Trouver l'amour malgré les touristes dans les montagnes isolées du Vietnam

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Le Nord-Ouest | Culture

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 Sapa (Vietnam) (AFP) - Trouver l'âme soeur n'est jamais une sinécure, et encore moins dans un petit village isolé. Mais les habitants des montagnes vietnamiennes ont trouvé une solution: le marché des amoureux, tradition qui toutefois s'estompe face aux touristes et au monde moderne.

Depuis des générations, les jeunes des multiples minorités ethniques vivant dans le nord du pays passent leurs samedi soirs dans la ville de Sapa, dansant et jouant de la musique en quête de la perle rare.

"C'était tellement excitant. Je voulais voir si j'allais rencontrer des filles sympas", raconte Giang A Vang, musicien traditionnel de 50 ans.

Dès sa première visite à Sapa, il y a plus de trente ans, il remarque Vang Thi Xo. "Quand je l'ai vue pour la première fois, j'étais en train de jouer du violon. Je lui ai demandé si ça lui plaisait, si je lui plaisais. J'étais un peu nerveux".

Par chance, le coup de coeur est réciproque et les semaines suivantes, le couple se retrouve au marché en musique, lui au violon, elle tirant d'une feuille placée entre ses lèvres une mélodie haut perchée, caractéristique de la culture des Hmongs.

Trente ans plus tard, ils sont toujours mari et femme. "Je suis très chanceux de l'avoir rencontrée au marché, mais je pense qu'elle a eu de la chance aussi", lance Vang.

Mais ces dernières années, la pittoresque Sapa, connue pour ses rizières en terrasse, est devenue une destination très prisée des touristes vietnamiens et étrangers, malgré les longues heures de route pour s'y rendre.

Quelque 1,2 million de personnes ont ainsi visité en 2013 la province de Lao Cai, dont Sapa est la principale attraction, contre seulement 360.000 dix ans plus tôt, selon des chiffres officiels.

Et si le tourisme a permis un certain développement économique, il a également eu un impact négatif sur les coutumes locales, regrette Vang Thi Xo.

"Le marché des amoureux est très spécial pour moi parce qu'il m'a permis de trouver un bon mari comme lui", souligne-t-elle. Mais aujourd'hui "les gens font de la musique juste pour s'amuser, pour les touristes, pour avoir de l'argent, et nous perdons une partie de notre culture".

- Des sérénades aux téléphones portables -

Un peu moins critique, son mari note que les jeunes gens d'aujourd'hui, moins isolés, n'ont plus vraiment besoin du marché ou des mariages arrangés --autre tradition-- pour trouver chaussure à leur pied.

Mais le tourisme n'est pas le seul à blâmer pour des traditions qui se perdent, la technologie a aussi sa part de responsabilité, souligne Ly Thi My, 54 ans, qui a rencontré son mari au marché des amoureux.

"Avant, un garçon aurait sifflé devant la maison d'une fille et elle serait sortie pour faire de la musique avec une feuille pour montrer qu'elle était intéressée", raconte cette membre de la minorité Hmong. "Aujourd'hui, ils ont des téléphones portables !".

"C'est trop facile aujourd'hui. C'était un défi agréable de trouver l'amour avant", insiste-t-elle.

 

Pour Ly Thi Do, de l'ethnie des Hmongs noirs, le marché des amoureux est devenu une "farce". "Avant tous les touristes, quand j'étais jeune et que nous cultivions encore l'opium et cherchions de l'or dans les rivières, le marché était pour les locaux", se rappelle la quinquagénaire. "Maintenant, c'est un business (...). Tout le monde vient pour faire de l'argent et vendre des babioles".

Le tourisme n'est pourtant pas une nouveauté. Sapa était un déjà lieu de villégiature privilégié pendant la colonisation française.

"Le tourisme est là depuis 100 ans (...). C'est un peu irrespectueux de dire que le tourisme a changé la culture des minorités ethniques", estime ainsi Chris Carnovale, de l'université canadienne Capilano, qui aide les communautés locales à développer des séjours chez l'habitant.

Et "il y a toujours des marchés des amoureux hmongs", souligne-t-il. "Mais je ne vous dirai ni où ni quand".

Malgré tout, à Sapa, au milieu des appareils photo des touristes, des jeunes de la région tentent toujours de trouver l'amour.

Ha Ngasu est venu plusieurs fois en ville pour chercher une épouse. "Mes parents se sont rencontrés au marché des amoureux, alors je viens aussi", explique le paysan de 26 ans, assis à côté de son rendez-vous du jour, Giang Thi Si, 16 ans.

Les deux jeunes gens s'étaient vus dans leur village mais sans jamais se parler. "J'aime bien être ici avec lui", lâche Si. "Je ne sais pas si c'est de l'amour, mais je l'aime bien".

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