Histoire de la Musique Vietnamienne, Dossier

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IntroductionLa première période La deuxième périodeLa troisième périodeLes InstrumentsQuestions ThéoriquesSystèmes modauxParticularitésConclusionQuelques instruments

Trản văn Khê : La musique vietnamienne traditionnelle , extraits: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 52 N°2, 1965. pp. 578-589. commenté par Văn Håo Lê.

Introduction

De toutes les musiques de l'Extrême-Orient, la musique vietnamienne, affirmel'auteur, est  sans aucun doute la moins connue des musicologues étrangers.

Après avoir passé en revue les travaux de ses prédécesseurs sur ce sujet, notamment les contributions de G. Knosp, de Hoàng Yen, d'E. Le Bris et de G. de Gironcourt, il constate qu'aucun auteur « n'a essayé de tracer les grands traits de l'histoire de la musique du Viêt-nam, que la plupart des musicologues qui ont étudié les instruments vietnamiens ne pouvaient pas en jouer et que leurs observations sur le jeu et les possibilités de ces instruments étaient par conséquent incomplètes, et que personne n'a étudié les échelles musicales et les systèmes modaux » (Introduction, p. 5). Cette thèse sur La musique vietnamienne traditionnelle se propose donc de combler ces manques ; l'auteur néanmoins ne cache pas ses propres lacunes, ne prétend pas avoir dépouillé tous les documents archéologiques et historiques concernant le sujet qu'il traite, ni avoir étudié à fond tous les genres de musique.

Le manque de documents l'a obligé de laisser de côté la musique populaire d'une part, et de l'autre la musique des peuples minoritaires du Nord et du Centre Viêt-nam, qui présenterait sans nul doute d'intéressants éléments de comparaison avec la musique des Vietnamiens, étant donné la parenté anthropologique et culturelle, la communauté d'origine de ces peuples. L'auteur insistera plus particulièrement sur la musique traditionnelle : musique rituelle, musique de chambre et musique dramatique. Ayant ainsi délimité le domaine de ses recherches, il entreprend de retracer les grandes lignes de l'histoire de la musique du Viêt-nam, de compléter l'étude descriptive des instruments par des observations personnelles, d’étudier les échelles musicales, les systèmes modaux utilisés par les musiciens vietnamiens, ainsi que les systèmes de notation musicale, le rythme, la mélodie, l'harmonie et le contrepoint.

L'ouvrage est divisé en trois grandes parties, la Ire est un Essai historique (p. 11- 111), la IIe une étude organologique (p. 113-182) et la IIIe partie traite des questions théoriques (p. 185-295). Il comporte en outre un tableau chronologique de l'histoire de la musique vietnamienne, une liste donnant la signification courante des caractères utilisés dans les titres des hymnes, un tableau synoptique de l'évolution de cette musique, une bibliographie à peu près complète de 156 titres et une discographie critique et très détaillée de 118 titres.

L'Essai historique que M. T. V. K. a écrit sur la musique vietnamienne traditionnelle est comparable en importance à celui que Maurice Courant avait consacré à la musique classique des Chinois. Malgré les difficultés auxquelles se heurte tout historien qui écrit sur le Viêt-nam (rareté extrême des documents et leur imprécision) l'auteur a su mettre à profit les résultats des fouilles archéologiques et surtout les documents historiques essentiels mais encore peu connus et peu utilisés, pour esquisser dans ses grandes lignes une première histoire de la musique vietnamienne qui, selon nous, s'impose désormais comme base de toute recherche ultérieure. Il distingue dans cette histoire trois périodes principales (allant depuis la fondation de la première dynastie vietnamienne au Xe siècle jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale). Ces périodes sont précédées d'une période d'origine que l'auteur qualifie d'obscure.

La «période obscure » recouvre les derniers millénaires de l'ère préchrétienne qui voyaient s'installer sur le Viêt-nam septentrional les ancêtres lointains puis les ancêtres directs du peuple vietnamien. Les premiers, de race indonésienne (proto-malaise), ont laissé un instrument, le litho phone de Ndut Iieng Krak, découvert par M. G. Condominas; les seconds ont été les fabricateurs des tambours de bronze dits dongsoniens décorés de dessins gravés. L'examen de ces produits de fouille permet de faire l'hypothèse suivante : les ancêtres directs des Vietnamiens auraient connu l'orgue à bouche (khène), et des instruments à percussion du genre du tambour et des cliquettes; l'influence de la musique chinoise ne se serait pas encore fait sentir; ils auraient ignoré les instruments à cordes, mais auraient su pratiquer des danses guerrières ou des danses rituelles. Après la défaite de ces tribus et l'installation de la domination chinoise (du 11e s, av. J.-C. au xe s.), on pourrait supposer que la musique chinoise fut introduite dans le Giao Châu (ancien nom du Viêt-nam); cependant on n'a trouvé aucun document sur la musique vietnamienne de cette époque. Le peuple gouverné par les Chinois mais vivant en contact des Chams du royaume Lin Yi (Lam Ар) pouvait avoir une musique qui porterait la marque de ces deux influences.

La première période

va du Xe au XVe siècle, période pendant laquelle l'auteur constate l'influence conjuguée de l'élément indien et de l'élément chinois dans la musique vietnamienne. Les documents qui nous renseignent sur cette influence sont d'une part les découvertes archéologiques faites par M. L. Bezacier au village de Phât Tich (Bác-Ninh) et de l'autre le An Nam CM Lucre de Le Tác, et le Dai Viçt Su Ký Toàn Thu. Les instruments de musique que l'auteur a pu identifier sont au nombre de douze : six instruments à cordes, trois à vent et trois à percussion, les uns d'origine chinoise, d'autres d'origine indienne. Les formations orchestrales sont au nombre de deux : la grande musique (dai nhac) utilisée à la Cour, réservée aux souverains, aux dignitaires, et composée principalement d'instruments d'origine cham; la petite musique (tiêu nhac) utilisée par les gens de toutes classes et composée principalement d'instruments d'origine chinoise.

