La sonorité de la pierre

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La sonorité de la pierre

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(Le Courrier du Vietnam) - La pierre n'a pas de coeur, dit-on. Oui, mais elle peut émettre des sons qui sont parfois en harmonie avec l'âme humaine. Jadis, dans les régions montagneuses du Vietnam, les hommes préhistoriques ont su faire de la pierre un instrument de musique produisant des mélodies. Des découvertes l'ont montré.

Deux cors géants en pierre:

C'est une paire de cors colossaux, sorte d'instrument de musique à vent composé d'une embouchure et se terminant par un pavillon évasé. Mais, loin d'être en cuivre ou en laiton comme la tradition le veut, ces cors sont en... pierre. Leur découverte, en 1994, dans le district de Tuy An, province de Phu Yên (Centre), avait remué le milieu des archéologues. Datant de l'âge de pierre, ces objets chantants sont uniques dans leur genre au Vietnam.

En forme de crapaud, ces cors géants en pierre sont en attente d'être classés dans la liste nationale des antiquités les plus précieuses. Pour le moment, ils sont exposés au musée de la province de Phu Yên (Centre). Le personnel du musée les appelle "un couple de crapauds" dont la "femelle" est un peu plus grande que le "mâle". Leurs caractéristiques sont impressionnantes : poids : 75 kg pour le premier et 34,5 kg pour le second ; longueur de l'assise : 40 cm et 29 cm ; longueur du dos : 55 cm et 52 cm; hauteur : 35 cm pour tous les deux ; largeur de l'embouchure : 2,5 cm et 1,8 cm.

Au dire d'experts du Musée de l'histoire du Vietnam, ces deux cors fabriqués à partir de basalte doivent dater du 5e siècle av. J.-C. au 7e siècle apr. J.-C. Appartenant à la culture des Cham, une ethnie minoritaire vivant dans le Centre, ces instruments de musique antiques produisent des sons graves qui évoquent quelque chose de mystérieux. Mieux encore, ils sont susceptibles de s'accorder à la perfection avec des instruments modernes.

Avant que le "couple de crapauds" en pierre ne rejoigne en 1994 le Musée des antiquités de Phu Yên, ils étaient séparés : la femelle dans la pagode de Hô Thi, et le mâle dans celle de Thiên Son (ces deux pagodes sont distantes de 10 km). En effet, tous les deux ont été conservés auparavant dans la pagode de Hô Thi, avant que celle-ci ne subisse un incendie fatal, en 1964, affirme le bonze supérieur Thich Nguyên Lai, gérant de la pagode de Thiên Son, un des rares témoins de l'existence de ces objets singuliers à Hô Thi. Le bonze gérant de l'époque, Thich Tâm Thân (décédé en 1971 à l'âge de 98 ans) a décidé alors de transférer les "vieux crapauds" vers la pagode de Thiên Son. Néanmoins, le petit s'en est allé tout seul, et le grand a dû rester parce que trop pesant. Enfoui sous les cendres, le "crapaud femelle" n'a été détecté qu'en 1994 lorsqu'on a procédé à la reconstruction de la pagode de Hô Thi.

Un lithophone préhistorique à Khanh Son

Le vieux lithophone de Khanh Son, conservé dans le musé de la province de Khanh Hoà (Centre) attend actuellement d'être introduit dans la liste nationale des antiquités les plus précieuses. Il s'agit d'un instrument de musique traditionnel des ethnies minoritaires des hauts plateaux du Centre, comprenant généralement une douzaine de rochers plats. Chacun, frappé par une baguette (également en pierre), émet un son différent.

Avant d'être exposé dans le musée, le lithophone de Khanh Son a été gardé jalousement, durant 40 ans, par un paysan de l'ethnie Raglai, Bo Bo Ren, domicilié dans le village de Tô Hap, commune de Trung Hap, district de Khanh Son, province de Khanh Hoà. Selon ses dires, la trouvaille de ces rochers préhistoriques, voici 40 ans, lui a semblé un signe du destin. Ce jour-là, comme d'habitude, Bo Bo Ren (âgé de dix ans) accompagnait son père pour aller cueillir des ignames (tubercule comestible) dans la forêt profonde. Ils ont trouvé dans le sous-sol 12 rochers taillées et de formes semblables. Le tout était complété par deux baguettes également en pierre, en forme de concombre. "Quand j'ai frappé les baguettes sur ces rochers, des sons agréables à l'oreille ont retentit. Ce doit être une sorte d'instrument de musique très ancien, m'a dit mon père qui a décidé de les transporter à la maison", raconte Bo Bo Ren. Doué en musique, il a disposé ces rochers par ordre croissant de sonorités (comme un T'Rung). Pendant la guerre, il a dû cacher ses rochers dans le jardin de la famille, avant de les remettre au musée de la province, en 1979.

Selon des musicologues, le lithophone de Khanh Son a dû être fabriqué aux temps préhistoriques, entre 2.000 et 5.000 ans, à partir de la roche éruptive (rhyolite porphyre). À noter que ces rochers présentent chacun une ou deux traces lisses qui doivent être l'endroit ayant été frappés le plus. C'est en effet le point où le son s'avère le plus résonnant.

Un autre lithophone, plus vieux encore, a été retrouvé en février 1949 lors d'un chantier de construction routière dans les hauts plateaux du Centre, sur le tronçon passant par la commune de Krông Nô, district de Lak, province de Dak Lak. Ce lithophone, composé de 11 rochers, est actuellement exposé au Musée des êtres humains de Paris, en France. Selon l'ethnologue français, G. Condominas, il doit être vieux de 4.000 - 10.000 ans.

Nghia Dàn/CVN
(07/11/2010)

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