Millénaire de thang long-Hanoi : arbalète magique de Cô Loa, une légende devenue réalité

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Millénaire de thang long-Hanoi : arbalète magique de Cô Loa, une légende devenue réalité

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(Courrier du Vietnam) - Tout Vietnamien connaît l'histoire de la citadelle en spirale de Cô Loa et de l'arbalète magique équipée d'une griffe de la Tortue d'or qui a rendu, il y a 2 mille ans, le pays invincible. Cette arme légendaire vient d'être recrée et essayée avec succès, mettant à jour un secret de l'art militaire national sous le règne de An Duong Vuong.

Après 2 ans d'études et d'essais, les chercheurs du Musée de l'histoire militaire du Vietnam, soutenus par le Centre d'études de la préhistoire de l'Asie du Sud-Est, ont réussi à recréer la célèbre arbalète magique de Cô Loa avec ses flèches invincibles, grâce auxquelles le pays Âu Lac a vaincu l'agression étrangère qui s'est déroulée avant l'ère chrétienne. Un travail de recherches d'envergure qui a décroché le 2e prix lors du 10e Concours national des créations technologiques.

Citadelle en spirale

Les Vietnamiens connaissent bien la légende historique de la citadelle en spirale et de l'arbalète magique de Cô Loa, capitale d'antan du pays (située en banlieue de l'actuel Hanoi). Une histoire à la fois héroïque et romantique qui relate une époque lointaine où le pays Âu Lac (ancien nom du Vietnam) était menacé en permanence par l'agresseur étranger. En l'an 257 A. J-C, An Duong Vuong monte sur le trône, succédant aux 18 générations de rois Hùng. Ayant transféré la capitale de Bach Hac (province de Phu Tho) à Cô Loa (actuellement commune de Cô Loa, district de Dông Anh, Hanoi), l'empereur s'est efforcé en vain d'y bâtir une citadelle, qui s'effondre immanquablement avant son achèvement. Une nuit, An Duong Vuong a rencontré en rêve le Génie de la Tortue d'or qui lui a donné un conseil : tuer le monstre dévastateur Bach Kê, puis construire la citadelle en forme de spirale. Suivant ce conseil inspiré, An Duong Vuong a réussi enfin à édifier la citadelle de Cô Loa dotée d'un triple cercle de murailles entourées d'eau. L'ensemble couvrait 500 hectares de superficie et formait un vrai labyrinthe. Une fois la citadelle édifiée, le Génie de la Tortue d'or a offert à l'empereur une de ses griffes pour qu'elle serve à la fabrication d'une arbalète "magique". Celle-ci était en mesure de tirer en même temps de nombreuses flèches de bronze, et d'une précision redoutable dite "100 coups 100 cibles".

Grâce à la citadelle en spirale et à l'arbalète magique, le pays Âu Lac est devenu depuis invincible, repoussant toutes les attaques des agresseurs du Nord. (Voir la suite de la légende dans l'encadré).

L'arbalète aux "100 coups 100 cibles"

L'idée d'étudier et de recréer l'arbalète magique de Cô Loa est née en 2005, lorsque le Musée de l'histoire militaire du Vietnam s'est vu remettre 20 vieilles flèches en bronze. Ces dernières, caractérisées chacune par un triple tranchant (au lieu d'un double comme d'ordinaire), sont âgées de 2.000 - 2.500 ans et ont été retrouvées sur le site archéologique de Câu Vuc, à proximité de la citadelle de Cô Loa. La "mission" a été confiée à un groupe d'experts du Musée, dirigé par le sous capitaine Pham Vu Son, assisté du docteur Nguyên Van Viêt, du Centre d'études sur la préhistoire de l'Asie du Sud-Est. L'arbalète bimillénaire et ses flèches devaient donc renaître à l'identique, tant en forme et en taille qu'en principe de fonctionnement. "Une fois que nous aurons réussi à restaurer et vérifier la puissance sans égale de ces armes, nous pourrons comprendre l'histoire légendaire du temps d'An Duong Vuong, et découvrir l'art militaire extraordinaire de nos ancêtres", a indiqué Pham Vu Son.

Des études ont été réalisées grâce à des illustrations retrouvées sur des anciens documents de Chine (à une époque correspondante à celle d'An Duong Vuong). À cela sont venus s'ajouter des images d'arbalète gravées sur le tambour en bronze de Ngoc Lu (vieux de 2.000 ans) et sur les bas-reliefs d'Angkor Watt (Cambodge), ainsi que des vieux modèles conservés dans les régions montagneuses des provinces de Hoa Binh (Nord) et Nghê An (Centre). Après une longue étude, les experts se sont mis au travail : fabriquer une arbalète capable de tirer en même temps plusieurs flèches à triple tranchant en bronze. Et l'arbalète magique a enfin revu le jour grâce à l'aide des artisans de l'ethnie Muong spécialistes des armes de chasse, de Hoa Binh. Elle a été façonnée avec des matières premières naturelles : bois, bambou, rotin... à l'exception de la gâchette en bronze.

