Rencontres du Vietnam. Les pays émergents ont besoin de science fondamentale

Vous êtes ici : Actualité » Société » Rencontres du Vietnam. Les pays émergents ont besoin de science fondamentale

Société

Rencontres du Vietnam. Les pays émergents ont besoin de science fondamentale

Rencontres du Vietnam. Les pays émergents ont besoin de science fondamentale
Agrandir le texte
Réduire le texte
Imprimer
Envoyer à un ami

« Prix Nobel ou pas, tout le monde fait la vaisselle ». Cette phrase devenue culte dans la bouche du physicien théoricien Jean Tran Thanh Van remonte à un demi-siècle. Elle traduit l’esprit des fameuses « Rencontres de Moriond » (1) entre grands physiciens et jeunes débutants du domaine, que cet ancien directeur de recherches au CNRS, 80 ans cette année, fonda voilà cinquante ans dans un chalet des Alpes. Rencontres auxquelles la plupart des scientifiques férus de particules, quarks et autres bosons ont un jour assisté. Cet esprit de partage, c’est au Vietnam qu’il a décidé de le faire émerger, au niveau international (2). D’où une conférence anniversaire du cinquantenaire, qui se tiendra les 7 et 8 juillet 2016 près de la ville de Quy Nhon, consacrée à « l’importance de la science fondamentale («basic research »)  dans les pays émergents ».

Une science qui se veut combinée au développement durable, à la santé, et aussi à la paix. Ambition démesurée ? « Sans science fondamentale, le monde ne peut pas avancer », martèle Tran Thanh Van, refusant la seule logique « à court-terme » d’avancées « rapidement rentables ». « Il faut absolument pousser la recherche de la connaissance pour que l’avenir du pays et de l’humanité soit préservé », plaide-t-il.


Jean Tran Thanh Van, physicien théoricien et ancien directeur de recherches au CNRS

Pour faire bonne mesure, ce ne sont pas moins de 6 prix Nobel (physique, chimie, économie, paix) et un médaillé Fields (3) qui ont été conviés à participer aux travaux. Et pas n’importe où ! Dans un ambitieux centre de rencontres, inauguré en 2013, que Jean Tran Thanh Van et son épouse Le Kim Ngoc, biologiste, ancienne directrice de recherches au CNRS, sont parvenus à faire construire par l’architecte français Jean-François Milou (lire encadré ci-dessous), en des lieux volontairement reculés du centre du Vietnam – ainsi, les participants doivent se concentrer sur leur travail ! Construction achevée non sans avoir convaincu les autorités politiques nationales (Vu Duc Dam, le vice-Premier ministre féru de sciences et techniques sera présent) et locales (province de Binh Dinh, ville de Quy Nhon) de l’importance de la démarche.

C’est une aventure étonnante que ces « Rencontres du Vietnam » destinées à favoriser l’éducation scientifique, les transferts de connaissance et la coopération internationale, non seulement nord-sud mais aussi dans tout le sud-est asiatique, nées de l’engagement sans faille d’un couple attachant. Aujourd’hui, ce sont de grands acteurs, tels l’Unesco, un géant de la chimie comme Solvay, ou encore le laboratoire de physique des particules mondialement connu du CERN, à Genève, qui viennent les soutenir. Sciences et avenir a demandé à Tran Thanh Van d’exposer plus avant sa démarche de défense de la recherche et de la science. (A lire sur le site de Sciences et Avenir)

 _________________________________________________________

Réfléchir dans une palmeraie en bord de mer



Si elle est aujourd’hui peu connue des Français, la ville de Quy Nhon, environ 300 000 habitants, demeure un lieu d’importance pour les Vietnamiens. C’est de là, raconte Tran Thanh Van, qu’au XVIIIè siècle le prince Nguyen Hué leva une armée pour repousser la domination chinoise. C’est ici aussi que vécut Hàn Mac Tu, poète vietnamien qui attrapa la lèpre, fut soigné dans un village des environs avant de mourir en 1940. « Ce jeune catholique a écrit des poèmes tellement touchants qu’il est devenu un héros vénéré. Tous ceux qui viennent à Quy Nhon ne peuvent pas ne pas se rendre sur sa tombe », rappelle le physicien.

Désormais, c’est peut-être pour son centre de rencontres, voulu par Jean Tran Thanh Van et Le Kim Ngoc que l’on y viendra. Car Jean-François Milou, connu pour sa célèbre intervention à Singapour sur la nouvelle National Gallery, où il a fallu lier deux bâtiments historiques majeurs de la ville, y a manifestement mis tout son cœur. Le natif des Deux-Sèvres que nous avions rencontré au début des années 1990 lorsqu’il construisit le musée de site des Tumulus de Bougon, nécropole néolithique de Poitou-Charentes, a manifestement apprécié le défi. Comme il l’a déclaré à nos confrères de lepetitjournal.com (Le media des Français et francophones à l’étranger) « cette réalisation m’a particulièrement touché car il s’agissait d’intégrer le projet dans une palmeraie en bord de mer ». La réalisation légère de l’ICISE (International centre for interdisciplinary science education), en pierre grise de la région, tout en fins poteaux de façade, rappelant des troncs élancés a, depuis, « reçu de nombreux prix. J’en suis particulièrement fier», se réjouit-il. En 2009, nous nous demandions à Sciences et Avenir si ces lieux apparemment connus des seuls pêcheurs et leurs crevettes attireraient un « architecte amoureux de la science » ? C’est chose (bien) faite.

 _________________________________________________________

1) Moriond était alors un petit village, hors de la célèbre station de Courchevel. Les rencontres ont maintenant lieu en différents endroits des Alpes mais ont conservé leur nom d’origine. Les prochaines rencontres de physique fondamentale : 18-25 mars 2017 (phénomènes à hautes énergies dans l’univers…) ; 25 mars-1er avril (gravitation…)

2) Les deuxièmes Rencontres du Vietnam eurent lieu à Ho Chi Minh Ville en 1995, à l’occasion d’une éclipse totale de Soleil, et participaient à la nouvelle « réouverture » du Vietnam vingt ans après la fin de la guerre avec les Etats-Unis (les 1ères Rencontres, de moindre ampleur s’étaient tenues à Hanoï en 1993).

3) Nobels de physique Carlo Rubbia (1984), Jerome Friedman (1990), David Gross (2004). Nobel de chimie Kurt Wüthrich (2002). Nobel d’économie Finn Kydland (2004). Nobel de la paix : Jean Jouzel (en tant que vice-président du GIEC, 2007). Médaille Fields : Ngo Bau Chau (2010).

(Sources info: sciencepourvousetmoi.blogs.sciencesetavenir.fr & Presse vietnamienne)

Nouveau Envoyer à un ami