Avec Vinfast, le Vietnam veut devenir une puissance automobile à la vitesse de la lumière

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Avec Vinfast, le Vietnam veut devenir une puissance automobile à la vitesse de la lumière

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Les robots sur chaîne de montage dans une usine automobile Vinfast - Photo: bnews.vn

Fondé il y a seulement quatre ans, le constructeur automobile vietnamien, émanation d'un des plus grands conglomérats du pays, a construit une usine pharaonique en moins de deux ans. Le groupe a débauché des ingénieurs de tous les pays, et veut s'imposer rapidement comme un constructeur mondial. Non sans prendre d'importants risques...

Après trois ans de crise sanitaire, la baie d’Ha Long a retrouvé sa sérénité. Vide de ses 3 millions de visiteurs annuels, seuls les pêcheurs à bord venaient troubler les eaux calmes et sinueuses de cette véritable carte postale du Vietnam. Comme pour ancrer ses racines dans une pure tradition locale, le puissant groupe Vingroup a décidé de fêter ici l’implantation de sa nouvelle branche automobile.

Ambiance pop dans la baie d’Ha Long

Mais avec de gros renforts de fumigènes, un sound system, des cheerleaders et des danseurs pop, l’ambiance contraste avec la quiétude des îles de la baie d’Ha Long. Vingroup a sorti l’artillerie lourde pour faire le show devant un parterre de journalistes et de partenaires venus du monde entier. Car le groupe fondé en 1993 en Ukraine par Pham Nhat Vuong voit de belles choses pour sa nouvelle filiale automobile, qui est vraiment partie de rien… de très gros même ! Une toute nouvelle usine de 5 milliards de dollars près de la capitale Hanoï, une autre usine en Caroline du Nord (États-Unis) pour 2 milliards de dollars, puis une troisième usine a été annoncée en Allemagne. Vinfast, une marque automobile fondée il y a seulement quatre ans, met beaucoup de ressources sur la table pour s’imposer comme un constructeur automobile de classe mondiale. “Nous voulions profiter d’une opportunité”, explique la directrice générale de l’équipe, que tout le monde appelle Madame Thuy.

Le français en gestion

Mais ce n’est pas si simple, surtout pour une entreprise qui n’a pas les ressources en ingénierie. Pour mettre en place les usines, les processus industriels, la gestion des chaînes d’approvisionnement, le groupe est allé chercher des cadres un peu partout. Le directeur de Production, Sean Calbert, vient directement de General Motors, tout comme le responsable du design, David Lyon. Il y a pas mal de Français dans la direction de l’entreprise, parmi lesquels Frank Oberard, un ancien de Forsythian et responsable de l’ingénierie, Emanuel Brett, qui travaille dans les ventes et le marketing, qui a travaillé pour BMW, ou Javier Kaufman, le patron de l’après-vente. Et l’expérience client. Sans parler de la décision explicite de Michael Louhsler, coupé l’été dernier d’Opel, de devenir le nouveau patron de Vinfast… mais son mandat n’a pas duré cinq mois, officiellement pour des raisons personnelles.

Le groupe a également largement fait appel à des sous-traitants d’ingénierie pour la mise en place des procédés, notamment l’Autrichien Magna Steyr. D’autres sont également intervenus comme Siemens. Pour le design, le célèbre studio italien s’appelle Pininfarina. Enfin, l’usine de Hanoï a acheté pas moins de 1 200 robots à ABB, le constructeur de robots suédois très pointu.

Chèque vide ?

“Ils apprennent très vite et n’essaient pas d’imposer leurs propres codes culturels contrairement à d’autres pays en développement”, explique un responsable occidental libéré, qui n’ose pas évoquer la Chine. L’autre force de Vinfast est le chèque en blanc donné par sa maison mère. Actuellement, le compte totalise plus de sept milliards de dollars. L’ensemble du conglomérat est mobilisé pour financer ce projet. Parce que Vingroup est présent dans presque tous les secteurs de l’économie vietnamienne : hôtellerie, loisirs, immobilier, finance, électronique… Avec 45 000 salariés, c’est le premier groupe du pays.La création de Vinfast est motivée à la fois par des raisons économiques et par la poursuite d’un véritable politique industrielle nationale.

Même si son marché est étroit, le Vietnam importe toutes ses voitures neuves. En créant un champion national, Vingroup veut contribuer à réduire la balance commerciale du pays. Elle permet aussi de créer une bonne filière, créatrice d’emplois et de valeur ajoutée technologique en attirant des équipementiers, et pourquoi pas un jour, d’autres constructeurs. Et bien sûr, c’est aussi une flatterie envers un chauvinisme national particulier.