La musique était très appréciée à la Cour; la musique officielle du pays Viet de cette époque a subi l'influence de la musique cham; tandis que l'influence chinoise s'exerça surtout dans le domaine de la musique dramatique : le théâtre traditionnel vietnamien Hát tuong prit naissance sous la dynastie des Lý au XIe siècle grâce à l'enseignement d'un Chinois taoïste de la dynastie des Song; puis un autre apport de théâtre chinois se fit au cours du хше siècle sous la dynastie des Tràn. Selon l'auteur, le théâtre populaire phuong chèo naquit également à cette époque. Les chants et la musique de chambre furent connus seulement des chanteuses professionnelles (le Hát â dào). Du Xe au xve siècle, l'influence de la musique indienne rivalisera donc avec celle de la musique chinoise et la domina parfois, mais lui cédera la place pendant la période qui va suivre.

La deuxième période

qui va du XV e à la fin du XVIII e siècle, est celle de la prédominance de l'élément chinois. Les documents sur lesquels s'appuient l'auteur sont : le Toàn Thu (déjà cité), le Ming Che «Histoire des Ming », le Vu Trung Tuf But « Par temps de pluies au courant du pinceau » de Pham dlnh Ho, le Le Triêu Hoi Dien « Collection des Lois de la dynastie des Le » ; le Lich Trieu Hiên Chuong Loai Chi « Les Règlements par matières des dynasties successives » de Phan Huy Chú, le Ta Ts’ing Hoei Tien cheLi « Statuts des Ts'ing, Règlements détaillés, Recueil officiel », le Khâm Dinh Dai Nam Hoi Dien Su Lê « Répertoire administratif de l'Empire d'Annam dressé par ordre impérial », ainsi qu'un certain nombre de témoignages des voyageurs tels le P. Marini Romain, Baron.

Les formations orchestrales de cette époque sont : les orchestres Duong Thuong chi Nhac « Musique du haut de la salle » et Duong Ha chi Nhac « Musique du bas de la salle », copiés sur un modèle chinois ; les orchestres Dong Vân et Nhâ Nhac, musique royale, deux formations instrumentales et chorales; l'orchestre populaire Giâo Phicàng destiné à exécuter la musique pour le peuple; l'orchestre Ba Lênh (Musique des Seigneurs Trjnh); l'orchestre vietnamien à la Cour des Ts'ing.

Dans ces formations, l'auteur a identifié onze instruments à cordes; douze instruments à vent; seize instruments à percussion et quatre carillons. Les caractéristiques de la musique vietnamienne de cette période sont les suivantes : l'influence chinoise s'est exercée fortement dans plusieurs domaines; sur tous les instruments utilisés seul le y eu ce (tambour à deux membranes et à caisse rétrécie vers le milieu) est d'origine indienne ; quatre autres instruments : le dâi câm (luth des chanteuses à trois cordes), le trwong cùng (longue poutre de bambou), le truc sinh (xylophone à deux sons, instrument de percussion) et le sinh tien (cliquettes à sapèques) sont probablement vietnamiens; tous les autres instruments sont d'origine chinoise. Les orchestres royaux rappellent les orchestres chinois; les dignitaires de la Cour chargés de fixer la musique royale de la dynastie des LE ont tous étudié la musique chinoise; les notions de théorie (les cinq degrés, les sept sons, les douze lyu) sont de tradition chinoise; toute la musique rituelle de Cour s'est inspirée de la musique rituelle de Cour chinoise. Les troupes de théâtres populaires phuong chèo boi ont eu dans leur répertoire des chants funèbres et des rudiments de théâtre appris avec les Chinois aux XIe et XIII e siècles. La musique de Cour fut à son apogée pendant la période Hong Duc (1470-1497) mais tomba en décadence à partir de 1578, alors que la musique du peuple au contraire connut un grand développement. Le Hát a dào a perdu son caractère populaire et rituel d'origine pour prendre un cachet aristocratique et a connu un grand développement dans le Nord du Viêt-nam à la Cour des Seigneurs Trinh. Dans le Sud, le théâtre de Cour prit un bel essor favorisé par le goût des Seigneurs Nguyën.

Le théâtre populaire, lui, acquit de plus en plus la faveur du public. Dans le Nord, le théâtie traditionnel Hát tuông fut joué exclusivement pour les dignitaires de Cour et les riches, tandis que le théâtre populaire Hát chèo fut réservé au petit peuple. Quant à la musique de chambre elle fut à son début; on connaissait les deux systèmes modaux bac et nam (voir ci-après), mais aucun recueil de musique de chambre de cette époque n'est parvenu jusqu'à nous. La musique resta anonyme, et la tradition, orale (p. 39-50).

La troisième période

qui va du début du xixe siècle à la veille de la deuxième guerre mondiale, assiste à la création d'une musique essentiellement vietnamienne et au commencement de l'influence de la musique occidentale. Pour cette période, les documents sont plus nombreux, l'auteur s'est servi notamment du Hoi Bien (déjà cité), du Vu Trung Tuy Bût (id.) et des études faites par les auteurs français et vietnamiens (Knosp, Dumoutier, Hoàng Yen, Nguyën don Phuc, etc.).

Les ensembles instrumentaux de cette période sont :   a. les orchestres de Cour (le Nhâ Nhac, le Nhac Нuyen, le Dai Nhac, le Te Nhac, le Ту Chung et le Ty Khánh, le Ту Co, le Quân Nhac), les orchestres de palais; b. les orchestres de cérémonies (le Phuông Bát Âm, le Phuong Kèn, le Nhac Ngu Âm divisé en Groupe civil Phe vân et Groupe militaire Phe vo; c. les ensembles instrumentaux de musique de chambre (le trio, le quintette, le sextuor, l'orchestre du Hát à dào); d. les orchestres de théâtre (orchestres de théâtre populaire, du théâtre traditionnel, du théâtre rénové); e. les orchestres d'aveugles et de musiciens ambulants (le Xâm, le Hât sâc bùa). Ces différents orchestres se composent d'instruments très variés qui sont au nombre d'une cinquantaine, dont quatorze instruments à vent, douze à cordes et vingt-huit à percussion (en peau, en métal, en bois ou en pierre) ; une quinzaine d'entre eux sont devenus archaïques à nos jours. Les caractéristiques de la musique vietnamienne de cette période sont : l'importance de la musique rituelle, la décadence du Hât a dào, le succès populaire du théâtre et le développement de la musique de chambre.

