Vietnam-Chine : la guerre des nerfs en mer de Chine méridionale

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La guerre des nerfs en mer de Chine méridionaleLes pêcheurs vietnamiens, pris dans les filets de la géopolitique

La guerre des nerfs en mer de Chine méridionale

Le renforcement de la présence militaire américaine en Asie, avec le déploiement d'un bouclier antimissile en Corée du Sud irrite le régime chinois, au moment où il avance ses pions en mer de Chine méridionale. Pékin la revendique dans sa quasi-totalité, face aux pays riverains, comme le Vietnam.

À bord d'un bateau vietnamien : "la peur au ventre"

En 1974, les Vietnamiens ont été chassés de l’archipel des Paracels, situé à égale distance de la Chine et du Vietnam. Depuis, les Chinois qui s’y sont installés, repoussent les pêcheurs vietnamiens intéressés, comme les pêcheurs chinois, par cette zone, depuis toujours très poissonneuse. À bord de son bateau de pêche, Nguyen Thanh Tan, capitaine vietnamien d’un équipage de six marins travaille la peur au ventre. Ce jour-là, il scrute la mer et aperçoit un bateau des garde-côtes vietnamiens en patrouille, de retour des Paracels. "Quand on les voit, on a l’esprit tranquille. Depuis quatre ou cinq ans, on se fait attaquer de plus en plus souvent par les bateaux chinois."

"Avant, ils nous emprisonnaient. Aujourd’hui, ils pillent nos bateaux et nous obligent à quitter la zone de pêche. Alors qu'eux viennent pêcher tout près de nos côtes, jusque dans nos eaux.

Nguyen Thanh Tan, pêcheur vietnamien

à franceinfo"

La difficulté pour les pêcheurs vietnamiens, c’est que leurs garde-côtes n’ont pas assez de bateaux pour les protéger. Mais, devant les nombreux incidents, le gouvernement vietnamien vient d’annoncer que les moyens seraient renforcés. En 2015, Dang Dum et son équipage ont été attaqués en mer en pleine nuit. Son épouse, Pham Thi Binh, âgé d'une soixantaine d'années, témoigne de sa détresse depuis que le bateau de son mari a été éperonné par les Chinois, à 4 h du matin, en 2015.

Pham Thi Binh a perdu son mari, pêcheur, en 2015.  (RADIO FRANCE / DOMINIQUE ANDRE)

 

Le mari de Pham Thi Binh pêchait dans les Spratleys et les Paracels depuis 30 ans.

"Le bateau a coulé. Un pêcheur a été emporté. Les autres ont dérivé dans un canot toute la matinée, avant d’être recueillis par un cargo vietnamien. Mon mari n’a pas survécu à ses blessures.

Pham Thi Binh, veuve d'un pêcheur attaqué en mer

à franceinfo"

L'épouse du patron-pêcheur raconte qu'elle a tout perdu cette nuit-là. "Il ne me restait que son corps à ramener sur l’île."

Une double revendication des Paracels

Le Vietnam et la Chine se disputent la souveraineté sur l’archipel et s'appuient sur des éléments très anciens. L’historien vietnamien Anh Son a cherché dans les archives de la France, ancienne puissance coloniale, de quoi donner raison à son pays. "Les preuves historiques remontent à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle", déclare l'historien, qui s'appuie notamment sur des ouvrages datant de l’ancienne Cochinchine. "Nous avons actuellement en possession plus de 100 documents historiques authentiques dans sept  langues, notamment en francais, en portugais, hollandais et allemand."

Face à l’avancée chinoise, une "île sentinelle"

À une heure et demie de bateau des côtes vietnamiennes, Ly Son, une île peu connue compte 22 000 habitants dont 5 000 pêcheurs. C’est le poste avancé du Vietnam pour les Paracels, une sorte "d’île sentinelle", surmontée par des radars.

L'arrivée des bateaux de pêche vietnamien en Mer de Chine du sud sur l'île vietnamienne de Ly Son. (RADIO FRANCE / DOMINIQUE ANDRE

Depuis deux ans, le gouvernement vietnamien a décidé de développer Ly Son. Un câble sous-marin y amène l’électricité. Un hôtel a même été construit, où travaille Laty Mao, jeune diplômée en économie de l’université de Hanoi. Elle dit sa fierté de protéger cette île. "Nous venons du continent pour contribuer au développement du tourisme. Si l’économie est bonne, cela attirera des gens de talent ici et du monde".

francetvinfo.fr

 

Les pêcheurs vietnamiens, pris dans les filets de la géopolitique

Le drapeau vietnamien flotte sur les hauteurs de l'île de Ly Son, avant-post du Vietnam en mer de Chine © Radio France / Dominique André

Reportage dans ces eaux très disputées, entre renforcement de la présence militaire américaine et colère des stratèges chinois qui gonflent leurs muscles dans la zone.

