LA DERNIÈRE IMPÉRATRICE D'ANNAM

Du jeudi 11 Septembre 2014 00:59 au vendredi 11 Septembre 2015 00:59

Culture - En France

LA DERNIÈRE IMPÉRATRICE D'ANNAM

LA DERNIÈRE IMPÉRATRICE D'ANNAM

LA DERNIÈRE IMPÉRATRICE D'ANNAM

Nam Phuong la sacrifiée
Récit romancé de la première reine vietnamienne

de Hao Tran Thi
Préface de Joële Nguyên Duy Tân
Prix l'Harmattan: 19,95 Euros
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=...

Née dans une des familles les plus riches de l’Annam (Vietnam) à l’époque coloniale,

Nguyên Huu Thi Lan a fait ses études en France à l’âge de douze ans. Après avoir obtenu son baccalauréat, elle retourne au Vietnam et devient Impératrice, épouse de Bao Daï, le dernier roi de la monarchie vietnamienne. Elle porte le nom de règne Nam Phuong, c’est-à-dire « Parfum du Sud ».
Durant le règne de Bao Daï, Nam Phuong est aimée et respectée non seulement par les Vietnamiens mais aussi par les gouverneurs généraux et leurs épouses. Le gouverneur général indochinois Decoux dit que l’impératrice Nam Phuong est une femme très bien,élevée, disciplinée, une somme des deux cultures, des deux civilisations orientale et occidentale.
Sa vie, de son mariage avec Bao Daï jusqu’à sa mort, est traversée des moments les plus tragiques de l’histoire du Vietnam. Splendide, pleine de talents, vertueuse, cette dernière impératrice du Vietnam a connu elle-même un destin tragique. Ayant trop tôt fait confiance à un empereur infidèle, elle se sent toujours seule. Seule catholique à la Cour des Nguyen qui était bouddhiste dans sa majorité. Seule à Huê au moment où Bao Dai est conseiller suprême du gouvernement de la R.D.V à Hanoï pour élever ses enfants, s’occuper de sa belle-mère. Seule pendant les mois et les années de guerre après le départ de Bao Dai en Chine. Seule avec ses enfants en France après le retour de son époux au Vietnam pour reprendre le pouvoir. Ainsi, la solitude la poursuit jusqu’au dernier moment de sa vie.

Cette année marque le 100e anniversaire de sa naissance (1914-2014), ce roman
est publié en l’hommage de cette impératrice qui, durant plus de onze ans
(de mars 1934 à septembre 1945), a beaucoup apporté à la dynastie des Nguyên
et à la société de l’époque. Durant toute sa vie, elle n’a jamais émis aucune
réprobation, aucune plainte.

 
L'auteure:

Tran Thi Hao, née au Vietnam, docteur ès lettres de l’Université de la Sorbonne-Paris IV,
professeur de français et de littérature française de l’Université de Hanoï, est actuellement chercheuse en linguistique et littérature et professeur de littérature vietnamienne à Paris.
Auteur de plusieurs articles, reportages, nouvelles, romans, elle écrit à la fois en vietnamien et en français.

 