La musique rituelle de Cour fut réglementée comme suit. Les orchestres et les chanteurs du palais exécutèrent : au sacrifice au Ciel et à la Terre; au sacrifice au Génie de la terre et au Génie de l'agriculture; dans le temple des Fondateurs et Empereurs de la dynastie des Nguyën; dans celui des Empereurs de différentes générations; dans le temple des héros; dans le temple de Confucius; pendant les audiences; au cours des banquets; à l'intérieur du palais impérial; pour chaque circonstance, il y a un répertoire spécial. La musique rituelle se compose de différentes musiques suivantes : musique de l'Esplanade du Ciel Giao nhac; musique des Temples Mieu nhac; musique des Cinq Sacrifices Ngu tu nhac; musique des Grandes Audiences Dai trieu nhac; musique des Audiences ordinaires Thuong trieu nhac; musique des Banquets Yen nhac; musique du Palais Cung nhac.

Le Hât a dào, depuis le début du XIXe siècle, a évolué vers la réduction du nombre d'instruments d'accompagnement, la rareté des ballets, la modification du répertoire et la médiocrité de la condition de vie des artistes; il tend à disparaître de nos jours.

Le théâtre par contre à un public de plus en plus large. Le répertoire du théâtre traditionnel Hât Tuong se compose de chants typiquement vietnamiens : les Hât khâch, Hat nam, Hot bài et Nói loi. Le théâtre populaire Hât chèo, lui, est caractérisé par l'absence de décors, la pauvreté des costumes et la simplicité des gestes et surtout par un répertoire très varié et très riche composé de chants d'origine populaire (il y a des chants adaptés aux circonstances : chants pour les situations gaies, les scènes tristes, les scènes d'amour, de discussion, de taquinerie, de provocation, etc.; certains rôles ont des chants particuliers (chants de bouffons, de folles, de vieillards, de moines, etc.). De tous ces chants l'auteur nous a donné une nomenclature assez complète, à défaut des définitions précises qu'on ne pourra formuler qu'après des études sur place, auprès des acteurs de théâtre eux-mêmes.

Un deuxième fait remarquable dans l'évolution du théâtre est la création du Hât câi luong, «Théâtre rénové » dont l'auteur nous retrace longuement les origines et expose les différences avec les genres traditionnels.

La musique de chambre issue de sources indienne et chinoise a acquis au cours des deux derniers siècles sa personnalité et son originalité; elle a eu ses règles achevées et ses formes définies. D'appellations différentes, « musique de Huë » (Nhac Hue) pour les Vietnamiens du Nord et du Centre, « musique des amateurs » (dàn tài tic) ou « musique de théâtre rénové » (dàn câi luong) pour les Vietnamiens du Sud, cette musique de chambre a comme caractéristique commune pour les trois régions : elle se compose de deux systèmes modaux principaux bâc (Nord) et nam (Sud), « les airs du Nord sont forts, tandis que les airs du Sud sont doux et tristes ». L'auteur nous a donné les principaux airs des répertoires de ces deux systèmes modaux dans la « musique de Huë » et dans la musique dite « des amateurs ».

Au terme de cette étude sur l'évolution des différents genres de la musique traditionnelle, l'auteur constate que «le conservatisme musical, maladie commune de toutes les musiques de l'Extrême-Orient, joint à la « politique de la porte fermée » pratiquée par les anciens souverains de l'ancien pays Viet, à la structure économique essentiellement rurale du Viêt-nam, au statut social du peuple vietnamien opprimé par les dirigeants et privé de toute initiative, a empêché la musique vietnamienne de se développer pleinement. Le fait le plus important dans l'évolution de la musique vietnamienne traditionnelle au cours des deux derniers siècles, est le choc qu'elle a reçu au contact de la civilisation occidentale. La musique vietnamienne trop statique, à la rencontre de la musique dynamique des Occidentaux, a réagi (...) [et] finalement a subi un choc salutaire qui s'est manifesté par les tentatives des Vietnamiens de moderniser leur lutherie, de rénover leur théâtre, de composer des airs nouveaux » (p. 110-111). 

Les Instruments

La IIe partie de l'ouvrage est consacrée à l'étude des instruments ; l'auteur adopte la classification en quatre catégories : instruments à vent, à cordes, à membranes et à percussion. Dans un premier chapitre il a fait la description des instruments anciens ou archaïques. Parmi ces instruments anciens il y a des instruments à vent tels le bai tiêu, le tât lât, le huân, le tri, le thuoc, le sênh, le minh ca, le câu giô'c, le trùng quyen xuý quart; des instruments à cordes tels le cam, le sát, le không Kâu, le nam câm; des instruments à percussion tels le chue, le ngu, le truong càng, le truc sinh ou dàn go, le kim со ou dong со, le bác chung, le dac khánh, le bien chung, le bien khánh, le huyen phuong huong. A côté de ces instruments dont aucun musicien vietnamien n'est capable de jouer à l'heure actuelle, d'autres instruments sont encore en usage.

Pour la description des instruments traditionnels, l'auteur s'appuie sur les travaux de Knosp, de Hoàng Yen et surtout de V. C. Mahillon, auteur du Catalogue descriptif et analytique du Musée international du Conservatoire royal de musique de Bruxelles; cette description a une grande valeur parce que l'auteur, musicien lui-même, l'a complétée par des observations personnelles, notamment sur le jeu et les possibilités des instruments dont il possède la maîtrise. Nous apprenons en outre que la plus belle collection d'instruments vietnamiens ne se trouve pas au Vietnam mais au musée du Conservatoire de Bruxelles.

Un chapitre est consacré à la description des instruments à vents : a. les flûtes traversières : ô'ng sâo ou ô'ng d'ich, au timbre doux moelleux et éthéré; b. les flûtes droites : ô'ng tiêu; c. les hautbois : kèn (plusieurs variétés dont le kèn trung ou kèn dai, cây kèn, kèn tibu) au timbre vibrant et criard.

Parmi les instruments à membranes, on distingue : a. les instruments à une peau comme le dan dien co, le cái bong; b. les instruments à deux peaux comme les dai co (grands tambours), les tiêu со (petits tambours), les trông nhac (tambours de cérémonie) ; l'auteur donne la nomenclature des termes utilisés pour indiquer le jeu des tambours. Parmi ceux-ci le trông com  fait figure d'instrument assez original : c'est un tambour à deux membranes et à caisse bombée; un système de cordes permet de régler la tension des peaux et de modifier ainsi la hauteur des sons ; un morceau de pâte de riz cuit est placé à la partie centrale de chaque membrane pour assourdir le son qu'on obtient en frappant les membranes avec les deux mains; ce tambour est probablement d'origine cham et présente des analogies avec tels tambours de l'Inde, du Cambodge et de l'Indonésie.

