Le CAFI de Saint-Livrade

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Le CAFI (Centre d’Accueil des Français d’Indochine)Les oubliés d'Indochine du camp de Sainte LivradeSainte-Livrade-sur-MékongDes anciens d'Indochine veulent sauver la mémoire de leur campLa coopération décentralisée avec le Vietnam, une piste pour le Cafi?L'arrêté Morlot 1959, réglement du Cafi

Le Centre d’accueil des Français d’Indochine (CAFI) de Sainte-Livrade a été créé après la défaite française de Diên Biên Phu, en 1954. Ce camp composé de 26 baraquements militaires préfabriqués a accueilli à partir de 1956 un total de 1 160 personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’enfants (60 % du total). Ces “logements” ne comportaient ni salle de bains, ni eau chaude, ni WC et le règlement intérieur interdisait de sortir du camp sans autorisation administrative.

Vidéo : quelques images et des sentiments....

 

Librairie: Petits Viêt-Nams : histoires des camps de rapatriés français d'Indochine

 

Le CAFI (Centre d’Accueil des Français d’Indochine)

(rapatries-vietnam.org) Après les accords de Genève sur le Vietnam signés en juillet 1954, lorsqu'une grande partie des ressortissants Français d'Indochine durent rentrer en France, l'état réquisitionna d'anciens camps militaires pour en faire des centres d'accueils. Sainte Livrade sur Lot fût l'une de leur destination. Le Centre d'Accueil des Français d'Indochine (CAFI) de Sainte Livrade existe toujours ... Voici donc l'histoire de ce camp et le combat des rapatriés d'Indochine, suite à 50 années d'oublis, de privations, de larmes et de sacrifices ...

                   

Le lieu dit «Moulin du lot» à Ste-Livrade, parcelle de 6 ha, fut choisi par les décrets-lois de Laval et de Daladier en octobre 1935 relatifs à l’expropriation, pour servir de cantonnement aux ouvriers qui devaient construire une immense poudrerie sur la rive gauche du lot entre Casseneuil et Ste-Livrade.

Une fois l’expropriation effectuée de manière douloureuse le chantier commence en octobre 1939, un mois après le début du deuxième conflit mondial. Les entreprises attributaires du chantier s’installent et recrutent par voie de presse ouvriers, maçons, cimentiers, mécaniciens, terrassiers… Sept mois d’activité effrénée furent stoppés par l’occupation allemande, la poudrerie ne verra jamais le jour.

De 1940 à 1947, s’installe le temps des occupations précaires et de l’avenir incertain. En septembre 1941, l’ensemble des terrains et les cantonnements du Moulin du Lot sont remis aux «chantiers de jeunesse». 1500 jeunes accomplissent leur temps d’armée. Les chantiers de jeunesse française sont dissous en 1944 car la plupart d’entre eux ont rejoint le maquis de la région. Le camp accueille ensuite une compagnie d’instruction de fusiliers de l’Air, Ste-livrade est devenue une ville de garnison. Puis, successivement, passeront par le camp de Ste-Livrade des régiments coloniaux notamment des Réunionnais, puis des soldats Russes prisonniers de l’armée allemande de la poche de Royan. Le camps du Moulin du Lot va ensuite accueillir une population inattendue venant d’horizons divers et lointains : les Indochinois.

                  

Après le drame de Dien Bien Phu et les accords de Genève en 1954, l’Indochine est partagée en deux, tous ceux qui ne veulent pas vivre sous le régime du Nord Vietnam sont rapatriés en France à partir d’avril 1956. Ils sont accueillis sur la commune de Sainte Livrade dans ce camps qui deviendra le Centre d’Accueil des Rapatriés d’Indochine (CARI) puis plus tard le Camps d’Accueil des Français d’Indochine (CAFI).

Ce site situé à l’écart de la ville plus que spartiate est constitué de bâtiments (types baraquements) alignés, ordonnés et intercalés d’espaces publics. Désaffecté depuis 1947, il a fallu le réaménager dans la précipitation, dans l’urgence.

En 1956, c’est donc l’arrivée des Indochinois, plus de 1200 personnes dont 740 enfants. Les cantonnements sont découpés en 300 logements de 2, 3 et 4 pièces. Ils ne comprennent ni salle d’eau, ni eau chaude, les latrines sont à l’extérieur. Le camp est sous tutelle de l’armée ; une administration, un dispensaire, deux commerces de produits asiatiques, une école et une entreprise locale complètent cette vie relativement cloisonnée. De plus, il possède une forte identité urbaine car une église et une pagode sont présentes sur le site.

                   

Les seuls aménagements qui sont apportés au fil du temps sont l’introduction de chauffage dans un premier temps au bois puis au fioul et enfin électrique dans les logements, mais point de grands changements. Cette situation va perdurer jusqu’au début des années 80 lorsque l’Etat signe avec la commune de Ste-Livrade une convention pour lui céder le bâti, le foncier et la gestion avec une promesse de subvention pour le fonctionnement qui malheureusement s’amenuisera au fil des années pour disparaître entièrement en 2001. En 1983, la commune décide de municipaliser le CAFI et de l’intégrer au reste de la ville. Jusque là, le CAFI est un quartier isolé, désarticulé. Il faut faire face aux dépenses de fonctionnement (assainissement, voirie, espaces verts) certains équipements sont devenus obsolètes : administration, MJC, l’école et l’usine de chaussures qui ferment leurs portes en 1976. Les baraquements subissent l’usure du temps et nécessitent une certaine maintenance. Il faut les mettre aux normes. Certains bâtiments se détériorent, vieillissent le quartier prend parfois l’aspect d’une friche industrielle. Les habitants entretiennent du mieux qu’ils le peuvent leur petit coin de terre indochinoise et se rattachent à cette terre livradaise qui est leur terre d’accueil. En 1999, la municipalité s’engage avec l’aide de l’Etat dans un programme dit « de travaux d’urgence » afin d’apporter un minimum de confort (douche, WC, fermetures portes et fenêtres…) aux personnes arrivées en 1956 (« les ayants droit »). Ce programme coûtera 1 millions de francs. Malheureusement ces travaux n’ont pas été suffisants pour que le confort des habitants soit réellement bouleversé

 

Les oubliés d'Indochine du camp de Sainte Livrade

 

Cinquante ans après la chute de Dien Bien Phu, des Français rapatriés d'Indochine vivent toujours dans des baraquements.

