Le Vietnam : un "miracle asiatique" ?

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Le Vietnam : un "miracle asiatique" ?

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Vendeurs de rueSuccess story vietnamienneUn capitalisme socialisteLes richesses sont redistribuéesLa précarité persiste

 Vendeurs de rue

25 millions de personnes sorties de la misère, une croissance parmi les plus élevées au monde… : en moins de vingt ans, le Vietnam a vu sa pauvreté chuter de manière spectaculaire. Des chercheurs de l’IRD de l’UMR Développement, institutions et mondialisation et leurs partenaires ont étudié cette success story . Dès 1986, le Doi Moi , ou « Renouveau », grande réforme économique, a impulsé la croissance du pays. Puis, pour pallier la montée des inégalités, le pays a entrepris une redistribution budgétaire des régions les plus riches vers les plus pauvres et d’aide financière ciblée vers les plus défavorisés.

Reste la lutte contre la précarité des travailleurs, un des derniers points sombres de l’économie vietnamienne. Le pays compte en effet aujourd’hui plus de dix millions de vendeurs de rue, artisans et autres emplois dans le secteur informel, soit 50 % de son marché du travail, hors agriculture.

Réduire encore les inégalités, vaincre la précarité… relever ces défis permettraient au Vietnam de franchir le cap des pays industrialisés.

 À l’image des quatre dragons que sont Hongkong, Singapour, Taïwan et la Corée du Sud, le Vietnam est-il, à son échelle, un exemple de « miracle asiatique » ? Des chercheurs de l’IRD de l’UMR Développement, institutions et mondialisation  et leurs partenaires ont étudié les politiques économiques qui ont permis à ce pays de relever la tête, après des décennies de guerre puis des années de grave crise économique.

Success story vietnamienne

Depuis le début des années 1990, le Vietnam connaît en effet une chute spectaculaire de la pauvreté. Le pourcentage de la population vietnamienne vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 58 % en 1993 à 14,5% en 2008, soit quelque 25 millions de personnes sorties de la pauvreté en quinze ans. En ville, en 2008, seulement 3,5 % de la population est considérée comme pauvre, même si le coût de la vie continue d’augmenter.

Le pays doit cet enrichissement de sa population à sa formidable croissance économique depuis vingt ans, parmi les plus élevées au monde. Il a ainsi fait récemment son entrée au club des pays émergents.

 

Un capitalisme socialiste

Comment le Vietnam a-t-il tiré son épingle du jeu capitaliste ? L’adoption en 1986 du Doi Moi, le « Renouveau » en vietnamien, a marqué la conversion du pays à un modèle particulier : une « économie de marché à orientation socialiste ». Un secteur privé dynamique a ainsi grandi aux côtés d’un secteur public fort, continuant à contrôler des pans entiers de l’économie tels que l’énergie, l’industrie ou les banques. L’Etat a également poursuivi des politiques publiques très actives (agricoles, industrielles, planification), continué à réguler les prix des produits de base, etc.

Suivant ainsi un modèle de croissance par l’exportation, le Vietnam s’est rapidement intégré à l’économie internationale. C’est aujourd’hui le premier exportateur mondial de café Robusta et de poivre ou encore le deuxième exportateur de vêtements sur le marché américain. Il fait preuve désormais d’une présence active dans les instances internationales : il est devenu, en janvier 2007, le 150e membre de l’Organisation mondiale du commerce.

Les richesses sont redistribuées

Mais les effets bénéfiques de l’essor économique ne profitent pas à tous les Vietnamiens : la majorité Kinh( 5) est favorisée par rapport aux minorités ethniques, la plupart situées en zone montagneuse ou reculée, où la pauvreté reste forte. Pour pallier une potentielle montée des inégalités, le Vietnam mène une ambitieuse politique de transferts budgétaires entre régions riches et pauvres. Les provinces les plus riches versent ainsi jusqu’aux trois quarts de leurs recettes aux plus défavorisées, pour qui ces transferts représentent jusqu’à la moitié de leur PIB. Cette redistribution permet alors à ces dernières de développer leurs infrastructures (éducation, santé, électricité, réseau routier, eau et assainissement, etc.) et de fournir à leurs habitants des services sociaux, comme l’assurance santé.

Grâce à ces stratégies, les indicateurs de développement humain s’améliorent : le taux de scolarisation en primaire atteint près de 100 %, l’espérance de vie est passée de 63 ans en 1990 à 68 ans en 2005 pour les hommes et de 67 ans à 73 ans pour les femmes, etc. Le Vietnam est même en avance, par rapport à l’échéance de 2015, pour accomplir les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

 

La précarité persiste

La crise financière mondiale a renforcé le poids du secteur informel sur le marché de l’emploi. Le Vietnam compte aujourd’hui plus de huit millions de vendeurs de rue, artisans et autres travailleurs non déclarés.

Pour vaincre totalement la pauvreté, le pays doit encore relever quelques défis, en particulier réduire le secteur informel( 4), véritable économie parallèle maintenant une grande précarité. Vendeurs de rue, artisans, services à domicile… le Vietnam compte plus de dix millions de petits entrepreneurs, qui exercent sans aucune déclaration officielle. La crise financière mondiale, bien que globalement absorbée par l’économie vietnamienne, a détruit de nombreux emplois et renforcé ainsi le secteur informel, où les travailleurs malchanceux ont trouvé refuge. Ce dernier regroupe aujourd’hui, hors agriculture, 50 % du marché du travail et produiraient une valeur estimée à 20 % du PIB.

Quelques moyens de lutte existent, tels que le microcrédit, la formation, etc. Mais les chercheurs ont constaté que leur impact demeurait limité et à court terme. C’est pourquoi ils préconisent de soutenir le secteur informel tel qu’il est, avec par exemple la mise en place d’une protection sociale pour les travailleurs de l’informel, mesure d’ailleurs adoptée récemment par le gouvernement.

Premier pourvoyeur d’emploi, le secteur informel demeure pourtant le grand oublié des politiques publiques au Vietnam du fait du manque de données officielles. Les travaux des chercheurs apportent un éclairage sur cette économie parallèle. Si le Vietnam poursuit sur sa lancée et parvient à vaincre la précarité des travailleurs informels, ainsi qu’à réduire la pauvreté de ses minorités ethniques, il pourrait devenir, en une génération, un pays industriel.

 IRD octobre 2010 : Fiche d'actualité scientifique N° 359

Notes

1. UMR DIAL (IRD / Université Paris-Dauphine)

2. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec l’Office Général de la Statistique du Vietnam. Ils ont été présentés dans le cadre de l’université d’été de Tam Dao co-organisée chaque année par l’Académie des sciences sociales du Vietnam en collaboration avec l’IRD, l’AFD, l’AUF et l’EFFEO.

3. Le Doi Moi est une grande réforme économique menée par le Parti communiste vietnamien à partir de 1986, combinant capitalisme et forte intervention de l’Etat.

4. Le secteur informel est l'ensemble des activités économiques non déclarées et qui échappent donc au contrôle et à la régulation de l'Etat.

5. Kinh est le nom officiel de l’ethnie des Viêt, originaire de la partie nord de l'actuel Vietnam et du sud de la Chine. Les Kinh constituent plus de 80% de la population.

 

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