qui a été bâti entre 1900 et 1906 pour loger le gouverneur général français de l'Indochine. Construit par Auguste Henri Vildieu, l'architecte français officiel qui curieusement y a incorporé des éléments de la Renaissance italienne incluant aédicules, pignons cassés et colonnes classiques.

D'autres documents, à Rochefort, ont montré cartes, plans et dessins datant des années 1817 à 1897. La France s'est fixée le contrôle de l'espace indochinois par et grâce à des hommes dont les Vietnamiens se souviennent encore. En particulier, Paul Doumer, premier gouverneur général de l'Indochine, de 1897 à 1902, qui s'est distingué par la détermination de sa politique de colonisation en renforçant le système d'administration directe au détriment de l'ancienne classe dirigeante sur place. Mettant en place un véritable système fiscal, il a aussi lancé une politique de grands travaux d'infrastructures (pont Paul Doumer, routes, chemins de fer), la création de services (géographie, météorologie et géologie) et la fondation de la Faculté de médecine, de l'Institut français d'Extrême-Orient à Hanoi. Pour la Cochinchine, l'explorateur Louis Delaporte et Francis Garnier, partis à la découverte des ruines d'Angkor, ont rapporté des moulages en pays khmer qui ont servi à la reconstitution du temple d'Angkor Wat à l'exposition coloniale de 1930. Les travaux de Louis Delaporte (Atlas du voyage d'exploration en Indochine effectué pendant les années 1866, 1867 et 1868) ont permis de mieux cerner les ambitions françaises en Indochine. Certainement, le 25 mai 1866, il a été envoyé en Cochinchine et, presque aussitôt, désigné par l'amiral de La Grandière pour faire partie de la mission du commandant Doudart de Lagrée, destinée à étudier la navigabilité du Mékong. Les 6 officiers qui ont composé la mission du Mékong sont partis le 5 juin 1866, en remontant le fleuve jusqu'à Phnom Penh. Ils se sont engagés dans le déversoir du lac Tonlé Sap et ont ainsi été les premiers à visiter les ruines d'Angkor. Ils ont ensuite remonté le fleuve et ses affluents, dans un climat déplorable, souffrant du froid, de la chaleur, de l'humidité et de l'isolement. À Xiengkhouang, au point où le Mékong pénètre au Tonkin, Doudart de Lagrée, déjà malade, a abandonné la remontée du fleuve en allant vers la Chine par Sémap, Yunnan, Tong-Tchouen. Mais le chef de l'expédition est décédé en cours de route, en avril 1868. Les survivants de l'expédition, commandés par Francis Garnier, sont rentrés à Saigon en descendant le Yang-tseu-kiang, puis par voie maritime. De retour en France, Louis Delaporte a collaboré par ses dessins et, parfois, par la plume, à la rédaction du Voyage d'exploration en Indochine. Par ailleurs, les maladies tropicales ont été étudiées par nombre de navigateurs de l'époque, notamment Marie Benjamin Camille Flagel, natif de Rochefort décrivant la fièvre bilieuse inflammatoire en Guyane (1878-80). Accompagnant les expéditions coloniales, les officiers du service de santé découvrent un monde végétal inconnu dont ils vont faire l'inventaire. Les médecins et surtout les pharmaciens de marine l'avaient commencé, ceux du Corps de santé colonial vont l'approfondir. Les buts sont clairs mais les moyens d'étude modestes, surtout au début. Le catalogue botanique et le développement de certaines cultures se font en fonction de la découverte et de la production de plantes d'intérêt économique, de plantes thérapeutiques et de plantes d'utilité alimentaire. Ces activités ont favorisé le développement de la recherche pharmaceutique française en lui fournissant les matières premières végétales pour la production de nouveaux médicaments.

Pour les amoureux de Hanoi, nous retenons le problème mathématique des tours de Hanoi de 1892 et les abords prospectifs des immeubles de grande hauteur de 2010 (paru au Courrier du Vietnam le 24 juillet 2010). "Les Tours" est un jeu inventé par Édouard Lucas, natif de Rochefort. Il est publié dans le tome 3 de ses Récréations mathématiques, parues à titre posthume en 1892. Ce jeu à 64 disques requiert un minimum de 264-1 déplacements. En admettant qu'il faille une seconde pour déplacer un disque, ce qui fait 86.400 déplacements par jour, le jeu se terminerait au bout d'environ 213.000 milliards de jours, ce qui équivaut à peu près à 584,5 milliards d'années, soit 43 fois l'âge estimé de l'univers (13,7 milliards d'années selon certaines sources). La conférence franco-vietnamienne "Immeubles de grande hauteur et ouvrages souterrains" (CIGOS 2010) des 18 et 19 novembre 2010 à Paris va réunir les bâtisseurs de demain pour étudier les immeubles de grande hauteur et ouvrages souterrains et se pencher aussi sur Hanoi.

Dans les cœurs des Rochefortais, Hanoi laisse-t-elle un certain impact à explorer à nouveau? Les rêves de domination d'autrefois bercés par les marées de l'océan tout proche vont-ils conduire vers les réalités contemporaines de partages des espaces sociales, culturelles et touristiques ?

L'ouverture de Rochefort-en Mer sur d'autres horizons à travers ses jumelages et ses contacts internationaux assure des prospectives pour les villes du rivage vietnamien en particulier pour Nha Trang, province de Khanh Hòa.

Nguyên Dac Nhu Mai (Afpsv/CVN)
Lauréate 2010 du Mot d'Or de la Francophonie de la Presse écrite
Membre de la Société de géographie de Rochefort.
(28/08/2010)

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