Capacités importantes

Mais pour être compétitif, Vinfast doit produire et vendre des volumes, il n’a donc d’autre choix que de se démarquer. Et la marque veut aller très vite. Le site de Hanoï a une capacité de production de 250 000 voitures par an, extensible à… 500 000 voitures. A titre de comparaison, la plus grande usine automobile européenne (visant un marché de 15 millions de voitures neuves, contre 400 000 au Vietnam) tourne autour de 480 000 voitures par an. Aux États-Unis, le site de Caroline du Nord a produit 150 000 voitures. On ne connaît toujours pas les capacités prévues en Europe. Mais les capacités de production de Vinfast sont déjà issues d’un constructeur milieu de gamme déjà installé, alors qu’il n’a vendu que 40 000 voitures l’an dernier. Au Vietnam, le risque de surcapacité est réel car le site ne produit des voitures 100% électriques qu’au second semestre. De plus, Vinfast sera le premier constructeur à y vendre des voitures électriques et sera donc responsable de l’évangile vietnamien pour cette technologie.

“Les cadres de Wingrup travaillent sous la contrainte”, tente d’expliquer une filiale européenne senior, “c’est-à-dire qu’ils se fixent des défis qui les obligent à se dépasser”. Ainsi, en un an ils ont installé pas moins de 40 000 bornes de recharge dans le pays, contre 54 000 installées en France depuis plus de cinq ans… La rapidité d’exécution de Vinfast est le gros atout de ce groupe.

Introduction en bourse à New York

C’est pourquoi Vinfast investit des ressources considérables à la hauteur de ses ambitions. Cependant, de nouvelles ressources devront être trouvées pour poursuivre le financement. Par ailleurs, le groupe vient d’annoncer un projet d’introduction en bourse de sa filiale automobile sur le marché new-yorkais. Il vise à lever 2 milliards de dollars d’argent frais. La presse financière évoque une valorisation de 60 milliards de dollars.

Mais Vinfast risque de subir la pression des marchés alors qu’elle risque de ne pas gagner d’argent avant quelques années. Même Tesla a mis une décennie à gagner ses premiers dollars.

D’autant plus que Vinfast construit des usines pharaoniques. Près de Hanoï, l’équipe vietnamienne a ouvert les portes de son site internet à la presse internationale, dont La Tribune, qui a su voir les dimensions démesurées du site situé sur plus de 150 hectares. Lorsque Carlos Tavares a fait du compactage des palettes de production l’une des composantes de la compétitivité de ses usines, Vinfast a investi dans des palettes immenses, sans compter ses volumes et hauteurs sous plafonds susceptibles de protéger de véritables structures, et donc particulièrement énergivores. Par ailleurs, le site assemble des batteries électriques, mais construit également des bus électriques et des scooters électriques (500 000 par an). Et pour illustrer la vitesse incroyable des Vietnamiens, ce site a été construit en seulement 21 mois sur ce qui était autrefois un œuf.

Risques de surcapacité

Le risque pour Vinfast est donc de se retrouver avec une capacité de production et des coûts excessifs. La marque mise sur la compétitivité de ses produits pour percer le marché. L’offre prévue comprendra cinq modèles qui couvriront tous les segments de marché (petits et grands SUV, berlines compactes ou citadines). Le cahier des charges vise à construire des véhicules haut de gamme (bien équipés et bien conçus), et un service après-vente innovant. Le tout avec une liste de prix compétitifs.

En Europe, le VF8 (SUV compact) se vend 43 350 euros, auxquels il faut ajouter la location de la batterie pour 120 euros par mois. Certes, l’autonomie est intéressante (420 km aux normes WLTP pour la version de base).Mais la question de la location de batterie, inventée par Renault Zoa (au début des années 2010, mais abandonnée depuis) ​​pour faire glisser le prix d’achat de la voiture, peut compliquer. les lectures Le prix du produit.

Mais chez les administrateurs occidentaux, on reconnaît l’agilité des Vietnamiens qui n’ont pas d’exemple et qui n’ont qu’une envie : réussir. Ils sont capables de réajuster leur plan stratégique et de s’adapter. Au Vietnam, le succès de Vinfast n’est pas seulement une question d’emplois, mais comprend également une dimension distincte de souveraineté et de fierté nationale. Certains n’hésitent pas à se venger de l’histoire d’un pays impliqué depuis des siècles dans des guerres sanglantes. Vengeance pacifique et électrique.

(Sources info: zelproducciones.com et vtc.vn avec La Tribune)

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