Une route défoncée. Des dizaines de baraquements délabrés, alignés les uns à côtés des autres, marqués d'une lettre ou d'un numéro, et surmontés d'un toit de tôle. A quelques kilomètres du coeur de Sainte-Livrade, un village d'un peu plus de 6.000 âmes, posé sur les berges du Lot, une simple pancarte indique l'entrée du «Centre d'accueil des Français d'Indochine», le CAFI.

C'est là, dans cet ancien camp militaire, que sont arrivés en avril 1956, 1.160 réfugiés, dont 740 enfants, rapatriés d'Indochine. Après les accords de Genève de 1954 et le retrait de la France du Sud-Vietnam, l'Etat français a pris en charge ces couples mixtes ou ces veuves de Français (soldats ou fonctionnaires), qui fuyaient la guerre et le communisme. L'Etat les a hébergés «provisoirement» -selon les mots employés en 1956 par les autorités - dans ce camp de transit. Puis les a oubliés. Cela fait cinquante ans qu'ils attendent, cinquante ans qu'ils vivent là.

«Nous sommes restés toutes ces années sans comprendre, sans rien dire», dit Jacqueline Le Crenn. Agée de 91 ans, cette vieille femme eurasienne vit dans le même baraquement depuis qu'elle a quitté le Tonkin de son enfance, il y a près d'un demi-siècle. Son appartement comprend une entrée-cuisine, une chambre-salon, et une pièce transformée en pagode, où elle voue son culte au Boudha. «Je me suis habituée au camp et à cette vie, poursuit-elle. Je veux mourir ici.»

Jacqueline fait partie des 48 «ayants-droits» encore en vie, sur les quelque 200 personnes hébérgés au CAFI. La plupart des enfants de rapatriés ont quitté le camp. Mais les plus fragiles sont restés : les veuves, qui n'ont jamais eu les moyens de s'installer ailleurs ; les enfants qui n'ont pas trouvé de travail ; les malades et les handicapés.

 "La guerre est venue et nous avons tout perdu"

Selon l'association «Mémoire d'Indochine», une quinzaine de personnes handicapées vivent au CAFI, dans des conditions très précaires. Des silhouettes mal assurées hantent en effet le centre des rapatriés. Comme cet homme au teint sombre et aux yeux bridés, claudiquant le long des barraquements. Ou ce quadragénaire aux cheveux longs, qui erre dans le camp en parlant tout seul. «Certains enfants du centre ont fait des crises d'adolescence difficiles, explique le président de Mémoire d'Indochine, Georges Moll. Ils ont été conduits à l'hôpital psychiatrique, et en sont ressortis dans un état catastrophique.»

Jacqueline Le Crenn vit seule depuis le départ de ses six enfants. La mère de cette femme au physique sec était Vietnamienne et son père, mort à la guerre de 1914-18, Français. «Nous sommes pupilles de la nation», dit fièrement Jacqueline. La vieille femme voûtée, assise à côté d'un poêle à gaz, raconte sa vie d'avant, la «vie heureuse». La construction d'une maison au Tonkin, où son mari et elle avaient projeté de s'installer, l'achat de rizières pour leurs vieux jours. «Et puis la guerre est venue et nous avons tout perdu.»

Après la chute de Dien Bien Phu, en 1954, la famille Le Crenn, comme la plupart des rapatriés d'Indochine, ont dû quitter le nord pour le sud du Vietnam. Ils ont ensuite attendu à Saigon, dans des camps, avant de prendre le bateau pour Marseille et d'être hébergés dans plusieurs centres de transit en France. Sainte-Livrade est l'un des deux seuls camps qui subsistent aujourd'hui, avec celui de Noyant, dans l'Allier. «C'était un déchirement, raconte encore Jacqueline. La traversée a duré un mois. Je me disais que ce n'était plus la vie. Les autres étaient sur le pont. Moi j'étais au fond du bateau et je pleurais.»

En arrivant au camp de Sainte-Livrade, alors entouré de barbelés, le fils de Jacqueline a demandé : «Maman, c'est ici la France ?» «Le plus dur, c'était le froid, précise Jacqueline. Ensuite, il a fallu tenir, tout reconstruire, trouver de quoi vivre.» Beaucoup de rapatriés ont été embauchés dans les usines d'agro-alimentaire de la région. Ou travaillaient dans les champs de haricots.

Claudine Cazes, 11ème de 16 enfants - et première à être née dans le CAFI, en 1957 -, se souvient des heures d'«équeutage». «Des sacs de haricots arrivaient au camp le matin et devaient être prêts pour le soir, raconte cette aide-soignante de 47 ans, qui a quitté le camp en 1977. Tout le monde s'y mettait.» Sa mère, Vuong, âgée de 81 ans, vit toujours au CAFI. Son père, Paul, est mort l'année dernière. Français d'origine franco-chinoise, il avait fait de prestigieuses études en Indochine, et travaillait dans les forces de sécurité. Mais en arrivant en métropole, Paul Cazes n'a pas pu intégrer la police française, et a dû travailler à l'usine.