Préface de Joële Nguyên Duy Tân

PREFACE
Le destin des femmes est souvent tragique comme celui de l’héroïne d’un des romans les plus connus du Vietnam de Nguyên Du : Kiêu. C’est pour cette raison que l’auteure a souhaité mettre en exergue de son roman quelques vers du « KIM VÂN KIÊU » qui illustrent la vie tourmentée de l’impératrice Nam Phuong.
L’auteure a choisi un beau sujet qui s’inspire à la fois de la réalité de l’histoire de la dernière impératrice du Vietnam, mais avec son imagination de romancière, s’en éloigne parfois pour donner plus d’humanité à son personnage, en y ajoutant des éléments de fiction. Ce choix romanesque lui permet d’exprimer des sentiments que cette femme a pu éprouver, mais qu’elle a emportés dans sa tombe sans laisser aucune trace écrite.
Rien d’étonnant, l’impératrice Nam Phuong était, sans aucun doute, une femme trop discrète, mais aussi trop consciente de la dignité qu’il sied d’observer en toutes circonstances de la vie, lorsqu’on a eu à assumer le rôle qui fut le sien, pour montrer ce qu’elle éprouvait en tant que femme.
Pour beaucoup de Vietnamiens et pour les Français qui ont pu la connaître, seuls subsiste le souvenir d’une photo, celle qui la montre, majestueuse, revêtue des habits et de la coiffe traditionnels d’impératrice du Vietnam et de son portrait en buste qui figurait sur un timbre vietnamien.
Mais qui était vraiment cette femme ? Nul ne le saura jamais, mais l’auteure, grâce à sa sensibilité et parce qu’elle est, elle aussi une femme vietnamienne, une épouse, une mère, a pu avec une grande simplicité, la rendre « vivante », la faire revivre.
Dans sa démarche, l’auteure, à mon avis, a affronté plusieurs défis : éviter d’écrire une simple biographie ; montrer le rôle historique que Nam Phuong a joué auprès de l’empereur Bao Daï et qui, plus que lui-même, lui a donné une légitimité, une stature qu’il n’aurait pas eue, si elle n’avait pas été à ses côtés pour le conseiller, l’apaiser, le rassurer lorsque cela fut nécessaire ; pouvoir montrer à quel point cette impératrice, grâce à la culture occidentale qu’elle avait acquise , grâce à sa foi catholique, a tenté de faire évoluer vers plus de modernité les mœurs trop traditionnelles qui subsistaient à la Cour et dans la société vietnamienne, comme la polygamie ou la soumission à des rituels contraignants.
Sans doute était-elle trop moderne pour son époque. Pourtant elle n’était pas la seule à dénoncer les coutumes jugées trop archaïques par beaucoup de jeunes hommes ou femmes qui commençaient à se révolter contre celles-ci, comme ils se révolteront contre la colonisation française, mouvement qu’elle soutiendra lorsque son mari devint le Conseiller suprême de Hô Chi Minh après la déclaration d’indépendance du Vietnam.
Si ce combat fut long, épuisant, il fut beaucoup moins douloureux que celui que nous révèle et nous fait partager l’auteure. Nam Phuong fut très vite une femme blessée par les infidélités, les goûts pour les jeux de hasard et les plaisirs mondains de son mari qu’elle ne partageait pas.
A partir de ce moment, l’auteure a fait tomber les barrières qui séparaient l’impératrice de toutes les autres femmes confrontées aux vicissitudes de la vie, quelle que soit leur place dans la société, quel que soit le pays auquel elles appartiennent. Comme beaucoup de femmes, dans les pires moments de son existence, elle a su garder sa dignité, tenté en dépit de toutes les attaques de garder l’amour de son mari, pour ses enfants, dont sa principale préoccupation était de les protéger, de continuer à leur donner une bonne éducation.
Elle fut une femme aimante, une mère, consciente de ses devoirs vis à vis de sa famille comme du peuple vietnamien. Mais « elle fut toujours seule ».
S’il fallait retenir un passage dans ce livre, dressant un portrait émouvant de cette femme, pour montrer sa solitude, je retiendrai ce que l’auteure a écrit après avoir raconté les circonstances tragiques de sa mort, paragraphe qui résume la vie de Nam Phuong et qui me touche au plus profond de moi–même : « Seule catholique dans la Cour des Nguyên dont presque tous étaient bouddhistes … seule à Huê au moment où Bao Daï était le Conseiller suprême du gouvernement de la R.D.V à Hanoï, pour élever ses enfants …Ainsi, la solitude la suivit même jusqu’au dernier moment de sa vie … »
J’ai éprouvé, en lisant ce roman, de la compassion pour elle, car elle qui n’était pas bouddhiste, a néanmoins pratiqué l’amour inconditionnel.
J’exprime un seul regret et l’auteure de ce roman, peut-être, partagera-t-elle ce sentiment avec moi. J’ose penser que si elle avait compris les affinités spirituelles qui existent entre le Bouddhisme et le Catholicisme, l’opposition religieuse qui a dominé ses relations avec sa belle-mère, n’aurait peut-être pas été vécue aussi violemment. Mais dans le contexte politique de cette époque, cela était sans doute impossible à concevoir.
Comme l’auteure a commencé son roman sur l’impératrice Nam Phuong par les vers célèbres de Nguyên Du, je me permets de citer les derniers vers du roman de Kiêu :
« Chacun traîne avec lui son Karma
N’accusons pas le ciel de ses caprices
La racine du bien réside en notre cœur
Ce cœur qui vaut bien plus que le Talent ».
(Traduction de Nguyên Khac Viên , Editions en langues étrangères, Hanoï , 1974)
Joële Nguyên Duy Tân
le 26 juin 2012