Les instruments à percussion sont en bois ou en métal. Les instruments à percussion de bois sont les phách (cliquettes) et les Mо (tamtam); ceux de métal sont les cloches, les cymbales et les gongs.

Pour chaque instrument l'auteur donne une description précise, des éléments de comparaison tirés de l'organologie des autres pays d'Asie ou d'Afrique, et parfois un aperçu de ses origines. Le chapitre relatif aux instruments à corde est remarquable. L'auteur adopte la terminologie proposée par M. André Schaeffner qui distingue des cithares, des luths et des vièles. Cette classification basée sur

les caractéristiques organologiques essentielles d'un instrument, et non plus sur des critères superficiels tels que l'apparence de l'instrument ou l'aspect des sons qu'il donne, fait justice de toutes les confusions traditionnellement commises par des auteurs qui réunissaient tous les instruments à corde sous le vocable de guitares ou de violons par exemple.

Ainsi désormais le terme de cithare désigne tout instrument dépourvu de manche, dont les cordes sont tendues sur toute la longueur d'un corps de résonance ou d'un morceau de bois auquel est suspendu un résonateur; le terme de luth désigne tout instrument dont les cordes sont tendues parallèlement à un manche et à la table d'un corps de résonance en forme de demi-coque, et le terme de vièle désigne tout instrument à manche et à cordes frottées (classification A. Schaeffner).

En partant de ces définitions, l'auteur classe dans la famille des cithares :

 

— le cái trong quân (cithare en terre), «instrument qui se place exactement dans une marge entre les instruments à bois frappé et les instruments à cordes», c'est une corde de rotin qui vibre quand on la frappe avec deux bâtonnets de bambou ; la vibration est communiquée à une planchette qui recouvre la fosse de résonance ; le bruit émis par cet instrument ressemble à celui d'un gros tambour; nous savons que le cái trô'ng quân sert à accompagner le hát trong quân, un chant populaire du Viêt-nam septentrional;

— le dàn doc huyen ou dàn bàu (monocorde) : c'est une boîte sans fond formée par trois planches de bois (1 m X 0,10 environ) [épaisseur : 0,11 à 0,15 m]; à une extrémité est adaptée une tige de bambou de 0,75 mètre de long, portant une boîte de résonance en bois en forme de calebasse ; l'unique corde est tendue entre la tige de bambou et une cheville placée à l'autre extrémité; l'auteur décrit le jeu et les possibilités de cet instrument aux origines obscures, nullement sinoïdes mais bien plutôt indiennes : si le Vietnamien « qui l'a créé s'est inspiré des instruments indiens, il a néanmoins conçu le dàn dôc huyen avec beaucoup d'originalité » ;

— le dàn tranh ou dàn thap lue, cithare à seize cordes en laiton ou en acier dont l'auteur nous montre plusieurs façons d'accorder; dont l'origine aurait été à la fois la combinaison du k'în et du sse chinois;

— le dàn bán nguyêt ou duong càm ou Dâ cam ou tam thap luc (cithare à trente-six cordes, instrument peu connu des musiciens vietnamiens).

La famille des luths se compose du dàn klm ou dàn nguyet (luth en forme de lune) qui peut être accordé de quatre façons différentes, dont il est facile d'apprendre à jouer mais très difficile de bien jouer; du dàn doân ou dàn nhât ou dàn tàu, luth en forme de soleil; le dàn xen; le dàn tam; le dàn dây ou dàn nhà tro, luth des chanteuses à trois cordes, instrument de création vietnamienne; le dàn ty bà (luth piriforme), instrument très apprécié par les musiciens vietnamiens. Dans la famille des vièles enfin, on trouve le dàn со ou dàn nhi ou cái nhi (vièle à deux cordes) dont la boîte de résonance est un cylindre de bois de 12 centimètres d'axe et de 6 centimètres de diamètre, fermé à une extrémité par un morceau de bois de serpent; le dàn co gáo tre dont le manche plus court que celui du dàn со et dont la boîte de résonance est un cylindre de bambou et qui a un timbre plus criard et plus strident que celui du dàn cô; le dàn gáo ou hô, vièle à boîte de résonance en noix de coco qui a un timbre plus doux que celui du dàn со, semblable au timbre d'un violoncelle.

L'auteur termine cette IIe partie de l'ouvrage consacrée à l'étude des instruments en signalant un certain nombre d'instruments européens utilisés dans la musique vietnamienne traditionnelle : ce sont la mandoline; la guitare espagnole et le violon; les musiciens qui en jouent ne les accordent pas comme on le fait en Europe, mais ils tendent très peu les cordes pour pouvoir presser plus ou moins fort sur les touches comme ils le font avec les instruments vietnamiens. 

Questions Théoriques

La IIIe partie est consacrée aux questions théoriques. Ici l'auteur aborde un domaine qui est pour ainsi dire presque totalement inconnu de ses prédécesseurs anciens et modernes; il n'existe pas de livres sur ces questions théoriques; les documents mis à la disposition des musicologues sont extrêmement peu abondants. L'auteur a utilisé les enregistrements qui se trouvent aux discothèques du musée de l'Homme, de la R.T.F., du musée Guimet et dans certaines collections privées. Mais son mérite est surtout de s'être basé sur son expérience personnelle d'instrumentiste pour étudier les' caractères des sons utilisés dans la musique vietnamienne, les différentes échelles musicales, les principaux systèmes modaux, les systèmes de notation, et faire des remarques sur le rythme, la variation mélodique, le contrepoint, l'harmonie et les caractères gai et triste dans la musique vietnamienne traditionnelle.

