Des endroits comme ceux-ci sont encore communs à Hà Nội, mais pour combien de temps ? Photo VNA/VNS

Et nous sommes de retour, comme ça. Deux semaines se sont écoulées, et même si ma main reste en pause, mon esprit bourdonne encore d'idées et d'observations d'une autre quinzaine de jours à Hà Nội. L’immobilisation de la main d’un écrivain peut ressembler à un cauchemar, mais elle m’a permis de penser et de réfléchir plutôt que de plonger tête première dans mon discours désorganisé habituel.

Être momentanément éloigné du processus m'a permis de me concentrer davantage sur les récits que je poursuis régulièrement et sur ceux que je n'ai pas encore explorés. Cette période de réflexion involontaire menée ici, et facilitée par la technologie voix-texte, je suis encore capable de réfléchir à l'aube du prochain saut dans l'évolution technologique : IA [NDLR Intelligence artificielle]. Cela pose un dilemme éthique aux écrivains du monde entier : s’appuyer sur cette technologie dilue-t-il l’authenticité que nous devons à nous-mêmes et, surtout, à nos lecteurs ? Et quelle place ce débat occupe-t-il dans une chronique consacrée à l’expérience « expatrié » au Việt Nam ?

Ce n'est pas à moi de prêcher sur l'éthique du journalisme ou de l'urbanisme. Cependant, deux semaines sans écrire ont suscité une appréciation plus profonde de la muse qu’est Hà Nội. Cette ville est vraiment une source d’inspiration inépuisable. Là où d'autres pourraient lutter contre le blocage de l'écrivain, Hà Nội offre généreusement une surcharge sensorielle de perspectives potentielles à explorer, de ses rues animées au paysage culturel et réglementaire en constante évolution, nous avons la chance d'y vivre.

Hà Nội, dans son essence, témoigne de la résilience de la tradition face à une modernisation incessante. C'est une ville où les traditions anciennes ne sont pas simplement préservées ; ils sont célébrés. Au milieu de la ruée mondiale vers l'efficacité, Hà Nội chérit le savoir-faire des meubles faits à la main dans la rue Đê La Thành, le talent artistique des nouilles coupées à la main et les liens humains qui s'épanouissent au-delà de la portée impersonnelle des applications.

L'âme de la ville coule à travers ses rues anciennes, comme la traditionnelle bia hơi [NDLR littéralement bière à la pression] dans ses nombreux stands de bière. Ici, les provisions quotidiennes d'un restaurant proviennent d'un boucher à 6 heures du matin, qui à son tour a vu un agriculteur à 4 heures du matin, une chaîne d'approvisionnement peu intéressée à rogner sur les raccourcis par souci de commodité, choisissant plutôt de partager la générosité collective.

Alors que la ville s'oriente vers l'intégration technologique, on se demande si ces progrès renforceront son charme ou compromettront ses traditions. De mon point de vue légèrement égoïste et privilégié, je résiste au changement, mais c'est quand même un honneur d'assister à ce voyage remarquable, d'observer pendant que la ville contemple sa forme future au milieu de changements inévitables.

Tout comme ma main s'améliorera, l'infrastructure de Hà Nội devra le faire, et les intendants de la ville seront confrontés à des choix concernant la préservation de son patrimoine culturel et l'attrait de la modernisation. Alors que j'anticipe de revenir au plaisir tactile du doigt et du clavier, Hà Nội se trouve à la croisée des chemins, délibérant sur ce qu'elle souhaite poursuivre dans son prochain chapitre.

En fin de compte, moi en tant qu'écrivain et la ville que je chéris sommes unis dans notre quête d'authenticité lors de la transformation. À mesure que Hà Nội évolue, j’espère que cela me rappelle que le progrès ne doit pas nécessairement se faire au détriment des « imperfections » qui la rendent unique.

Alex Reeves

(Source info: vietnamnews.vn)