Les flèches à triple tranchant

Le moulage des flèches en bronze, lui, a été confié aux soins des mouleurs du village de métier de Dai Bai (province de Bac Ninh, Nord). Outre l'obligation de fabriquer selon la méthode artisanale, la proportion de matériaux composant les flèches devait être respectée. En effet, les analyses ont montré la composition des flèches antiques : bronze : 95%, plomb : 3,4 - 4,2%, et étain : 1 - 1,1%. De plus, comme le révèlent d'anciens registres, la flèche est dotée d'une hampe en tronc d'arec (pour sa droiture et flexibilité, outre l'absence de noeuds comme le bambou) et doit mesurer : 80 cm de longueur, 0,8 cm de diamètre, pour un poids de 80-100 grammes. "Ceci a été bien calculé par nos ancêtres pour permettre au projectile d'aller loin, de partir droit et d'être précis", observe Pham Vu Son.

L'arme ancestrale étant prête, des tirs d'essai ont été exécutés à Hoà Binh, puis à Hanoi. Les résultats ont dépassé les espérances : 10 des flèches lancées ont atteint leur cible, située à 80 - 120 m. Cette distance était aussi celle qui séparait les murailles extérieures de l'ancienne citadelle et les lignes ennemies, selon les experts. Par ailleurs, grâce à leur triple tranchant, la flèche peut faire d'"une pierre 2 coups", et faire plus de dégâts. Sans oublier qu'elle peut resservir.

"Tout cela explique, paraît-il, le secret de la puissance miraculeuse de cette arme rudimentaire du temps de Âu Lac. Une illustration convaincante du haut niveau de métallurgie comme de l'art militaire talentueux de cette époque lointaine", s'enthousiasme le chercheur.

Histoire de My Châu - Trong Thuy

L'histoire de l'arbalète magique se poursuit avec l'amour entre My Châu, jolie fille d'An Duong Vuong, et Trong Thuy, fils de Triêu Dà, un généralissime du pays voisin du Nord. Suite à la volonté malintentionnée de son père, Trong Thuy s'est rendu à Âu Lac pour demander la main de la princesse My Châu, puis y est resté en tant que gendre du roi. Heureux dans sa nouvelle vie conjugale, Trong Thuy n'oublie pas sa mission qui est de découvrir clandestinement l'art militaire qui rend ce pays invincible. Par mégarde, la princesse révèle à son mari le secret de la griffe de la Tortue d'or. Le traître gendre vole donc la gâchette magique, la remplace par une autre, puis regagne son pays "pour rendre visite à la famille" comme l'a dit-il, sans que personne ne se doute de rien. Un aller sans retour. Le pays voisin du Nord déclenche tout de suite une nouvelle offensive qui parvient cette fois-ci à briser toute résistance du "pays allié" dépourvu depuis peu de son arme protectrice.

L'ennemi s'emparant de la citadelle, An Duong Vuong s'enfuit à dos de cheval, accompagné par sa fille. Sur les conseils de son mari, celle-ci emporte une pèlerine faite de plumes d'oiseau blanches, qu'elle arrache et jette les unes après les autres tout au long du chemin, pour que son mari puisse la retrouver. Alors que l'empereur est arrivé face à la mer, il voit la Tortue d'or surgir de l'eau. Le Génie ne lui offre pas son aide cette fois-ci, mais lui adresse un reproche : "C'est l'ennemi qui est assis derrière vous. Ne le savez-vous pas, votre Majesté ?". Se retournant, l'empereur comprend le problème et décapite d'un coup d'épée sa fille avant de se suicider dans la mer. Tuée sans avoir appris sa culpabilité, la princesse demeure donc une victime innocente dont le sang en se déversant dans la mer, permet aux huîtres de produire des perles brillantes.

Trong Thuy, sa tâche accomplie, part à la recherche de sa femme, en suivant les plumes d'oiseau. Ayant retrouvé son corps sans tête sur le rivage, il l'emmène à Cô Loa, puis se jette dans un puits. Cet dernier, appelé par la population locale "Puits de Perle", existe encore aujourd'hui, en face du temple dédié au culte du roi An Duong Vuong.

Nghia Dàn/CVN
(04/09/2010)

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