En entreprenant l'étude du langage musical vietnamien, l'auteur s'est heurté à deux difficultés : l'absence de documents vietnamiens sur la théorie musicale et l'imprécision de la terminologie utilisée par les musiciens ; la rareté des recueils de pièces de musique et d'enregistrements sonores. Les seuls documents écrits dont il a disposé sont les quelques airs recueillis par Dumontier, Knosp, Hoàng Yen, Le Bris, Nguyën quang Ton, le recueil Cam ca tân diêu « Nouvelles pièces de musique pour luth en forme de lune et nouvelles chansons » et surtout un manuscrit de la collection personnelle de M. Hoàng xuan Hân : « Recueil de pièces de musique et de chants », écrit en chinois, 1863, 18 ff., qui est le recueil le plus ancien qu'on puisse consulter actuellement, donnant dix pièces avec chants et seize pièces sans chant. A côté des documents sonores qui se trouvent dans les discothèques publiques, l'auteur a utilisé des documents personnels et les enregistrements sur bande magnétique de musique de Hue recueillis par M. Pham Duy. Dans l'étude du langage musical vietnamien; il s'est basé surtout sur cette musique de chambre telle qu'on l'exécute au xxe siècle, en utilisant les textes musicaux antérieurs comme éléments de comparaison et en citant fréquemment les airs connus dans le Viêt-nam du Sud dont il est originaire.

En ce qui concerne les sons utilisés dans la musique vietnamienne, l'auteur pense que, jusqu'à preuve contraire, les musiciens vietnamiens ont ignoré la théorie chinoise des lyu ou tuyaux sonores; ce qui fait que la notion de hauteur absolue connue en Chine depuis la plus haute antiquité n'a pas été prise en considération : « Les degrés de l'échelle musicale vietnamienne n'ont jamais eu de hauteur absolue» (p. 191) pas plus qu'une hauteur relative déterminée; et c'est cette instabilité de la hauteur relative qui donne un cachet vietnamien à la mélodie exécutée.

En ce qui concerne les échelles musicales, il n'existe semble-t-il aucun traité sur la formation de l'échelle musicale vietnamienne; les musiciens nationaux ne sе sont pas intéressés à cette question comme les théoriciens chinois. Après avoir examiné l'échelle des lyu, l'échelle pentatonique et l'échelle heptatonique dans la musique chinoise, l'auteur a étudié les caractères des deux degrés auxiliaires pien dans l'échelle musicale vietnamienne, degrés qui correspondent aux degrés complémentaires pien kong et pien tche de l'échelle heptatonique chinoise.

Ces pien, bien définis et étudiés par Constantin Brailoiu et par M. Jacques Chailley, jouent le rôle de notes d'agrément et de notes de passage «qui se risquent et s'effacent aussitôt », qui se distinguent « par la discrétion de leur apparition et leur poids négligeable » (Brailoiu) ; les musiciens vietnamiens les considèrent comme des degrés étrangers à l'échelle musicale vietnamienne, mais par leur rôle de notes d'agrément et par leur hauteur relative indéterminée, instable, ils ont une grande importance mélodique à côté des degrés constitutifs de l'échelle.

Leur étude permet d'éviter une double erreur : en faisant l'analyse d'une pièce, on ne prend pas ces degrés auxiliaires pour des degrés constitutifs, et on pourra ainsi dégager facilement la structure pentatonique d'une mélodie en éliminant le pien; on n'affirmera pas qu'il existe des quarts de ton dans la musique vietnamienne, quand il s'agit simplement de l'intonation hésitante de ces pien.

Ces pien mis à part, l'auteur a essayé de déterminer les échelles musicales à la lumière de l'étude sur la génération de l'échelle par le cycle des quintes faite par M. J. Chailley. Mis à part les résidus ditoniques rencontrés par exemple dans le chant du repiquage du riz ho la, on ne trouve pas d'exemples de ditonique pur dans la musique vietnamienne, les trois échelles utilisés sont : 1° le tritonique qui se présente sous différents aspects (I, II, III) et qu'on retrouve par exemple dans le hát ví (chant d'amour du Vietnam septentrional) ou dans les chansons enfantines du Vietnam méridional; 2° le tétratonique qui se présente aussi sous différents aspects (et qu'on rencontre par exemple dans les berceuses du Viêt-nam central et dans beaucoup de passages des pièces de musique du système modal nam) ; et 3° Y échelle pentatonique, échelle la plus connue et la plus souvent utilisée au Viêt-nam. Cette échelle de cinq notes souvent nommée « chinoise » n'est pas, dit l'auteur, plus chinoise que vietnamienne; en fait elle est universelle et se retrouve non seulement en Asie du Sud-Est mais aussi en Europe (Ecosse, Hongrie, Roumanie, Pologne, Sardaigne), en Amérique (chez les Incas) et en Afrique (chez les Berbères, les Noirs et les Pygmées), autrefois et aujourd'hui (résidus pentatoniques dans le chant grégorien, dans les chants du Moyen Âge non liturgiques et dans la musique moderne décelés par M. Chailley). Cette échelle se présente dans la musique vietnamienne sous différents aspects (de I à V) :

Les chants populaires du Viêt-nam septentrional comme le со la, le quan ho bac ninh, les pièces de musique de chambre à Hue, les dix airs royaux, et la musique de théâtre rénové du Viêt-nam du Sud sont des exemples typiques de pentatonique. L'auteur termine le chapitre sur les échelles musicales en étudiant l'échelle du ho mai day (chant de bateliers de Hue, Viêt-Nam central) qui semble appartenir à un système irrégulier, système qui se rapprocherait du pélog de Java. La ressemblance frappante entre les intervalles de l'échelle du ho mai dây et ceux du pélog fait penser que le chant populaire vietnamien aurait pu avoir la même origine que le pélog indonésien. Si l'on songe à la découverte du lithophone de Ndut Iieng Krak (dont les intervalles se rapprocheraient du pélog) sur les hauts plateaux du Viêt-nam central, lithophone dont les auteurs avaient été des habitants de race indonésienne (proto-malaise), on peut formuler l'hypothèse suivante : « L'échelle du ho mai dây serait la survivance d'une échelle connue dans cette partie du pays Viêt avant l'introduction de l'échelle pentatonique, et non le résultat d'une modification du pentatonique par le phénomène d'attraction ».

Outre son intérêt musicologique, l'existence de cette échelle originale et pour ainsi dire unique dans la musique vietnamienne apporte ainsi une preuve, à côté d'autres origines, de l'origine indonésienne du peuple vietnamien.

En dehors de cette échelle irrégulière l'auteur n'a pas trouvé pour l'instant d'autres échelles dans la musique vietnamienne que le tritonique, le tétratonique et le pentatonique, avec parfois la présence des degrés auxiliaires, les pien.