Au milieu, il y a les Vietnamiens, et plus précisément les pêcheurs du pays, pris entre deux feux et qui subissent la tension croissante dans la région. Illustration dans la région des Paracels, un archipel que les Chinois ont pris par la force en 1974.

Arrivée des bateaux de pêche vietnamiens sur l'île de Ly Son © Radio France / Dominique André

Des pêcheurs vietnamiens nous ont emmenés près de l’ile de Ly Son, avant-poste du Vietnam en mer de Chine du Sud. Les sommets de l'île sont équipés de radars, et nous avons croisé en mer les gardes-cotes vietnamiens qui patrouillent pour chasser les bateaux chinois et protéger les pêcheurs vietnamiens. Car les agressions sont nombreuses.

Un bateau des gardes-côtes vietnamien surveille les bateaux chinois pour les chasser © Radio France / Dominique André

Bui Doi, par exemple, a tout perdu il y a quatre mois. "En 2016 au mois de novembre, je suis allé aux Paracels pour pêcher, c'était tout près de l'île boisée. Mes pêcheurs et mes plongeurs étaient en train d’installer les filets, et j’ai vu un bateau des gardes-pêche chinois. Ils ont envoyé deux canots rapides qui nous ont pris en tenaille." Les pêcheurs tentent alors de s'enfuir, mais en vain. "Ils nous ont rattrapés, percutés et ils sont montés sur le bateau. Ils étaient au moins six ou sept, ils nous ont obligés à nous mettre sur le pont avec les mains sur la tête. Ils ont commencé à nous taper avec des matraques électriques. Ils ont tout pillé. Et après ils nous ont ordonné de partir. On n'a plus rien pour travailler."

Bui Doi, 63 ans, a été attaqué plusieurs fois par des Chinois pendant ses pêches © Radio France / Dominique André

Petits pêcheurs contre puissance chinoise

Au total, 10 % de la pêche mondiale vient de la mer de Chine du Sud. C'est un élément vital pour les Vietnamiens comme pour les Chinois. Et cela inquiète Pham Thi Huong, qui administre l’ile de Ly Son. "Ce qui nous préoccupe le plus, c'est la vie et la survie des pêcheurs de l’île. C'est aussi le fait que les Chinois attaquent et pillent nos bateaux de pêche. Il est important pour nous de conserver nos zones traditionnelles de pêche dans les Paracels et les Spratleys. Nos pêcheurs ne devraient pas avoir à s’inquiéter quand ils partent travailler comme c'est le cas pour n'importe quel pêcheur dans le monde."

La présidente du comité populaire qui administre l'île de Ly Son, 22.000 habitants sur 10 km² © Radio France / Dominique André

Les Vietnamiens essaient donc de faire valoir leurs droits face à la puissance chinoise, par fois par des moyens inattendus. Ils fouillent dans l’Histoire, notamment celle de la France, ancienne puissance coloniale qui a quitté le Vietnam en 1954. Les Paracels étaient françaises jusqu'à cette date. D'ailleurs, une borne de souveraineté que la France avait installée aux Paracels est exposée au petit musée de Ly Son.

La plaque française au musée de l'île de Ly Son © Radio France / Dominique André

L'Histoire et le droit pour apaiser les tensions

Un historien vietnamien, Anh Son, est même allé jusqu'à Paris pour en savoir plus. "Nous avons étudié les archives en France. Le document le plus ancien date de 1816, il mentionne que l'empereur vietnamien Gia Long a envoyé ses marins aux Paracels. C'est dans le livre écrit par Michel Duc Chaigneau, "Mémoire sur la Cochinchine", dans lequel il raconte sa vie au quotidien. Il s’agit d’un officier français de la Marine que l'empereur avait nommé comme conseiller spécial. Dans les archives, nous avons trouvé 40 documents français très importants sur les Paracels."

Le Vietnam s’appuie aussi sur la convention de Montego Bay sur le droit de la mer. Mais la Chine rejette toute solution juridique, en présentant une carte de 1947 qui matérialise en neuf traits ses revendications en mer de Chine. Le renforcement de la présence militaire américaine en Asie va-t-il changer la donne ? En attendant, les pêcheurs vietnamiens doivent continuer de pêcher en mer de Chine du Sud, répond le président de l association des pêcheurs de Ly Son, Quoe Chinh. "Les Paracels, c'est comme notre bol de riz. Nous devons le défendre, protéger notre vie, et le futur de nos enfants. Même si les Chinois nous battent et nous volent, il faut continuer d’y aller. Et nous continuons d’aller pêcher aux Paracels."

Ly Son est la seule grande île encore contrôlée par le Vietnam au large de Quang Ngai © Radio France / Dominique André

Traductions : Trung Dung Vo

franceinter.fr

 

 

 

 

 

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