À Hanoi, l'urbanisation galopante menace l'horticulture

Vous êtes ici : Actualité » À Hanoi, l'urbanisation galopante menace l'horticulture

Société

À Hanoi, l'urbanisation galopante menace l'horticulture

À Hanoi, l'urbanisation galopante menace l'horticulture
Agrandir le texte
Réduire le texte
Imprimer
Envoyer à un ami

Les jardins horticoles réputés de Hanoi sont aujourd'hui menacés par le rythme effréné de l'urbanisation. Fidèles à leur métier traditionnel, certains horticulteurs continuent à cultiver les derniers jardins en ville.

Les horticulteurs du village de Ngoc Hà (Hanoi) et leurs belles fleurs étaient présents autrefois dans tous les marchés de la capitale. L'image des fleurs du village de Ngoc Hà figure d'ailleurs dans le patrimoine des chansons et poèmes sur Hanoi. On ne peut parler de la capitale s'en y associer les fleurs de Ngoc Hà.

Depuis 20 ans, ces belles images ont été reléguées au passé. Les jardins de violettes, de glaïeuls, de roses, de chrysanthèmes... disparaissaient peu à peu. Sur chaque jardin, ont poussé quatre ou cinq bâtiments peints en jaune, en bleu ou en vert... Au moment de l'urbanisation rapide, le prix du foncier voit rouge. Les villageois ont abandonné leur métier traditionnel et vendu leurs jardins par appât du gain. Les visiteurs qui font un détour par Ngoc Hà ne voient plus aujourd'hui que des enfilades de maisons contiguës et de ruelles étroites. Nombreux sont ceux qui regrettent la disparition de ce village horticole si célèbre encore il y a peu.

Au milieu de l'ancien village horticole, se dresse fièrement le dernier jardin de fleurs de la famille de Trân Nguyên Bô, relique d'un temps révolu. Elle a gardé son terrain pour la culture des fleurs durant ces dizaines d'années, depuis la dissolution de la coopérative horticole du village de Ngoc Hà en 1990. Avec ce terrain de 200 m2, on dirait que cette famille vit sur un tas d'or. Ce vieil horticulteur a quatre fils qui ont chacun besoin, une fois marié, du terrain et de l'argent pour construire leur propre maison. Mais tous les membres de la famille ne voient pas les choses sous le même angle, et sont bien décidés à garder ce jardin coûte que coûte, lui qui les a vus grandir.

Les derniers horticulteurs de Ngoc Hà, à l'instar de Trân Nguyên Bô, de sa femme Dào Thi Liên et de leurs deux fils, cultivent jour et nuit leurs jardins familiaux. Originaires de la province de Phu Tho (Nord), Dào Thi Liên a appris ce métier lorsqu'elle s'est mariée avec Trân Nguyên Bô il y a des dizaines d'années. Aujourd'hui, à 70 ans, elle veille toujours tard pour classer les bottes de jeunes plants de chrysanthèmes. Le lendemain matin, elle les apportera au marché de fleurs de Quang Ba, les vendra aux horticulteurs venus de différents villages horticoles à proximité de Hanoi.

Labeur des horticulteurs

Dans un coin du jardin de la famille de Trân Nguyên Bô s'entassent des grands sacs de jute, bien couverts. Ces sacs contiennent de terres alluviales séchées, broyées et criblées. Pour avoir ces sacs de terres alluviales, les père et fils de Trân Nguyên Bô ont dû payer un million de dôngs pour deux mètres cubes de terres qui ont été transportées jusqu'au jardin familial par camion, puis par charrettes. "Autrefois, le village avait de nombreux mares et étangs. Chaque fois que la coopérative des horticulteurs les vidaient, les villageois en retiraient le dépôt de sédiments qui était ensuite séché, broyé. Ces alluvions étaient destinées à fumer les terres avant la culture. Maintenant, il n'y a plus d'étangs pour retirer les alluvions...", raconte Trân Nguyên Bô.