 

                   

 

"L'Etat français sait ce qu'il nous doit. Moi, jamais je ne lui réclamerait rien"

Logé dans un autre barraquement du camp, Emile Lejeune, 84 ans, dit ne pas avoir de «nostalgie». Pour sa mère et lui, le rapatriement de 1956 fut un soulagement. Militaire du corps expéditionnaire français en extrême orient (CEFEO), ce fils d'un magistrat français et d'une princesse vietnmienne a été fait prisonnier par le Vietminh en 1946, et est resté sept ans en captivité. «Là-bas, la vie et la mort étaient sur le même plan, témoigne Emile. Beaucoup de mes camarades sont morts de dysenterie, du palu, ou de malnutrition. Le pire, c'était le lavage de cerveau. On nous affaiblissait pour nous inculquer le communisme.» Sur près de 40.000 prisonniers du CEFEO, moins de 10.000 ont survécu aux camps du Vietminh.

Chez Emile, une photo de jonque, voguant dans la baie d'Halong, des statues de Boudha, et plusieurs couvre-chefs : le traditionnel chapeau conique des vietnamiens, un chapeau colonial usé et un képi de soldat français. Son vieux képi entre les mains, le vieil homme aux yeux bridés dit qu'il n'a «pas de haine en lui». «Mais je suis attristé, ajoute-t-il. Parce que la France en laquelle nous croyions ne nous a pas accueillis. Nous n'avons jamais été considérés comme des Français, mais comme des étrangers. Parqués, surveillés, puis abandonnés.» Emile, lui, demande juste «un peu de reconnaissance». Au nom de «ces dames du CAFI, trop humbles pour réclamer». Au nom de ces «épouses ou mamans de combattants, pour certains morts au champ d'honneur, morts pour la France.»

D'abord rattachés au ministère des affaires étrangères, les rapatriés du CAFI ont ensuite été administrés par huit ministères successifs. Les directeurs du camp étaient des anciens administrateurs des colonies. «Ils reproduisaient avec nous leurs mauvaises habitudes de là-bas, se souvient Jacqueline Le Crenn. Ils nous traitaient comme des moins que rien. Nous devions respecter un couvre-feu et l'électricité était rationnée.»

Au début des années 1980, la commune de Sainte-Livrade a racheté les sept hectares de terrain à l'Etat pour 300.000 francs, avec le projet de réhabiliter le centre. Mais ces bâtiments, contruits avant-guerre pour abriter provisoirement des militaires, n'ont jamais été rénovés. Longtemps, il n'y a eu ni eau chaude, ni salle d'eau, et des WC communs. «Pas d'isolation, pas d'étanchéité, sans parler des problèmes d'amiante, et des réseaux d'électricité hors normes», énumère la première adjointe au maire, Marthe Geoffroy.

En 1999, la municipalité, aidée de l'Etat, a engagé un programme de réhabilitation d'urgence pour les logements ne bénéficiant pas du confort sanitaire minimal. Des travaux à «but humanitaire» dans l'attente d'une solution pour l'ensemble du CAFI. Mais depuis, rien. Le maire (UMP), Gérard Zuttion, se dit bien «un peu choqué» par cette «sorte d'abandon». Mais il dit aussi que la commune n'a pas les moyens «d'assumer seule les déficiences de l'Etat vis-à-vis de cette population». Le maire évoque des «projets de réhabilitation sérieux pour les prochains mois». Puis il se ravise, parle plutôt «d'années». «A cause de la lenteur de l'administration...»

«C'est trop tard, tranche Claudine. Tout ce que nous voulons, au nom de nos parents, c'est la reconnaissance.» Sa mère, Vuong, écoute sa fille sans rien dire, s'affaire dans la cuisine puis s'assoit dans un grand fauteuil d'osier. Au crépuscule de sa vie, cette femme jadis ravissante, des cheveux blancs tirés dans un chignon impeccable, n'attend plus rien. Tous les matins, elle apporte une tasse de café sur l'autel où repose une photo de son mari, disparu l'année dernière. Elle dépose d'autres offrandes et brûle un bâton d'encens. Avant de mourir, l'homme de sa vie répétait à ses seize enfants : «Ma seule richesse, c'est vous. L'Etat français sait ce qu'il nous doit. Moi, jamais je ne lui réclamerait rien. Nous vivons dans le camp des oubliés.»
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Une association défend en vain les rapatriés d’Indochine

L’association «Mémoire d’Indochine» se bat depuis 2002 pour que les familles des rapatriés d’Indochine soient reconnues et traitées de la même manière que les harkis d’Algérie. Elle demande qu’une «allocation de reconnaissance» de 30.000 € soit versée à chaque famille, ainsi qu’une amélioration du montant des retraites des veuves par enfant élevé. Depuis que l’État a cédé le Cafi de Sainte-Livrade à la commune, il continue de verser une allocation – 60.000 F (soit 9 147 €) en 2001, (NDLR : Depuis 2001, la mairie de sainte livrade ne reçoit plus aucune subvention) un montant «dérisoire» aux yeux de l’association – pour l’entretien du camp, au prorata du nombre des «ayants droit».

Solenn DE ROYER à Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne)

 

Sainte-Livrade-sur-Mékong

(courrierinternational.com) Un camp de “rapatriés” d’Indochine s’étiole peu à peu au cœur du Lot-et-Garonne. Les quelques “grands-mères de Saigon” qui y vivent encore perpétuent la mémoire douloureuse de leur relégation.

