Vietnam-USA : une page définitivement tournée

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Vietnam-USA : une page définitivement tournée

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Avec la levée de l'embargo sur les ventes d'armes au Vietnam, le président Barack Obama a définitivement tourné une page noire de l'histoire récente des États-Unis.

Dernier vestige de cette période tourmentée, la levée de l'embargo a été annoncée lundi, par le président lui-même, peu avant son voyage officiel à Hanoï, la capitale vietnamienne, première étape de son périple en Asie.

Rien n'empêche désormais le plein développement des relations bilatérales entre les deux pays dont le conflit meurtrier, de 1963 à 1975 (alors entre le Sud Vietnam, soutenu par l'Amérique, et le Nord Vietnam, aidé par la Chine et l'URSS), fut un symbole de la guerre idéologique opposant le bloc communiste au camp occidental.

Le processus aura pris vingt-deux ans depuis la levée de l'embargo économique en 1994 : rétablissement des relations diplomatiques en 1995, établissement d'un « partenariat intégral » en 2013, autorisation de vente d'équipement de défense « uniquement à des fins de défense maritime » en 2014, et à présent, la levée complète de l'embargo sur les armes.

Les États-Unis ont préparé un dispositif spectaculaire avec leur ancien ennemi. Celui-ci repose sur deux piliers. Le premier, c'est le fameux TPP, le Trans Pacific Partnership, un accord de libre-échange signé par douze pays, en février, auquel Hanoï a accepté de participer. En rapprochant les deux économies par le biais du commerce et de la mise en place de normes communes, le TPP devrait arrimer plus profondément le Vietnam aux dynamiques nord-américaines.

Un nouvel équilibre face à la Chine

Le second pilier est la coopération diplomatico-sécuritaire entre les deux pays. Il suffit de regarder une carte pour comprendre l'importance cruciale du soutien américain pour Hanoï : la Chine est le grand voisin du Vietnam avec lequel elle partage une frontière terrestre de 1 300 kilomètres et une frontière maritime incomplètement délimitée du fait des revendications territoriales des deux nations.

Or Pékin, qui a déjà occupé les Paracels en 1974, ne montre aucune propension à la négociation sur d'autres îles, notamment dans l'archipel des Spratleys. On se souvient d'ailleurs des graves tensions qui avaient suivi la mise en place, en mai 2014, d'une plateforme d'exploration par la Chine dans une zone contestée, à 221 kilomètres des côtes vietnamiennes.

Cet incident avait replacé l'enjeu territorial dans sa réalité brute qui est celle de la dissymétrie entre un géant chinois, aux moyens considérables et peu enclin au compromis, et un petit frère vietnamien, complexé et pourtant fier. En se rapprochant des États-Unis, c'est ce déséquilibre qu'Hanoï espère un peu combler.

Pour le Vietnam comme pour les États-Unis, donc, la décision d'Obama est autant symbolique que stratégique. Le Président, qui avait fait du pivot vers l'Asie la grande transformation de la politique étrangère américaine sous son administration, a encore besoin de démontrer la cohérence de son choix. Et le Vietnam, du fait de son poids émotionnel dans la stratégie américaine, devient un allié crucial pour sa réussite.

Côté vietnamien, s'il ne s'agit évidemment pas de « s'allier avec les Américains contre les Chinois » : l'essentiel est de montrer que le pays dispose d'arguments qui peuvent s'avérer puissants.

Pour les deux partenaires, il est essentiel de tourner au plus vite la page d'histoire du XXe siècle pour se préparer ensemble aux défis du XXIe.

Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse à l'Institut français des relations internationales.

(Source info: www.ouest-france.fr)

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Etats-Unis – Vietnam : un rapprochement stratégique ?



Les Etats-Unis ont levé les dernières restrictions à la vente d’équipements militaires au Vietnam, en place depuis 50 ans. Peut-on considérer que les relations entre les deux pays se sont pleinement normalisées ?

Il s'agit en effet d'un geste hautement symbolique qui marque le rapprochement très significatif entre les deux pays amorcé sous l'administration Bush, et accéléré sous l'administration Obama, en marge de la stratégie du pivot asiatique. D'une certaine manière, cette décision est à mettre au même niveau que le rétablissement de relations diplomatiques avec Cuba, ou l'accord avec l'Iran, et participe à la volonté de Barack Obama de redéfinir la relation avec les anciens rivaux et adversaires de Washington. Dans ces trois cas, ce sont les Etats-Unis qui ont pratiqué une politique de main tendue et, en ce sens, la levée de l'embargo des ventes d'armes vers le Vietnam est en effet le signe d'une normalisation très avancée et qui ferme une parenthèse de plus d'un demi-siècle.

Après avoir signé l’accord de libre-échange transpacifique, le Vietnam est-il en train d’abandonner ses réticences quant à un rapprochement avec Washington ou joue-t-il simplement des rivalités régionales ?

C'est plus du côté américain qu'il y a eu un changement de perception depuis quelques années. Le Vietnam voit dans le rapprochement avec les Etats-Unis un moyen de se "protéger" de son voisin chinois, avec lequel les relations sont difficiles, et symbolisées par les différends maritimes réactivés depuis le début de la décennie. Il y a donc un opportunisme dans l'amélioration de la relation avec Washington mais qui ne s'est pas accompagné de modifications profondes du régime ou de son rapport à l'extérieur. Le Vietnam ne voit plus dans les Etats-Unis une menace à sa sécurité. En revanche, Hanoï s'inquiète de la montée en puissance chinoise, et dans le même temps cherche à s'affirmer comme l'une des principales puissances de l'Asean, tant économiquement que diplomatiquement. La fermeté des autorités vietnamiennes sur les différends maritimes est ainsi révélatrice d'une volonté de ne pas rester passif face aux revendications chinoises et, en ce sens, le soutien des Etats-Unis, même important, n'est qu'un instrument de plus au service de la stratégie régionale de Hanoï.

Le renforcement de la coopération militaire entre les Etats-Unis et le Vietnam fait-il partie d’une stratégie américaine de dilution de la puissance chinoise à travers de nouvelles alliances ? L’initiative intervient-elle en réaction à l’affirmation croissante de la Chine ?

Oui, et ce n'est pas nouveau. La stratégie d’« endigagement », à savoir la combinaison d'un engagement et d'un endiguement, était déjà pratiquée il y a une décennie sous l'administration Bush. La stratégie du pivot, qui semblait au départ plus ambitieuse, n'en est que la continuité. Il s'agit plus d'une stratégie chinoise que d'une stratégie asiatique, et les pays de la région l'ont parfaitement compris, au point d'orienter dans la direction qui leur convient le nouvel engagement américain. Le Vietnam et les Philippines, les deux pays en crise diplomatique ouverte avec Pékin, ont ainsi tiré profit de cette volonté de Washington de reprendre place dans la région, associée à cette obsession chinoise. C'est donc sur le terrain militaire que cette stratégie du pivot s'est matérialisée, tandis que l'accord de libre-échange transpacifique, au départ ambitieux, aura au final un impact limité. Le constat est là : sur le terrain militaire, les Etats-Unis peuvent endiguer la montée en puissance chinoise. Mais au niveau des échanges économiques et commerciaux, la Chine s'est imposée en Asie du Sud-Est depuis des années, et les différends actuels n'y changent rien.

Le point de vue de Barthélémy Courmont

(Source info: www.iris-france.org)
 

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