Histoire de rue

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La rue Trân Hung Dao, à Hanoi.

Odonyme ! Non, ce n’est pas une maladie honteuse, ou une forme grammaticale compliquée. C’est un nom qui désigne une voie de communication, une rue plus particulièrement. Et si on partait à la découverte de quelques uns ?

Lors de mes premiers contacts avec le Vietnam, les noms de rues ont d’abord été une musique dont je devais attacher les sonorités aux lettres que je déchiffrais sur les plaques signalétiques. Au fil du temps, la musique est devenue ritournelle que j’ai appris à reproduire en étant attentif aux tons, sans qui la langue vietnamienne serait trop monotone pour exiger d’un étranger les efforts nécessaires à la mériter. Mais, une fois acquise la certitude qu’en poussant ma chansonnette, le chauffeur de taxi ou de «xe ôm» (mototaxi) me conduira bien dans la rue susnommée, je n’en étais pas, pour autant, complètement satisfait.
 
En effet, ne pas savoir en quel honneur telle ou telle rue porte ce nom me semble être un manque de courtoisie à l’égard du pays qui m’accueille. D’autant qu’il me fallait bien présenter à ma fille de 10 ans ces témoins d’un passé prestigieux et d’une Histoire millénaire. Je me suis donc fait rat de bibliothèque pour effectuer un plongeon dans l’odonymie et l’onomastique locale, afin de vous présenter quelques unes des rues les plus fréquentes que l’on peut croiser lors des flâneries dans les villes vietnamiennes !

Des rues héroïques…
 
Honneur aux dames ! Il y a les rues qui rendent hommage aux femmes héroïques qui ont su se lever contre les envahisseurs de l’époque. Les plus célèbres sont celles de Hai Bà Trung et Bà Triêu, au centre de Hanoi. Et si mes premières prononciations ressemblaient plus à un éternuement qu’à l’énonciation respectueuse que méritent ces noms, je m’en excuse humblement !
 
Les deux sœurs Trung («deux» se dit «hai» en vietnamien, et «Bà» ici est l’équivalent de «Dame», telle qu’on l’employait pour désigner les femmes de haut lignage à l’époque médiévale en Occident) ont été à la tête d’une insurrection dans la lutte pour l’indépendance du pays, autour de l’an 40 de notre ère. Elles sont le plus souvent représentées sur des éléphants de combats, à la tête de leur armée, et sont considérées comme les premières héroïnes du Vietnam.

Non loin dans le temps, et parfois dans l’espace, une autre femme a les honneurs d’une rue, Triêu Thi Trinh, plus familièrement désignée sous le nom de Bà Triêu. Elle aussi s’est élevée contre l’oppression, deux siècles après ses illustres ancêtres, mais l’histoire se répétant, elle aussi a été vaincue. Qu’importe, leurs noms ont traversé les siècles et ont servi de modèles à nombre de femmes depuis lors.
 
Dans les rues qui portent leurs noms, je les côtoie à Hanoi, quand je vais fureter dans les magasins de matériel électronique ou rechercher des pièces pour mon vélo. À Huê (Centre), je les sens proches de moi depuis le balcon de mon hôtel préféré ou lorsque je vais musarder dans le grand supermarché à l’entrée de la ville. À Hô Chi Minh-Ville, je les accompagne de la rivière Sài Gòn au canal Thi Nghè. Et dans bien d’autres villes encore, nul ne peut ignorer ces noms qui claquent comme des étendards.
 
… aux rues historiques
 

Autres héros, aux destins de rois. Ces longues avenues portent haut et fort les noms de ces généraux et empereurs qui ont apporté leur pierre à l’édification de ce pays. Ainsi, quand, au hasard d’une promenade au bord du lac Hoàn Kiêm, au cœur de Hanoi, le badaud pose ses pieds sur la place Lý Thái Tô, dont l’impressionnante statue semble l’accueillir pour lui offrir les clés de la ville, sait-il que cet empereur fût justement celui qui, en 1010, décida que Hanoi, ou plutôt Thang Long en ce temps-là, serait la capitale du Vietnam ? Pas étonnant qu’en reconnaissance, Hanoi lui ait offert une place, et une rue qui le fait passer devant un des plus bels hôtels du Vietnam et arriver devant l’Opéra.
 
Pour autant, les autres villes ne sont pas en reste ? Regardez Dà Nang (Centre), où il figure juste entre la rue Diên Biên Phu, victoire de l’indépendance du Vietnam d’aujourd’hui, et la rue Hùng Vuong, la lignée des rois légendaires fondateurs du pays !
 
Un autre empereur, parmi d’autres, a les honneurs d’un odonyme : Lê Loi. Il est à l’origine de la légende du Lac de la Tortue, ou Lac de l’Épée restituée, Hoàn Kiêm, pour les Vietnamiens. Pas un guide qui ne commence sa visite de Hanoi, en racontant l’histoire de l’empereur qui a libéré définitivement le Vietnam, après plus de 1.000 ans d’occupation étrangère. La légende dit que «Lê Loi, au début de sa lutte, aurait reçu d’un pêcheur une épée repêchée dans le lac. Dix ans plus tard, après avoir réussi à chasser les Chinois, et traversant ce même lac, il est abordé par la tortue d’or, qui lui réclame l’épée au nom du Roi-Dragon, ancêtre mythique du peuple Viêt. Lê Loi comprend alors que l’épée était un mandat du Ciel pour chasser les envahisseurs du pays».
 
Lui aussi, je le retrouve lors de mes pérégrinations à travers le pays. À Hôi An (province centrale de Quang Nam), traversant la vieille ville pour aller se reposer au bord de la rivière. À Nha Trang (province centrale de Khánh Hoà), croisant sur son chemin un autre grand homme des siècles suivants, Pasteur, pour venir admirer le bleu de la Mer Orientale depuis la plage de sable blanc.

Et puis encore, tous ces hommes qui ont marqué le Vietnam. Comme Trân Hung Dao, le fameux général qui a détruit la flotte mongole, en plantant des pieux épointés dans la rivière Bach Dang, sur lesquels se sont empalés les navires ennemis, sous l’action conjuguée du vent et de la marée. Ou Lý Thuong Kiêt, le grand général, auteur de la première Déclaration d’Indépendance du pays, qui  évita une nouvelle invasion au Vietnam en stoppant les armées ennemies.
 
À Hanoi, quand je descends la rue Bà Triêu et que je traverse à tour de rôle la rue Hai Bà Trung, la rue Lý Thuong Kiêt et la rue Trân Hung Dao, j’ai le sentiment de parcourir les siècles et d’entendre autour de moi les rumeurs des grandes batailles du passé.
 
Finalement, l’odonymie, une façon d’apprendre l’histoire d’un pays en sachant où l’on met les pieds !
 
Gérard BONNAFONT/CVN

(Source media: Le Courrier du Vietnam)
 

Commentaires

Merci !

 Merci pour ce fort bel article qui nous a en plus permis d'apprendre un nouveau mot !

Reste à nous entraîner à prononcer correctement le nom de ces héros...

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