Lutte contre l’anémie : une stratégie plus efficace

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Le succès vietnamienDes traitements pas toujours efficacesMoins de fer et plus tôtDes causes et des conséquences

Une étude de l'IRD ( mars 2012): La carence en fer et l'anémie( 1) que celle-ci peut provoquer constituent un problème majeur de santé publique, qui touche deux milliards d'individus dans le monde : pour l'essentiel, les jeunes enfants et les femmes enceintes( 2) dans les pays en développement. Malgré des décennies d’efforts en matière de prévention et de lutte, la situation ne s’améliore pas, voire s’aggrave dans certains pays. L’Afrique et l’Inde affichent les plus hauts taux d’anémie, avec près de 50 % des femmes atteintes. Dans ce dernier pays, la maladie serait responsable de 40 % des décès maternels.

Le succès vietnamien

Au Vietnam, l'Institut national de Nutrition de Hanoi et l'IRD luttent ensemble depuis plus de dix ans contre ces affections. Une étude épidémiologique, à paraître dans la revue PLoS ONE ( 4), met en exergue l'amélioration de l’état nutritionnel des femmes vietnamiennes en une décennie, probablement du fait du développement économique du pays et de la mise en œuvre par le gouvernement d'interventions basées sur les travaux de ces équipes de recherche. Avec un taux d’anémie de 11 % chez les femmes en âge reproductif aujourd’hui – contre 25 % en 2000 –, la prévalence est désormais considérée comme faible.

Des traitements pas toujours efficaces

   © IRD / E. Bénéfice La maladie peut augmer la morbidité et la mortalité maternelle et infantile.

Les nutritionnistes se sont attelés à l’élaboration de stratégies de prévention, notamment pour les femmes en âge de procréer. Le traitement préconisé internationalement, et le plus courant, consiste en un apport quotidien de fer et d'acide folique (vitamine B9) dès lors que la grossesse est déclarée. Mais cette stratégie est difficilement applicable. Tout d’abord, la première consultation ne survient le plus souvent qu’au deuxième trimestre de grossesse, voire au troisième dans certains pays, retardant d’autant la prise en charge des futures mères. Une telle supplémentation( 5) pose également des contraintes de fréquence d'application, de disponibilité et de coût. Enfin, les doses élevées de fer administrées induisent des effets secondaires – nausées, vomissements –, d’où un mauvais suivi du traitement, et peuvent générer une hémoconcentration( 3), avec un impact négatif sur le développement du fœtus.

Moins de fer et plus tôt

  © IRD / J. Berger La carence en fer et l’anémie affectent deux milliards de femmes et d’enfants dans le monde, essentiellement du fait de besoins en fer non couverts par l’alimentation.
 

Les chercheurs ont mis en évidence que l’administration de suppléments une seule fois par semaine – apportant significativement moins de fer qu’une prise quotidienne – est tout aussi efficace. A une condition toutefois : débuter le traitement au moins trois mois avant la grossesse et le maintenir jusqu’au terme. Leurs essais ont en effet montré que neuf mois de supplémentation hebdomadaire réduisaient la prévalence( 6) de l'anémie de 50 % à 20 % chez les femmes avant la grossesse et au cours des deux premiers trimestres de grossesse. Le statut en fer était amélioré et le nombre de nourrissons de faible poids était moindre.

Les programmes d’intervention devraient donc viser toutes les femmes en âge de procréer et les sensibiliser dès l’adolescence. L'intérêt de cette approche préventive est de leur offrir des réserves optimales en fer avant le début de la grossesse. En effet, le premier trimestre est très important en termes de développement du fœtus. Du fait du faible dosage, cette méthode permet aussi de diminuer les risques d'hémoconcentration au cours des derniers mois de grossesse. Ces travaux ont largement contribué à la publication par l’Organisation mondiale de la Santé d’une déclaration en ce sens( 7).

Des causes et des conséquences

  © IRD / J. Berger Ces affections retardent la croissance et le développement psychomoteur des enfants.

La carence en fer est liée à des facteurs à la fois socio-économiques, d’accès à la nourriture, de qualité de l’alimentation, etc. Chez les femmes, elle est principalement due aux pertes de fer lors des menstruations, aux besoins accrus en fer non compensés par l'alimentation lors d’une grossesse, etc. Chez les nourrissons, elle provient essentiellement de la pauvreté de l'alimentation en fer biodisponible. Les bouillies de riz traditionnellement données aux enfants vietnamiens en complément de l'allaitement maternel, ne suffisent pas, par exemple, à couvrir leurs besoins en fer, particulièrement élevés à partir de 4 à 6 mois. Une carence sévère en fer conduit à l’anémie. Cette maladie est aussi souvent causée par un déficit en d’autres micronutriments (vitamines A et B12, acide folique, etc.), une insuffisance rénale ou encore une inflammation chronique. 

  © IRD / J. Berger Développer une production locale d’aliments courants enrichis s’avère une solution efficace et peu coûteuse.

Les multiples conséquences chez les femmes de ces affections peuvent se révéler extrêmement sérieuses : risque élevé de morbidité et de mortalité du fœtus ou de la mère, naissance prématurée et faible poids du nouveau-né, moindre résistance aux infections, fatigue et diminution des capacités physiques… Chez les jeunes enfants, la maladie affecte leur croissance et leur développement psychomoteur.

En conclusion, des doses relativement faibles de supplément en fer permettant de réduire ces affections, il apparaît désormais possible de combler le déficit via l’alimentation, notamment en augmentant la diversité alimentaire et la consommation d'aliments d'origine animale par les populations à risque. Le développement d’aliments enrichis en fer ou en plusieurs micronutriments s’avère ainsi également prometteur. Les scientifiques encouragent ainsi l’enrichissement en fer de produits faisant partie des habitudes alimentaires, le nuoc mam en est un exemple au Vietnam( 8).

[Notes]

(1) diminution du taux d’hémoglobine dans le sang.

(2) La femme enceinte est physiologiquement anémique.

(3) augmentation de la concentration du sang en hémoglobine.

(4) menée avec l'appui de la fondation GAIN (Globale Alliance for Improved Nutrition).

(5) apport de micronutriments sous forme médicamenteuse.

(6) La prévalence est le nombre de personnes atteintes dans une population à un moment donné, exprimé en pourcentage.

(7) hormis pour les femmes enceintes, pour lesquelles elle continue de préconiser une supplémentation quotidienne (WHO Guidelines: Intermittent iron and folic acid supplementation in menstruating women. Geneva, WHO, 2011).

(8) Thuy PV, Berger Jacques , Nakanishi Y, Khan NC, Lynch S, Dixon P. The use of NaFeEDTA-fortified fish sauce is an effective tool for controlling iron deficiency in women of childbearing age in rural Vietnam. The Journal of Nutrition, 2005; 135: 2596-2601.

Rédaction DIC – Gaëlle Courcoux

Fiche d'actualité scientifique n°399 IRD (institut de recherche pour le développement)

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