                   

lles s’en vont l’une après l’autre. Comme de petites lucioles attrapées par la poussière du temps, elles s’éteignent dans leurs maisonnettes entourées de jardins bonsaïs, emportant avec elles une histoire demeurée secrète et laissant une ultime trace lumineuse sur le seuil. Comme par enchantement, la vieillesse a balayé la peur. Aujourd’hui, les dernières “grands-mères d’Indochine” de France ont enfin envie de faire connaître ce qu’a été leur vie. Mais l’endroit où elles ont vécu pendant plus de cinquante ans, le camp d’accueil pour les rapatriés de la guerre d’Indochine, près de Sainte-Livrade, dans le Lot-et-Garonne, est maintenant presque vide. La plupart des “ré­sidents” se sont dispersés aux quatre coins de la France.

Pendant un demi-siècle, elles ont gardé pour elles leurs rancœurs et aujourd’hui elles disent enfin leur sentiment de s’être fait voler leur vie. Dans l’illusion d’éphémères amours coloniales, veuves ou épouses abandonnées et trahies par des militaires ayant une double vie, elles avaient été précipitamment embarquées avec leurs enfants après la “débâcle” française en Indochine, puis envoyées loin des regards indiscrets, dans une région oubliée de tous, parquées dans un camp contrôlé par d’anciens fonctionnaires de police, entouré de barbelés. Joséphine Le Crenn est une petite silhouette fragile, recroquevillée sur son divan. Mais sa voix est limpide, comme ses pensées. Elle se lève en s’aidant de deux cannes et regarde en arrière. “Le premier jour, quand on nous a amenées ici, au Petit Saigon, j’ai voulu mourir. Mon fils, qui avait 4 ans, ne voulait pas descendre du car et m’a demandé : ‘Maman, c’est ça la France ? — Oui, mon fils, c’est ça la France’, lui ai-je répondu. Il faisait froid, l’herbe était haute entre les baraques. On nous a donné une écuelle et deux couverts, et on nous a laissés comme ça.”

Couvre-feu à 22 heures et paternalisme au quotidien

Joséphine a 98 ans. Elle est née dans la région de Hanoi et parle un français parfait. Elle l’a appris à l’école des colonisateurs. Ses yeux, qui ne sont plus maintenant que deux minces fentes, me scrutent intensément. Pourquoi cette attention soudaine après des décennies d’indifférence ? “Nous avons été invisibles, des ‘choses’ qu’on a exploitées, des naïves qu’on abusait. On nous décrivait Hô Chi Minh comme un monstre et nous, nous avions peur de lui. Maintenant, savez-vous ce que j’en pense ? Je le respecte. Il a redonné sa dignité à un peuple réduit à la misère.” Les longues heures de solitude passées dans le camp, qui n’est plus peuplé aujourd’hui que de souvenirs, l’ont aidée à penser, à renouer les fils de son existence. Tout devient plus clair et se teinte d’amertume, de regrets pleins de dignité. “Aujourd’hui, il est trop tard et c’est vraiment dommage. C’est aussi notre faute. Nous n’avions pas le courage de nous rebeller, nous avions peur qu’on nous enlève nos enfants, qu’on les place dans des orphelinats. Et puis il n’est pas facile de raisonner lorsqu’on passe toutes ses journées courbées dans les champs à ramasser des haricots et des tomates payées au cageot, le dos brisé quand on rentre à la maison, avec quatre enfants à nourrir.”

On me raconte la bataille épique de Diên Biên Phu, qui scella dans le sang la fin de l’aventure coloniale française en Extrême-Orient, et la fuite éperdue devant l’avancée du Vietminh ; les tribulations du voyage transocéanique, les baptêmes forcés, le débarquement à Marseille et les autocars qui, en 1954, déversaient les jeunes femmes et leurs enfants dans les campagnes désolées du Lot-et-Garonne. On me montre la pagode et le terrain de football, aujourd’hui à l’abandon, aux grillages arrachés, où dans les années 1960 et 1970 leurs fils disputaient des matchs contre les équipes des villages voisins. Les images et les souvenirs défilent et, aujourd’hui, après tant de souffrances, l’Histoire prend des airs de farce amère. L’autorité exercée par les Français “de souche” qui leur faisaient si peur apparaît aujourd’hui pour ce qu’elle était : l’imbécile coup de patte du “tigre de papier” vaincu sur le champ de bataille et incapable de renoncer à ses prérogatives racistes. On évoque le visage dur et fermé du directeur du camp, le sévère M. Bouchet, sélectionné en raison de son long “apprentissage” au Tonkin. Avec ses méthodes autoritaires et paternalistes – et pour le compte du ministère de la Défense –, Bouchet administrait la vie de plus d’un millier de personnes parquées à partir de 1956 dans ce coin de France isolé au milieu des champs.

“Je ne pourrai jamais oublier le regard plein de terreur qu’avait ma mère quand elle était convoquée au bureau de l’administration”, raconte Mathieu Samel, qui a passé son enfance dans ce camp et est aujourd’hui réalisateur de télévision. “Quand nous étions enfants, le couvre-feu était sonné à 22 heures. La seule fois où nos parents, qui pendant des années avaient baissé la tête, décidèrent de former une association, le préfet envoya une garnison de gardes mobiles qui restèrent pendant des années à surveiller l’entrée du camp. Ceux qui ne rentraient pas chez eux à temps étaient forcés de rester dehors pendant toute la nuit. Les signes extérieurs de richesse n’étaient pas admis. Pas de voitures, pas même une Mobylette pour aller travailler. Si au cours d’une inspection on en trouvait une en notre possession, on était chassé du camp et on n’avait plus le droit d’y revenir”, explique Jean-Claude Rogliano, qui aujourd’hui, comme Hélène, est revenu habiter au lotissement N et a installé une petite caméra vidéo artisanale à l’entrée, pour protéger son jardin exotique, méticuleusement entretenu.