 

Systèmes modaux

Un très long et important chapitre est consacré aux systèmes modaux (p. 213-258). Pour traduire le terme diêu l'auteur emploie de préférence l'expression système modal de préférence au terme mode, parce que le diêu ne correspond pas aux caractères qui définissent la notion de mode utilisée dans la musique occidentale; il ne peut être défini que par un ensemble de caractères : échelles, ornements utilisés, allure gaie ou triste. Puisque le diêu n'a pas tous les caractères d'un mode mais est plus qu'un système, l'auteur a proposé le terme système modal et essayé de déterminer les caractères de chaque système modal, caractères généraux admis par les musiciens dans tout le pays, et caractères particuliers dus à la pratique musicale régionale.

Il y a d'abord le système modal bac (le terme bac qui veut dire « Nord » semble avoir été utilisé pour désigner la provenance de ce système modal qui, dit-on, vient du pays situé au Nord du Viêt-nam, c'est-à-dire la Chine). En prenant comme exemple la pièce Luu Thûy, l'auteur a dégagé les principaux caractères de ce système modal :

1° toutes les pièces de système ont, sans exception, une échelle pentatonique;

2° n'importe quel degré de l'échelle pentatonique peut servir de point de départ, de finale ou de repos dans une pièce du système modal bac (p. 218);

3° les pièces ont un mouvement allant du modéré au rapide;

4° les phrases musicales des pièces ont une longueur variable ; le nombre de mesures d'une phrase

est en général un nombre pair;

5° les musiciens ornent toujours les sons qu'ils font entendre; les sons tremblés sont fréquents (l'exemple musical n° 60 donne le dessin des ornements principaux utilisés pour interpréter les pièces du système bâc (p. 219) ;

6° certains instruments comme le dàn tranh ou le dàn nguyet sont accordé suivant le dây bâc, quand on interprète les pièces du système bâc;

7° toutes ces pièces ont un caractère gai.

Dans tout le Viêt-nam une pièce qui possède ces sept caractères appartient au système modal bâc. Le système modal Nam (Nam signifie « Sud ») serait, pensent les musiciens, d'origine cham, ce qui n'est pas encore démontré à l'heure actuelle faute de documents précis et d'une étude comparée entre les deux musiques, mais reste une hypothèse valable à vérifier. L'auteur distingue le système nam dans la musique des amateurs et le système nam dans la musique de Hue qui présentent à la fois des nuances particulières à chacun et des caractères généraux que voici : 1° les pièces de ce système modal ont en général une échelle tétratonique avec un résidu tritonique très net (exemple : les pièces nam binh et nam ai) ; 2° elles commencent et se terminent par l'un des deux degrés ho {do 3) ou son octave supérieure liu (do 4) et xang (fa 3) ; la mélodie s'appuie sur les trois degrés forts du tritonique do, fa, sol et pas sur les autres degrés; l'octave se compose de deux tétracordes do, fa et sol, do; 3° le mouvement des pièces est lent; 4° les ornements utilisés ont une grande importance : avec un dessin mélodique les musiciens peuvent faire entendre la nuance xuân (exprimant la tranquillité) ou la nuance ai (la tristesse) en utilisant les ornements appropriés; 5° les pièces n'ont pas un caractère gai; certaines expriment la douceur ou la tranquillité, d'autres la mélancolie ou la tristesse.

C'est en examinant ces caractères du système nam que l'auteur a précisé la notion de métabole, notion très importante pour la musique vietnamienne, désignant « une particularité propre à certaines mélodies pentatoniques, à savoir une succession ou une alternance dans le cours de ces mélodies de deux ou plusieurs gammes de cinq sons avec ou sans retour périodique et final au point de départ » (C. Brailoiu) ; la métabole est « sur le plan du système — débordant parfois sur l'échelle elle-même — l'équivalent de ce qu'est la modulation sur le plan de la modalité ou de la tonalité » (J. Chailley). Cette particularité se rencontre dans plusieurs genres de musique vocale comme le hát quan ho, le hát a dào, le chau van, le hát sa Iech (du répertoire du théâtre populaire chèo), le hát sa mac, etc.

A côté de ces deux grands systèmes modaux bac et nam dont les caractères essentiels dégagés par l'auteur sont valables du Nord au Sud du Viêt-nam, cer tains genres sont particuliers à une région; sont ainsi passés en revue :

— le hát a dào « Chant des chanteuses », le 5a mac « Chant du désert », le chou vân « Incantation de médium », chants régionaux particuliers au Viêt-nam septentional ;

— le tù dai cânh « Paysage des Quatre générations », pièce caractéristique de la musique de Huë (Viêt-nam du centre) ;

— le vong co « Regret du Passé », pièce très populaire dans le Viêt-nam du Sud, à laquelle l'auteur a consacré une étude très approfondie (p. 252-256).

A la fin du chapitre sur les systèmes modaux, trois tableaux réunissent les différents genres de musique traditionnelle classés suivant leur appartenance au mode bâc, au mode nam ou dans le groupe des chants régionaux présentant des caractères particuliers (p. 256-258).

Un court chapitre est consacré aux anciens systèmes de notation musicale qui, tous, qu'ils soient d'origine chinoise ou de création vietnamienne, présentent des imperfections. Bien qu'une «transcription exacte en musique européenne est impossible, les portamente étant très longs et très fréquents, la voix ne se posant pas immédiatement sur la note qui convient mais étant souvent précédée d'un bourdonnement assez confus» (E. Le Bris), l'auteur reconnaît cependant que, pour noter seulement le dessin mélodique des airs anciens, la notation musicale occidentale est préférable à tous les systèmes de notation anciens parce qu'elle a l'avantage d'être simple et claire, pouvant rendre de grands services aux musiciens débutants.

Particularités

Un dernier chapitre traite de certaines particularités de la musique vietnamienne dans les domaines du rythme, de la mélodie et de l'harmonie. N'ayant pu entreprendre une étude complète du rythme, étude qui nécessite une documentation abondante qui n'est pas encore à sa portée, l'auteur s'est borné à passer en revue les différentes sortes de mesures ainsi que les manières de les marquer; il a fait trois remarques importantes qui définissent assez bien les caractéristiques du rythme dans la musique traditionnelle :

1° fréquence du rythme syncopé;

2° rareté, sinon inexistence, des mesures à trois temps;

3° richesse et complexité des dessins rythmiques exécutés par des instruments de percussion.