J’achève ce récit, avec le sentiment d’une « inquiétante étrangeté » , Tran Thi Hao serait-elle, elle même en rupture ? D’une part Hao, est fascinée par l’image d’une impératrice splendide, catholique et francophile alliée à une cour à bout de souffle qui lui fait découvrir une France qu’elle ne pouvait pas imaginer  d’autre part.
C’est, en effet, le livre et la recherche sur le terrain d’une vietnamienne qui a pu accéder facilement aux textes concernant la famille royale comme aux souvenirs laissés par la descendance de Nam Phuong, qui les aborde fraichement et sans ambages. Tran Thi Hao pense en vietnamienne non sans clichés et stéréotypes qui en se confrontant à la réalité et à l’Histoire découvre une France insoupçonnée pour elle. Ce récit plutôt présente une impératrice de rêve et idéalisée en rupture avec sa société qui à la veille de sa mort est quasi recluse : L’ex-impératrice meurt, en 1961, à quarante neuf ans de la diphtérie, en France. Maladie dont la vaccination était obligatoire dans notre pays depuis 1938.
C’est un récit à trois : l’auteur, Nam Phuong et l’Impératrice.
Sa simplicité, sa beauté, sa tendresse et sa modestie, sa dignité : toutes les qualités requises pour accéder au panthéon des héros et saints vietnamiens !
On est face à un pays en révolution et un roi qui ne pouvait pas répondre aux espoirs, dont par ailleurs, on se demande ce qu’ils auraient pu être. André Viollis (dans son livre de voyage édité en 1935 Indochine S.O.S.) a rencontré, Bao Daï, en France avant son départ pour l’Indochine en 1931, elle s’interroge sur l’avenir du jeune roi en visitant quelques mois plus tard, la cour de Hué : (…) En sortant, je respire, délivrée de l’étouffante atmosphère de ce palais funèbre. Comment le petit empereur Bao Daï que je revois, sportif et gai, habitué à la liberté d’allures et de pensée des mœurs françaises, s’accommodera-t-il du protocole opprimant de cette cour désuète, régie par des vieillards, qui a tout le formalisme et les ennuis du pouvoir sans en avoir la réalité ? Pourra-t-il ouvrir les fenêtres ? (…)
Maintenant, nous savons où s’est lové le désespoir du trop jeune Bao Daï qui a reculé devant un sacrifice, à ses yeux, sans avenir. La confusion était à son comble. On oublie trop souvent que les titres de roi, reine, empereur ou impératrice ne sont que des fonctions ou symboles qui font fi de la personne humaine qui accepte ou pas de leur côté, d’endosser ce rôle. Il est vrai aussi, que certaines personnalités plus cérébrales favorisent l’acceptation à une image en adéquation avec un désir d’absolu quasi inébranlable dont Nam Phuong semble avoir été pourvue.
Sa simplicité, sa beauté, sa tendresse et sa modestie,
sa dignité, son intelligence et son savoir vivre…
à toutes les épreuves… est martelé, tout au long du récit, comme le refrain d’un chant tragique. Hao, nous renvoie une idée simple qui colle aux objectifs communistes. Veut-elle réconcilier son pays avec la royauté d’antan ? Réanimer des racines en sortant de l’oubli, une des figures féminines emblématique du XXe siècle vietnamien ? Image rejoignant l’idéal universel incarné par des figures telles, Grace Kelly, Jacky Kennedy, Lady Di ou même sœur Théresa. Thi Hao, par delà les problèmes inhérents à la traduction, de son livre édité et déjà réédité au Viet Nam, fait part de ses découvertes parisiennes ou françaises tout en semblant vouloir écrire l’hagiographie d’une souveraine déchue, qui la hante depuis son enfance, comme beaucoup de Sud vietnamiens.
Sa simplicité, sa beauté, sa tendresse et sa modestie,
sa dignité, intelligence et son savoir vivre…
Le Viet Nam était sous le choc de cultures qui affrontaient violemment un colonialisme à bout de souffle au nom des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce choc pour l’impératrice est surtout d’ordre religieux, ce qui l’a marginalisée dès son enfance.
Mais Nam Phuong rejoint le cœur de la révolution quand elle accepte de se sacrifier sans souci de son lendemain personnel. Ces qualités sont suffisamment rares pour ne pas forcément être comprises d’emblée par le plus grand nombre.
En définitive, le mérite de l’auteur de ce livre aura été de jeter un coup de projecteur sur la vie d’une femme oubliée par l’Histoire vietnamienne. Nous n’en n’aurons jamais assez d’étudier les rapports entre Orient et Occident, seuls gages d’une paix durable. DdM juin 2014

 

 

 

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