Les enfants des grands-mères du camp ont aujourd’hui entre 50 et 60 ans et habitent Toulouse, Bordeaux, Paris. Quelques-uns sont revenus, à la suite d’un divorce, d’une séparation ou d’un licenciement, mais la plupart “s’en sont sortis”, ont fondé une famille et ont aujourd’hui un métier respectable. Ils reviennent au camp à la mi-août ou pour la fête du Têt, le nouvel an chinois. Ils viennent avec leurs petits-enfants retrouver les mères et les grands-mères, à qui ils demandent de leur préparer le bun chan, le porc laqué accompagné de nuoc mâm et de feuilles de menthe et de persil vietnamien, qu’elles cultivent en pot et qui égaient les façades. Ils viennent aussi s’approvisionner à l’épicerie de la famille Gontran, qui a des produits introuvables ailleurs. Mais la municipalité, ainsi que diverses commissions ministérielles ont déclaré les baraquements insalubres. Pendant plus d’un demi-siècle, rien n’a été fait pour ses habitants, sinon au nom de l’assimilation forcée et de la négation d’une culture qui n’était pas conforme aux valeurs rigides de la république. “Je me demande ce qui pouvait bien passer par la tête de notre institutrice quand elle nous expliquait au cours d’histoire que nos ancêtres étaient des Gaulois”, ironise Mathieu Samel, le documentariste.

“Nous sommes pour toujours ceux du petit saigon”

Aujourd’hui, le camp semble végéter dans l’attente interminable d’une improbable décision communale de “réhabilitation”. Les lettres recommandées ont dissuadé les efforts des grands-mères, des enfants et des petits-enfants pour sauvegarder ces quelques hectares oubliés auxquels les attache un fort sentiment d’appartenance cimenté par les souffrances. Mais la colère pudique de “ceux du Petit Saigon” survivra aux pelleteuses qui ont déjà commencé à creuser. Le camp n’est pas fait seulement de murs et de baraques. “Au fond de nous, nous ne sommes ni français ni vietnamiens, nous ne sommes même pas eurasiatiques comme d’autres métis. Nous sommes ceux du Petit Saigon, ceux du centre d’accueil. Et nous le resterons toujours, quoi que nous fassions”, me dit un garçon de la troisième génération.

Comment est-il possible, alors, qu’un camp qui était un symbole d’exclusion, dont les habitants étaient stigmatisés, se transforme en un hybride atemporel, au fort pouvoir d’attraction ? Au siècle dernier, Hannah Arendt expliquait à propos des camps réservés aux apatrides des démocraties libérales que ceux-ci constituaient “le seul lieu possible pour qui est sans appartenance”. Peut-être le Petit Saigon est-il cet entre-deux, ce succédané d’une patrie impossible, que les enfants héritiers de l’exode indochinois viennent chercher chaque été. Les hésitations des institutions qui ne se résolvent ni à laisser le camp survivre jusqu’à ce qu’il meure, ni à intervenir pour accélérer sa mort montrent peut-être qu’il s’est réapproprié son destin

 

Des anciens d'Indochine veulent sauver la mémoire de leur camp

 (lacroix.com) Devenu insalubre et dangereux, le Centre d’accueil des Français d’Indochine (Cafi) de Sainte-Livrade-sur-Lot, en Lot-et-Garonne, va laisser place à des HLM

Des dizaines de baraquements en béton surmontés d’un frêle toit de fibrociment regorgeant d’amiante ; une électricité hors norme ; des murs non isolés ; des canalisations d’eau qui explosent avec le gel… Quand on entre dans le Centre d’accueil des Français d’Indochine (Cafi) de Sainte-Livrade-sur-Lot, on a peine à croire que des gens vivent encore ici.

Construit à la hâte dans les années 1950, cet ancien camp militaire était destiné à accueillir provisoirement les rapatriés d’Indochine après le retrait de la France du sud du Vietnam en 1954 (1). Au total, 1 160 réfugiés, dont 740 enfants, couples mixtes, veuves de Français fuyant la guerre et le communisme, ont débarqué dans cette commune rurale. « Je suis arrivé avec mes six frères et sœurs, une valise en carton à la main », se souvient Ariffe, 68 ans, un adjudant à la retraite.

Mais le provisoire a duré. Sainte-Livrade est devenu le « camp des oubliés ». Oublié par l’État, qui en assurait la gestion jusque dans les années 1980, avant que la commune ne rachète ce terrain de sept hectares. « Regardez, nous avons dû installer nous-mêmes des toilettes, une douche dans nos maisons », fustige Jean-Claude Rogliano, 68 ans, un « enfant du camp ».

120 foyers habitent encore au Cafi

« Je me demande comment on a pu les laisser dans des conditions aussi indignes pendant cinquante-quatre ans », se révolte Claire Pasut, maire PS de la commune, élue depuis deux ans. « On était tellement heureux d’être en vie que l’on n’a rien osé demander », tente d’expliquer Ariffe, qui est revenu au camp pour aider sa mère et d’autres personnes âgées dans leur quotidien.

Sur la cabine téléphonique des lieux, un message qui en dit long : « Vietnam-sur-Lot, la vie, c’est dur, mais on s’en remet. » Étrangement, pourtant, les rapatriés n’affichent pas de rancœur. « La France nous a menti, mais je n’ai pas de haine », assure Tony, 64 ans, un ancien légionnaire. C’est l’émotion qui prime. « J’ai vécu toute mon enfance ici. On ne sortait pas du camp, on avait tout, l’école, le terrain de foot, l’église, la pagode, le médecin… c’était bien », raconte André Forget, 47 ans, aujourd’hui conseiller municipal d’opposition (Nouveau Centre), qui réside désormais en ville.

Actuellement, seuls 120 foyers habitent encore au Cafi. La plupart sont des personnes âgées, des jeunes en grande précarité et des handicapés mentaux. Les autres ont trouvé du travail et ont quitté l’endroit pour Paris, Toulouse ou Bordeaux.