En ce qui concerne la mélodie, sont d'abord étudiés les rapports de celle-ci avec l'intonation de la langue vietnamienne; l'auteur donne un aperçu critique du travail de Le vân Lý sur Le parler vietnamien (Essai d'une grammaire vietnamienne), surtout le chapitre sur les tons; compare le vietnamien aux langues africaines à ton : « II existe dans la langue vietnamienne, comme dans les langages à tons musicaux du Togo et du Dahomey et dans la langue chinoise étudiés par Marius Schneider, un parallélisme entre l'évolution mélodique et l'intonation linguistique » (p. 283). Comme dans les chansons chinoises, la mélodie dans les chansons vietnamiennes est « tantôt syllabique, tantôt mélismatique (deux à quatre sons musicaux par syllabe) » [M. Schneider] ; « l'ensemble de la relation entre les sons hauts et bas peut être transposé passagèrement par compartiments à des hauteurs différentes » (id., p. 283). Une syllabe linguistique haute ne peut être chantée sur un ton bas et inversement; la fin d'une phrase musicale dépend du dernier mot chanté. Certains chants tels le ho mai day (chant de bateliers dans le Centre Viêt-nam) ou le ho cay (chant de repiquage du Sud Viêt-nam) se reconnaissent souvent par un dessin mélodique particulier qui se répète comme un refrain ou qui ponctue une phrase musicale; l'auteur l'appelle une « mélodie-signature » et en donne quelques exemples tirés des chants со la, ho mai nhï, ho cây. La mélodie des pièces de musique de chambre est indépendante des paroles ou chant; celles-ci sont écrites d'après une mélodie fixe. « Si dans la musique de chambre du Viêt-nam la mélodie ne varie pas avec des paroles différentes comme dans les chants populaires que nous venons de voir, elle n'a pas non plus de contours nettement définis » (p. 285). Plusieurs exemples sont cités pour montrer comment la mélodie d'une pièce peut être modifiée : les notes qui se trouvent au premier temps, le temps fort de chaque mesure, restent invariables ; les autres notes peuvent être modifiées ; l'addition des notes de passage est permise ; l'utilisation des contre temps et des syncopes donne à certaines mélodies un rythme syncopé qu'habituellement elles n'ont pas ; à travers le temps on remarque que la phrase mélodique s'allonge. Cette variation du dessin mélodique des pièces de musique est, selon l'auteur, rendue nécessaire par la pauvreté du répertoire; les maîtres se sont contentés d'enseigner aux élèves ce qu'ils avaient appris sans chercher à composer d'autres pièces; les quelques rares esprits novateurs n'ont eu qu'un succès limité.

« Alors, à défaut de nouvelles compositions, les jeunes musiciens cherchent à varier le dessin mélodique des pièces anciennes (...) Un bon musicien se distingue par la part de fantaisie personnelle qu'il apporte dans l'interprétation d'une pièce musicale » (p. 289).

« La musique vietnamienne, fille de la musique chinoise et de la musique indienne, est (donc) essentiellement mélodique », l'harmonie et le contrepoint n'y existent pratiquement pas; on a plutôt une écriture contrapunctique réduite à sa plus simple expression; une seule règle doit être observée : au premier temps de la première mesure et de la dernière mesure, toutes les parties doivent être à l'unisson ou à l'octave; en dehors du premier temps de chaque mesure, les dissonances de passage sont permises, de même que les répétitions de notes, les suites d'octaves et les broderies à l'unisson.

En ce qui concerne la gaieté et la tristesse dans la musique traditionnelle l'auteur découvre que « la principale différence entre la musique gaie et la musique triste, entre le système modal bac et le système modal пат, provient de la régularité et de l'irrégularité de l'échelle » (p. 294). La musique gaie a une échelle pentatonique régulière avec repos de la mélodie sur n'importe quel degré de l'échelle; le mouvement va de presto à moderato; les orments sont ceux du système bac ou ceux de la nuance xuân du système modal nam (exprimant sérénité, tranquillité); tandis que l'échelle de la musique triste est une échelle tétratonique ou pentatonique irrégulière, avec repos de la mélodie sur les degrés du tritonique; cette irrégularité de l'échelle est due au phénomène d'attraction; le  ouvement va de moderato à lento et les ornements utilisés sont ceux des nuances ai (tristesse) et oân (ressentiment) .

Conclusion

Arrivé au terme de son ouvrage, M. Tràn vân Khê reconnaît que son étude de la musique vietnamienne traditionnelle est encore incomplète; faute de documents il n'a abordé que sommairement la musique populaire et la musique rituelle de Cour; un grand nombre d'exemples musicaux sont pris préférentiellement dans la musique du Viêt-nam du Sud que l'auteur connaît mieux que celle du Nord et du Centre. Cependant, son interprétation rigoureuse des documents archéologiques, son utilisation circonspecte et exhaustive des textes historiques anciens du Viêt-nam et de la Chine, jointes à une connaissance musicologique sûre acquise au contact des maîtres d'Occident et, surtout peut-être, à son expérience précieuse et indispensable de musicien possédant la maîtrise de plusieurs instruments traditionnels et de ces impondérables qui confèrent le sens et le goût de l'art musical légués par une brillante tradition familiale (cf. p. 107, 109, 145), tout cela a permis à l'auteur d'entreprendre avec autorité et compétence de tracer les grandes lignes de l'histoire de la musique du Viêt-nam, de compléter la description des instruments par des renseignements sur leur jeu et leurs possibilités et de faire pour la première fois des remarques approfondies sur les questions théoriques jusqu'à présent trop négligées. En vue d'une étude plus complète du langage musical vietnamien, des éléments de base ont été ainsi assemblés dans cet ouvrage remarquable.

LÊ-VÂN-HAO

 

Quelques instruments

 

Le Dan Bau est un cithare monocorde, typique du Vietnam. Il est construit à partir d'une caisse de résonance longue et étroite , avec une grande tige incurvée faite à partir de corne de karbau (water buffalo), insérée au bout de la caisse. L'unique corde est reliée entre la caisse de résonance et un petit courge en bois, attachée à la tige. Cette tige est pliée pour faire changer le ton de la corde. L'artiste touche légèrement la corde avec la base de la paume, tout en pinçant les points nodaux avec les doigts. Cela crée un son harmonieux, typique du Dan Bau, clair et très haut. Due à l'étroitesse de la caisse de résonance, le Dan Bau n'est pas un instrument très résonnant, et a été traditionnellement joué dans des petits endroits, souvent intimes. Récemement une version électronique de l'instrument a été introduite lui permettant d'être joué dans les orchestres et les grands concerts. Le Dan Bau basse a une gamme musicale équivalente à celle d'une guitare basse. C'est simplement un Dan Bau électrique avec une corde plus épaisse.