Chaque année, l'horticulteur achète des bambous pour fendre et tailler les pieux destinés à faire les châssis protégeant les planches de chrysanthèmes contre les rayons du soleil et la pluie... Les racines de chrysanthèmes poussent vite, mais les plantes ne supportent pas les caprices du climat. S'il tonne, il pleut ou il vente, toute la famille se précipite dans le jardin pour couvrir les planches de jeunes plantes. L'horticulture n'est pas de tout repos. "Je suis horticulteur depuis presque toujours. Je sais qu'on ne peut pas faire fortune avec ce métier", dit Trân Nguyên Bô. Malgré tout, ce vieil horticulteur et sa famille restent fidèles au métier qui a fait le label du village de Ngoc Hà.
 
Les derniers horticulteurs du fameux basilic de Hanoi

L'urbanisation met aussi sous pression le village de Lang (Hanoi) qui craint pour l'avenir de son basilic de couleur pourpre, avec son parfum suave et sa saveur agréable et subtile. Cette espèce de basilic portant le nom du village accompagne à merveille plusieurs plats typiques de Hanoi tels banh cuôn (galette de farine de riz, molle, roulée avec une légère farce), bun ôc (pâtes aux ampullaires) ou bun cha (pâtes au porc grillé)...

"Dans quelques mois, on va construire une école maternelle sur ce terrain. Nous profitons de ce terrain encore libre en ce moment pour planter nos basilics", dit le maraîcher septuagénaire Nguyên Van Lôc, en arrachant des herbes sur un terrain de maraîchage entouré de hauts bâtiments. Lui et sa femme Dô Thi Tât sont les derniers horticulteurs de ce fameux basilic dans leur village. Après 60 ans d'attachement à ce métier, ce vieux maraîcher voit aujourd'hui les terrains de culture envahis chaque année par toujours plus d'immeubles. Les villageois abandonnent leur métier de maraîcher car il n'y a plus de terrain, le travail est pénible et peu rémunérateur (environ 50.000 dôngs par jour).

"Actuellement, la superficie destinée à la culture du basilic est très faible", fait savoir Nguyên Van Xuyên, vice-président de la Coopérative du commerce et des services de Lang Trung. "Les terrains de culture du basilic restants sont programmés pour la construction des bâtiments. On attend le jour d'expropriation", continue-t-il. Et d'ajouter : "Nous voulons garder le dernier parfum de notre fameux basilic pour le transmettre à nos jeunes générations. Mais cela ne sera pas facile, les investisseurs immobiliers ciblant toujours nos terrains".

Il y a trois conditions qui font le label du basilic de Lang : la terre, l'eau et l'assiduité des maraîchers. Toutefois, les deux premières conditions ne sont plus réunies. La terre est mélangée aux déchets de construction. Les étangs et mares, qui servaient pour arroser les légumes, ont été remblayés.

Les amoureux du patrimoine déploient tous leurs efforts pour garder l'odeur unique du basilic de Lang. Le Centre de recherche et de valorisation des patrimoines culturels (relevant à l'Association de patrimoines culturels du Vietnam) déploie le projet de l'école privée Nguyên Van Huyên, basée dans le village de Lang. On prévoit d'y aménager un terrain destiné à la culture des basilics où les vieux maraîchers comme Nguyên Van Lôc et sa femme Dô Thi Tât apprendront aux élèves la façon de cultiver, de soigner les légumes. Ainsi, les vieux villageois feront germer dans le cœur des jeunes l'amour et la fierté pour le patrimoine de la terre où ils vivent. La direction de l'école Nguyên Van Huyên n'a pas encore trouvé pas de terrain pour réaliser son projet de jardin. "Si nous ne trouvons aucun terrain, nous ferons d'une partie de notre cour de l'école le terrain de culture des basilics", affirme le Professeur Nguyên Van Huy, un des fondateurs de l'école.

Le Comité de gestion des patrimoines du quartier de Lang Thuong prévoit de demander au Comité populaire de Hanoi un terrain situé derrière l'ancienne pagode de Lang pour la culture du basilic. On espère de tout cœur que sa requête aboutira.

Xuân Lôc
(lecourrier.vnagency.com.vn, 30/10/2011) 
 

Nouveau Envoyer à un ami