« C’est vécu comme un deuxième déracinement »

Pour ceux qui sont restés, la vie va radicalement changer. Tout doit en effet être démoli. Des HLM flambant neufs vont remplacer les baraques décaties. La première pierre du nouvel ensemble a été posée le 28 mai. Trente-deux appartements seront prêts d’ici à la fin de l’année. Au total, 120 logements seront construits à l’horizon 2013. Des travaux financés par l’État à hauteur de 6,5 millions d’euros, par la commune (4,7 millions), ainsi que par le conseil général et le conseil régional d’Aquitaine.

Pourtant, ce changement suscite plus de craintes que de joie. « Les mamies auront de petits T2. Où vont-elles mettre tous leurs meubles ? Elles ne pourront plus accueillir chez elles leurs enfants et petits-enfants, ce qui va accroître leur isolement », s’inquiète André Forget. Mais surtout, pour nombre d’habitants, cette opération arrive trop tard. « Il fallait le faire il y a vingt-cinq ans. J’ai 97 ans, où voulez-vous que j’aille ? », demande Jacqueline Le Crenn, dont le père est mort à la guerre de 1914-1918, « pour la France ».

« C’est vécu comme un deuxième déracinement », explique André Gontran, 45 ans, l’un des deux épiciers du camp. « On ne nous donne pas le choix », soupire Simone, 83 ans. Pourtant, « on a travaillé dur dans les champs de haricots ou dans les usines », se souvient cette mère de huit enfants qui vit seule, avec 570 € par mois. Depuis vingt-cinq ans, cette fervente bouddhiste tient la pagode du camp. « Un lieu de culte exceptionnel », fait remarquer Martine Pôleth Wadbled, ethnologue, qui travaille ici depuis une quinzaine d’années. « Les habitants ont organisé le culte des quatre génies avec les moyens du bord, à leur manière. »

Les familles réclament que l’on reconnaisse leur souffrance

C’est toute cette mémoire qui risque aujourd’hui de disparaître. « Si l’on détruit nos habitations, dans vingt ans, plus personne ne se souviendra que l’on a vécu ici. Je veux que mes petits-enfants connaissent l’histoire de leurs grand-père et arrière-grand-père », s’inquiète Jean-Claude Rogliano.

Une histoire douloureuse. Jusqu’aux années 1970, le camp était grillagé, entouré de barbelés, dirigé par d’anciens administrateurs des colonies. En 1959, il était interdit d’en sortir sans autorisation. Un arrêté avait même instauré un couvre-feu à 22 heures. « C’était un régime militaire, cruel », s’indigne Matthieu Samel, cinéaste né dans le camp en 1958 et qui vit aujourd’hui dans les environs. « Peut-être que la France a honte de la façon dont elle nous a accueillis et veut faire table rase de ce passé », poursuit Jean-Claude.

Aujourd’hui, les familles réclament que l’on reconnaisse au moins leur souffrance. Pour Jean-Claude Rogliano, il faut au minimum conserver l’église, la pagode, un quartier « témoin » et créer un musée avec des objets d’Indochine. « L’État français a une grande dette envers nous. Il nous doit bien ça. » « On garde bien les tranchées de Verdun », rappelle Émile Lejeune, 89 ans, un ancien adjudant, fils de la princesse vietnamienne Annam, qui veut mourir au Cafi, comme sa mère.

Un bureau d’étude girondin, dirigé par le sociologue Daniel Mandouze, va collaborer avec les habitants du Cafi pour tenter de préserver la mémoire de ce lieu. Au cas où leur volonté ne serait pas respectée, chacun, à l’image d’Isabelle, 61 ans, qui est revenue vivre sa retraite au camp, prend des photos pour garder une trace.

Nicolas CÉSAR

(1) En France, il n’existe plus que deux camps de rapatriés d’Indochine. L’autre se situe à Noyant (Allier).

 

La coopération décentralisée avec le Vietnam, une piste pour le Cafi?

septembre 2010 : Il y a deux semaines, je participais à la réunion du groupe Vietnam de la coopération décentralisée pour la prépration des assises qui se tiendront en novembre à Haiphong. Pour ceux qui n’en sont pas familiers, la coopération décentralisée concerne les partenariats noués entre des collectivités françaises (villes, département régions) et des collectivités étrangères afin d’y mener des projets de nature très variée. C’est une coopération de proximité, qui met en relation des institution et des acteurs de terrain, écoles, universités, hopitaux, musées, administrations, mais aussi des associations et des entreprises locales. Ces actions complètent et diversifient les actions de la coopération bilatérale que mène le Ministère des Affaires Etrangères. La coopération décentralisée intervient à diverses échelles dans tous les secteurs: santé, éducation, formation, environnement, agriculture, urbanisme, transports, assainissement des eaux, patrimoine, et bien d’autres choses encore. Il y a des projets de petite échelle et des projets de plus grande ampleur et les fonds investis sont de plus ou moins grande importance selon le cas. Ils proviennent des départements de relations internationale des villes et des provinces.Les partenaires sont le plus souvent des pays du sud en difficulté, et les projets ont comme finalité une aide au développement et à la réduction de la pauvreté. Mais ils ne sont pas toujours à sens unique et il y a un retour sur investissement pour les villes ou les régions impliquées, ne serait-ce qu’à travers les activités économiques qui se développent à partir de ces partenariats. Très souvent, les collectivités françaises ont déjà des liens avec les pays où elles instaurent ces partenariats, des pays d’ancienne colonisation française, bien sûr, et les pays d’origine des communautés immigrées qui vivent sur son sol (souvent les mêmes) et qui jouent un rôle actif dans ces formes de coopération. C’est donc une histoire commune, tissée  de liens ancrés dans la durée concrétisés dans des actions sur le terrain, dynamiques et solidaires.