Le K'ni est une forme spéciale de violon en bâton, unique au Vietnam. Il est développé à partir des violons monocorde de quelques groupes ethniques (Bahnar, Gia Rai, E De, Xe Dang, Pako and Hre) vivant dans les plateux de Truong Son-Tay Nguyen, situés au Sud du Vietnam. Le K'ni moderne a deux cordes. L'artiste doit s'asseoir en tenant l'instrument entre les deux jambes. Le K'ni n'a pas de caisse de résonance, les cordes sont attachées par des fils en soies à un écaille de poisson ou à un disque résonnant en plastique, qui se tient dans la bouche du musicien. La bouche agit alors comme une caisse de résonance et les mouvements précis des lèvres et de la langue créent un large gamme tonale plein de couleurs et d'expressions, donnant au K'ni son son unique. Ainsi, les sons sont modifiés, faisant presque penser à la voix humaine. 

K'longput est encore un instrument unique et typique du Vietnam. ll est fait à partir d'une série de larges tubes en bambou de longueurs variables, chaque tube est ouvert à un extrémité ou même aux deuxextrémités. Les tubes sont placés en rangées, avec les extrémitésouverts facent au musicien, qui n'a aucun contact direct avec l'instrument. Au lieu de cela, l'artiste met ses mains en forme de tasse et tape légèrementdevant les extrémités ouverts des tubes, forçant l'air à entrer dedans pour produire des sons lents et résonnants. D'après une légende, cet instrument est la résidence de la Mère Riz (déesse). C'est pourquoi, il est souvent associé à la production agricole, et est exclusivement joué par des femmes dans les champs et à certains festivals comme la fête du Nouvel An, la fête du stokage du riz, etc...Le K'longput provient des Bahnar des régions montagneuse du centre. Ils ont créé cet instrument après avoir entendu le vent soufflé entre les bambous dans la forêt.

Le T'rung est un xylophone suspendu en bambou, qui est souvent relié à la vie spirituelle des Bahnar, Tsedan, Gia Rai, Ede et d'autres minorités ethniques des plateaux du Sud du Vietnam (Tay Nguyen). L'instrument original est enfait simplement fabriqué avec une série de tubes en bambou, frappé par des bâtonnets. Il y a trois types de T'rung : grand, moyen et petit. Il a été en grande partie amélioré, le T'rung moderne a trois rangées de tubes comportant trois octaves (environ 48 tubes) et est entièrement chromatique.

  Tre Lac est une paire de tubes en bambou, montée sur un cadre en bambou, accordé à une octave. Les tubes sont de différents longueurs et sont coupés à moitié au deux-tiers supérieur. Un noeud ferme l'extrémité inférieur de chaque tube. Deux fourchons se prolongent jusqu'à l'extérieur et s'ajuste dans une fente correspondante, sittuée sur le tube de base qui est à l'horizontal. La base de la monture est attachée par une poigné, tenue par le musicien. Une fois secoués, le choc des tubes contre la base, produit des sons. Puisque chaque instrument ne fait qu'un seul son, il en faut plusieurs Tre Lac pour obtenir une mélodie complète. Tre Lac est connu à travers toute l'Asie du Sud-Est, mais provient enfait de l'Indonésie avec le nom Angklung.

Dan Moi (harpe de mâchoire) est souvent fait à partir du bronze ou dubambou. Il est tenu légèremententre les lèvres, vers l'avant mais pas près des dents. On peut trouvercet instrument dans plusieurs cultures du monde, fait de variables metériels. Parmi quelques ethnies du Vietnam, le Dan Moi est utilisé pour exprimer l’amour. C'est un instrument pour les deux sexes, et peut être joué n'importe où.

Khen Be est un harmonica de six à quatorze tubes en bambou des Thais, vivant dans les régions montagneuses du Nord. Cet instrument existe en d'autres versions dans certains régions du Laos, du Nord de la Thailand et du Sud de la Chine. Chaque tube contient une petite anche en bronze ou en argent. Tous les tubes sont liés ensemble en deux rangées et dépassent les deux côtés de l’avéole. Khen Be est un instrument exclusivement pour homme, joué durant les activités divertissants. L'instrument s'accompagne souvent sous le clair de lune, du chant et de la dance. Lorsque la nuite tombe, les jeunes hommes viennent jouer le Khen devant les maison sur pilotis de leur bien-aimées pour exprimer leur amour. Parfois, le Khen est joué durant les heures de travail, comme sur le chemin d'aller aux rizières.

 

Ken Bau est un conique vietnamien à double anche avec une courge ou une cloche en métal. Il est resemble au So-na chinois, provenant du Zurna turc

Dan Nguyet est connu come le Dan Kim du Sud Vietnam. C'est un luth en forme de lune, à deux cordes, avec long collet et touchettes. Pour obtenir des gammes pentatoniques, des tons variables, de subtiles ornements et nuances, il faut presser la corde contre le collet avec différentes pressions. Cette technique est extrêmement difficile, mais cela apporte des sons magnifiques, remplis d'expressions. Dan Nguyet accompagne le chant de Chau Van, de Hue, de Tai Tu, la musique Bat Am, la musique de cérémonie et l'orchestre traditionnel. Aujourd'hui, il est également joué en solo.

Le Dinh Pa se trouve dans les plateaux du Sud Vietnam. Il est fait à partir de large tubes en bambou, attachés en deux rangées et tenus debout. Il est joué en frappant les extrémités des tubes avec des bâtonnets rembourés, bien qu’à l'origine, on utilisait les mains. Le Dinh Ba basse est simplement une version plus grande du Dinh Pa.

Dan Tranh (photo en fin de page) est un instrument à seize cordes de la famille des cithares asiatiques. C'est un instrument sensible, due à ces cordes très fines en métal. Le Dan Tranh ressemble beaucoup au Zheng du Sud de la Chine.

 

 

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