Marché de bambou au pays des arts martiaux

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Marché de bambou au pays des arts martiaux

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Comme son nom l’indique, le marché de bambou d’An Luong, dans la province de Binh Dinh (Centre), est spécialisé dans la vente de cette plante emblématique. Probablement l’unique en son genre au Vietnam.
 
Le marché de bambou d’An Luong (commune de My Chanh, district de Phù My, province de Binh Dinh - Centre) se tient tous les 3e, 8e, 13e, 18e, 23e et 28e jours du mois lunaire, soit grosso modo tous les cinq jours. Personne ne sait vraiment quand il est apparu mais certains anciens avancent cette estimation : «Depuis très longtemps, peut-être des siècles». Bref, on est guère avancé.

Certains ont avancé l’hypothèse que ce marché remonterait à l’insurrection des Tây Son (1771), et qu’il alimentaient à l’époque les insurgés en bambous, qui bien taillés constituaient des armes redoutables (piques, lances..). Rappelons au passage que Binh Dinh est considérée comme la «terre des arts martiaux vietnamiens». Une piste à creuser...
 
Tout est bon dans le bambou

 
Ce marché est toujours rempli d’acheteurs et de vendeurs, ces derniers étant surtout des habitants des communes alentour (My Chanh, My Tài, My Quang...). Certains portent les tiges de bambou sur leurs épaules, d’autres les accrochent à un vélo, à une charrette, ou à un véhicule à moteur pour ceux qui en ont les moyens. Sur les troncs sont gravés leur nom. Ainsi, pas de risque d’égarer son bien ou de le voir subtiliser.
 
Vers 04h00, le marché commence à s’animer et bat son plein vers 05h00. Le va-et-vient est alors incessant. Des yeux experts scrutent minutieusement les tiges longues de 7 à 8 m, des mains calleuses s’attardent sur les noeuds et entre-noeuds, les caressent d’une manière quasi charnelle... Chacun fixe son choix en fonction de ses besoins ; celui qui veux tresser des corbeilles ou des paniers n’a pas les mêmes exigences que celui qui confectionne des cages à poissons ou des échafaudages. Certains achètent en gros, d’autres au détail. Vers 07h00, acheteurs et vendeurs se dispersent comme une volée de moineaux. Entre alors en scène «l’équipe de choc» chargée du transport, forte de trois lambrettas dont les conducteurs connaissent la région comme leur poche. À côté du nom des vendeurs sont gravés au couteau le nom et l’adresse des acheteurs, à charge pour eux de remettre au client ce qui lui est dû.

Toutes sortes d’espèces de bambou sont vendues ici. Certaines tiges sont grosses comme le pouce, d’autres de la taille d’une cuisse. Les vendeurs sont tous des agriculteurs, et leur vie est loin d’être aisée. Ils viennent de beaucoup de kilomètres à la ronde pour se faire quelques sous afin, comme on dit, de «mettre un peu de beurre dans les épinards».
 
La «bambou attitude»
 
Trân Thi Mai, 70 ans, du hameau de Trung Thuân, commune de My Chanh Tây, district de Phù My, vend depuis 40 ans des bambous sur ce marché. «L’emplacement a changé à trois reprises, mais est toujours resté sur le territoire de la commune de My Chanh»,

explique-t-elle. Malgré son grand âge, elle est bien incapable de dire quand ce marché est apparu. Elle l’a toujours connu ici, c’est tout. Elle coopère avec deux autres femmes histoire d’abaisser les frais. Un jour avant le marché, le groupe achète des tiges en gros pour les revendre au détail.

À chaque séance de marché, des milliers de bambous changent de main, vendus 20.000 à 50.000 dôngs la tige. Donc pas de «coup de bambou» à craindre, les prix sont plus que raisonnables.
 
Truong Sên Quy, 78 ans, de la commune de Cat Minh, district de Phu Cat, vient ici pour acheter de quoi confectionner des claies pour sécher les fruits de mer. Ses articles sont écoulés dans les provinces de Kiên Giang, et Bà Ria-Vung Tàu (Sud). Ses gains dans le tressage de claies sont modestes, mais ils aident sa famille à boucler la fin du mois. Guère plus...

Selon Mme Mai, «malgré les nombreux nouveaux matériaux vendus aujourd’hui, la quantité de bambou vendu ici est toujours importante. Car cette plante a deux qualités pas toujours faciles à associer : la solidité et la légèreté».
 
Une autre belle particularité de ce marché c’est qu’il se déroule de manière très ordonnée, sans heurts, à tel point qu’il n’y a pas besoin de service de gestion particulier comme dans d’autres marchés. Jamais de scènes d’empoignade ni de discussions vives à déplorer ici. D’aucuns disent que les vendeurs sont à l’image de leur produit : droits et souples.

Aller flâner sur ce marché, c’est le meilleur moyen de découvrir la diversité et tous les usages de cette plante altière, symbole de résistance face à l’adversité (plier mais ne pas rompre), de longévité et de bonne attitude face à la vie (le fameux «coeur vide» des Taoïstes), et surtout de réaliser à quel point elle reste importante dans la vie à la campagne.

Dieu An
(Le Courrier du Vietnam)

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