Une association, Cités-Unies France, anime le réseau de 3000 collectivités territoriales impliquées dans la coopération décentralisée dans le monde entier

Les relations entre les collectivités territoriales françaises et leurs partenaires vietnamiens sont particulièrement dynamique au Vietnam venant en complément des actions menées par la coopération gouvernementale bilatérale (la France est le 4ème bailleur d’aide au Vietnam).

Les actions de la coopération décentralisées sont principalement concentrées à Ha Noi et Ho Chi Minh Ville, mais touchent également les provinces du nord, du centre et du sud. La formation, l’éducation, la recherche sont les principaux domaines d’intervention, avant l’urbanisme, l’es échanges économiques, le développement agricole, le tourisme, l’environnement, la santé et le patrimoine. Certaines collectivités territoriales sont particulièrement présentes sur le terrain: la région Rhône-Alpes, la ville de Toulouse, la région Aquitaine, le conseil général du Val de Marne, le conseil général de Potou Charentes, pour ne citer qu’eux.

Quel rapport avec le Cafi et le lieu de mémoire?Ni les départements, ni les villes de Sainte-Livrade, de Villeneuve ou des environs n’ont établi de coopération au Vietnam, en dépit de la présence d’une importante communauté d’origine vietnamienne dans la région. Pourquoi cette absence?

Elle peut s’expliquer de plusieurs manières:

- si j’en crois ce qui figure sur les sites internets des villes concernées, l’activité l’internationale et l’engagement auprès des pays du sud ne sont pas très développés : il ne semble pas y avoir d’élu en charge de ces questions ni à Villeneuve ni à Sainte Livrade, ni même à Agen,

- pour ce qui concerne le Cafi lui-même, les liens avec le Vietnam, rompus depuis cinquante ans de manière brutale, n’ont été que très récemment renoués. ce n’est que depuis une dizine d’années que les habitants du camp sont retournés sur leur terre natale, et encore, tous n’ont pas fait le voyage, loin de là. Pour des raisons historiques, ils n’ont pu, jusque là, constituer un lien entre le Lot et Garonne et le Vietnam.

Pourtant, on ne saurait parler de la mémoire du Cafi comme d’une chose morte, appartenant au passé de l’Indochine. Si cette mémoire ne s’ancre pas dans la réalité du monde d’aujourd’hui, dans les relations entre Vietnam et France au XXIème siècle, elle risque de disparaître.

 

Il y a une autre raison. Pour faire vivre le Cafi après sa démolition, il faudra préserver le passé en l’ancrant dans un présent. Faute de cela, il sera difficile de renouveler l’attrait du public, qui risque de s’émousser après les premières visites de découverte.L’idée d’ un “parc à thème” autour du Vietnam, émise par certains,n’est pas absurde, à condition que l’on ne folklorise pas le Vietnam, qui n’est pas le pays des Schtroumpf, ni celui des irréductibles gaulois. La Chine, -et le Vietnam, hélas!- ont créé quelques sites d’une effroyable kitscherie qu’il conviLa thématique Vietnam attirera du monde, c’est certain, encore faut-il bien réfléchir à ce que l’on veut dire et montrer. Nous reviendrons du reste dans quelques jours sur cette question de l’hypothèse d’un parc à thème pour en analyser le contenu. Mais quelque soit notre choix, il sera indispensable d’accompagner toute réalisation de ce type d’un tissage de liens actifs avec le Vietnam, qui favorise l’échange de productions, de personnes, d’artistes et d’artisans.

Et pour cela, on aura besoin de mettre en oeuvre la coopération décentralisée. D’où mon billet de ce jour, destiné à attirer votre attention sur cette possibilité qui nous est offerte de donner une dimension plus vaste à la mémoire du Cafi

Dominique Rolland

 

 L'arrêté Morlot 1959, réglement du Cafi

 MINISTERE DE L'INTERIEUR ARRÊTÉ
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Centre d'orientation portant règlement des Centres d'Accueil organisés
Service des Français pour l'hébergement des Rapatriés d'Indochine.
Rapatriés d'Indochine
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Le Ministre de l'Intérieur,

Vu le décret N°59-I54 du 7 janvier 1959 portant transfert au Ministère de L'Intérieur de certains attributions précédemment confiées au Ministère des Affaires Etrangères en matière d'accueil et de recensement des Français rapatriés d'Indochine.

A r r ê t é

Art. Ier. - des Centres d' Accueil administrés par le Service des Rapatriés d'Indochine sont réservés à l'hébergement des familles françaises rapatriées d'Indochine depuis 1955, sur réquisition du Haut Commissariat ou de l'Ambassade de France au Vietnam, qui se trouvent démunies de ressources et n'ont pas eu la possibilité de se loger par leurs propres moyens à leur arrivée en France.

Art. 2. - Les familles rapatriées dans les conditions ci-dessus, y trouvent un hébergement provisoire de caractère essentiellement précaire et révocable.

Art. 3. - L'hébergement dans un Centre d'Accueil n'est pas un droit. Il n'est accordé qu'en fonction de la situation des familles intéressées et de leurs ressources à leur arrivée en France.

ADMISSIONS - MUTATIONS - EXCLUSIONS

Art. 5. - L'admission dans un Centre d'Accueil est prononcée par le Préfet, Chef du Service des Français Rapatriés d' Indochine, après examen de chaque cas particulier.

Art. 6. - La mutation dans un autre Centre d'Accueil, ou l'exclusion de tous les Centres définis ci-dessus sont prononcées par décision ministérielle.

Ces décisions seront exécutoires avec le concours de la Force publique, si les personnes mutées ou exclues n'y obéissent pas de leur gré.

LOGEMENTS

Art. 7. - Le logement est désigné à l'hébergé par le Gestionnaire en fonction de l'effectif de la famille au moment de l'accueil.

Art. 8. - Les modifications pouvant intervenir en cours d'hébergement dans la composition des familles hébergées n'ouvrent pas droit à l'attribution de locaux supplémentaires.

Art. 9. - Aucun logement distinct ne sera mis à la disposition d'un nouveau ménage qui serait constitué postérieurement au rapatriement.

DEVOIRS DES HEBERGES

Art. 10. - Les lois et règlements de police en vigueur sur le territoire de la commune où est situé le Centre d ' Accueil sont sans exception applicables à toute personne hébergée dans ledit Centre. En outre, la qualité d'Hébergé dans un Centre d'Accueil entraîne automatiquement pour l'hébergé l'obligation de respecter la réglementation de discipline générale dans ces Centres.

DISCIPLINE GENERALE

Art. 11. - Les chefs de famille sont pécuniairement responsables de tous les objets mobiliers ( meubles , linge, ustensiles de cuisine, etc…) mis provisoirement à leur disposition par la Direction du Centre.

Art. 12. - Ils doivent maintenir en bon état de propreté le logement qui leur est attribué, ainsi que les abords extérieurs.

Art. 13. - La visite des logements peut être effectuée par le personnel d'encadrement du Centre. Les personnes hébergées sont tenues de faciliter ces contrôles.

Art. 14. - Aucune personne étrangère au Centre ne peut être accueillie par une personne hébergée sans l'autorisation préalable du Gestionnaire.

Des permis de séjourner pourront être accordés aux membres non hébergés des familles hébergées, mais pour une durée n'excédant pas trente jours.

Art. 15. - Toute personne séjournant sans autorisation dans un Centre d'Accueil sera mise en demeure de quitter ce Centre dans les vingt-quatre heures. La famille accueillante s'expose elle-même à une sanction analogue ou à une mutation dans un autre Centre.

Art. 16. -Des mutations de Centre à Centre pourront être effectuées sur proposition de la Direction de la Main d'œuvre pour faciliter le reclassement des chefs de famille sans emploi. Certaines mutations qui pourraient également être jugées nécessaires au bon ordre, pourront être prononcées par le Préfet, Chef du Service des Français Rapatriés d'Indochine sur proposition du Gestionnaire.

Art. 17. - L'exclusion des Centres sera prononcée contre les personnes dont l'hébergement aux frais de l'Etat ne paraît plus justifié.

Ce sera le cas notamment :

- Lorsque des transferts de fonds ou des attributions de Dommages de Guerre mettent ces personnes en possession de ressources suffisantes pour leur permettre de vivre sans l'aide de l'Etat ;

Lorsque les moyens d'existence ( salaire, retraite, pension ) ou le train de vie (marques extérieures de richesse telles que voitures, appareils de télévision, machine à laver, frigidaires, etc…) sont incompatibles avec la condition d'assisté, hébergé aux frais de l'Etat ;

Lorsqu'elles ont refusé de faire l'effort nécessaire pour subvenir à leurs besoins (refus d'un emploi offert en rapport avec leurs moyens physiques et intellectuels) ;

Lorsqu'elles exercent sans autorisation une activité commerciale dans le Centre ;

Lorsqu'il s'agira d'enfant de rapatrié, ayant atteint sa majorité, apte physiquement à gagner sa vie ou dont la présence au Centre est jugée inopportune à la suite de doléances motivées par sa conduite.

Art. 18. - En cas de mutation ou d'exclusion, si les nécessités du bon ordre l'exigent, le Gestionnaire pourra demander l'intervention des Services de Police et de la Gendarmerie.

Art. 19. - Indépendamment des poursuites et sanctions prévues par les lois et règlements, l'exclusion ou la mutation dans un autre Centre sera également prononcée pour sanctionner les actes suivants :

a) - dégradation volontaire aux immeubles ou meubles ou installations composant le Centre
b) - jeux d'argent
c) - ivresse habituelle ou usage de stupéfiants
d) - atteinte aux bonnes mœurs
e) - violences ou incorrections envers le personnel d'encadrement ou envers d'autres hébergés
f) - inobservation des instructions prescrites par le Gestionnaire
g) - manifestations déplacées ou susceptibles de troubler l'ordre dans le Centre

Fait à Paris , le XX mai 1959.

P. le Ministre et par délégation.
Le Directeur-Adjoint.
Signé : MORLOT

 

 

 

 

 

Commentaires

LE CAFI

Bonjour ,
Je viens de prendre connaissance de l'article sur le CAFI . Il y avait aussi un Centre d'accueil des rapatriés d'Indochine à Bias . Du côté de Noyant d'Allier , il y a encore plein de réfugiés .
J'ai vécu à Bias quand je suis arrivée en France à l'âge de 8 ans .
A l'arrivée des Harkis le Camp de Bias à été dissout, certaines personnes ce sont retrouvées à Sainte Livrade d'autres sont partis sur Paris s'installer du côté de Sarcelles car ils ont rouvé du travail dans la région Parisienne , mes parents ont pu rester à Pujols grâce à un instituteur français et mes parents connaissaient leurs droits
Que de choses à dire sur les personnes politiques de cette époque ! Mon papa avait créé une association pour défendre tous ces gens là car il était français ainsi que maman , ils connaissaient parfaitement le français ! j'étais gamine mais je garde plein de souvenirs !
Quelle misère ! Vivre dans ces baraquement sans chauffage ni sanitaire ! Nous étions parqués ! Les gens du village voulait que "les chinois" quittent le camp !!! Nous sommes français !!
Je viens de renouer avec mes racines , agée maintenant de 63 ans ! Que du bonheur . Merci d'avoir apporté votre attention sur mon commentaire . Je reste à votredisposition .
Cloclo45

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