"Né au Vietnam pendant la guerre, j'ai retrouvé mon père biologique, un soldat américain"

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David Zapata, 48 ans, (à gauche) a retrouvé son père, Kelly Sr., Américain vivant dans l'Ohio. (D. Z.)

Après plusieurs années de recherche, David Zapata, 48 ans, a enfin rencontré son père biologique. Adopté à deux ans par une famille française, cet habitant de Saint-Raphaël (Var) a toujours grandi sans connaître ses origines. C’est à la suite d’une recherche minutieuse ponctuée de tests ADN et d’enquêtes généalogiques, qu’il a enfin retrouvé la trace de son père biologique, un Américain, ancien GI et vétéran de la guerre du Vietnam. Récit.

Sur mes papiers, il est inscrit que je suis né le 7 juillet 1968 à Saïgon au Vietnam. Pourtant, il y a deux ans, j’ai découvert que ma véritable date de naissance était le 3 juin 1968.

Voyez-vous, j’ai été adopté à deux ans par une famille française. À la fin des années 1970, mes parents, qui avaient déjà deux enfants, ont été touchés par l’horreur de la guerre du Vietnam et ont entamé les démarches administratives auprès de l’ONG Terre des hommes pour accueillir un orphelin.

Un jour, ils ont appris qu’un bébé était disponible à l’adoption, mais ce dernier est malheureusement décédé entre-temps. J’ai, dans une certaine mesure, pris sa place.

À l’époque, les adoptions n’étaient pas aussi encadrées qu’aujourd’hui. Il s’agissait surtout de sauver des vies dans un conflit armé qui tuait des millions de personnes. Au moment de faire les papiers, il y a eu des dysfonctionnements, et je me suis retrouvé avec le prénom du bébé décédé.

Je ne "venais pas du ventre" de ma mère

En 1970, je suis donc arrivé en France. Mes parents ont obtenu ma garde et ont fait une adoption plénière quand j’ai eu 18 ans. Un jour, ma mère m’a simplement dit que je ne "venais pas de son ventre."

Cette annonce s’est faite très naturellement sans que cela remette quoi que ce soit en cause. J’ai eu la chance inouïe d’être adopté par des parents merveilleux à qui je dois absolument tout. Je tiens à ce qu’ils sachent qu’en recherchant la trace de mes parents biologiques, je n’ai jamais envisagé de remettre en question l’amour qu’ils m’ont donné. J’ai eu une enfance heureuse et je les aime.

Ce n’est qu’à 23 ans, un an après la naissance de mon premier enfant, que j’ai commencé mes recherches. Au départ, je me suis focalisé sur ma mère biologique. Je crois que je voulais avant tout connaître mes origines, savoir de quel coin du monde je venais, pour pouvoir un jour lui dire.

Métis, je ne savais rien de mes racines.

Je connaissais les raisons de mon métissage

Puisque j’étais né au Vietnam, j’ai commencé à chercher de ce côté-là en me rapprochant d’une communauté d’Amérasiens en 1998. On se voyait une fois par an, on discutait, mais ça n’allait pas plus loin pour ma recherche. En les rencontrant, j’ai une nouvelle fois réalisé à quel point j’avais été chanceux de tomber sur une famille adoptive aimante.

Et puis, un jour de 2011, une personne de cette communauté m’a conseillé de faire un test génétique, le "Family tree DNA", qui me permettrai d’en savoir plus sur mes origines. J’ai déboursé une centaine d’euros et j’ai obtenu des résultats très concluants. Sur une carte du monde était indiqué deux pôles : le premier au Royaume-Uni, Écosse et Irlande ; le second, au Vietnam.

Enfin, je connaissais les raisons de mon métissage.

Il se trouve que je n’avais pas été le seul de ma famille à avoir réalisé ce test génétique. Il y avait une autre personne installée dans le Somerset-Domerset, au Royaume-Uni, avec qui j’avais des liens de parenté. Pendant plusieurs années, j’ai cherché à contacter un certain Jim Rideout sans jamais y parvenir. À ce jour, il reste un mystère non élucidé. Quand on entame une recherche généalogique, il faut s’attendre à souvent tomber dans des impasses.

J’ai cherché tant du côté maternel que paternel, mais le hasard a voulu que mes recherches me mènent vers mon père biologique.

Chercher une aiguille dans plusieurs bottes de foin

Pendant plusieurs années, j’ai effectué un travail de fourmi, cherchant une aiguille dans plusieurs bottes de foin.

En cinq ans, je suis devenu un passionné de "cyber-généalogie". J’ai envoyé des centaines d’e-mails et de messages Facebook, j’ai passé des coups de téléphone aux quatre coins du monde, mais aussi réalisé pas moins de cinq tests ADN différents. À chaque fois, je comparais mes résultats sur des banques de données accessibles sur internet.

Au fil du temps, j’ai retrouvé la trace de plusieurs centaines de cousins. Nous échangions afin que je puisse obtenir quelques informations et remonter petit à petit le fil de mes origines. J’ai eu beaucoup de déceptions, mais parfois se glissaient de bonnes nouvelles.

Bien que chronophage, ma quête me tenait en haleine. Je crois que si j’ai continué, c’est surtout parce que j’ai toujours gardé l’espoir de découvrir la vérité.

Ce travail titanesque m’aura finalement pris cinq ans.

Comment j’ai retrouvé mon père biologique

Et puis, en 2016, les choses se sont débloquées à grande vitesse. L’une de mes cousines, Eleanor, qui habite le Texas m’a donné les coordonnées d’une généalogiste que j’ai contacté. Grâce à elle, j’ai pu obtenir une dizaine de noms de personnes susceptibles d’être mon père. L’étau se resserrait.

J’ai contacté une cousine de l’un d’entre eux. Nous avons fait un test ADN qui était très concluant. Pour elle, il était fort probable que mon père soit son frère. Elle lui a dit qu’il était possible qu’il ait un fils caché. Sa réaction a été :

"C’est impossible."

Il n’en croyait pas ses oreilles, mais il a tout de même eu le réflexe de jeter un œil sur une photo de moi. Notre ressemblance est assez saisissante. Nous avons fait un ultime test. Les résultats ont été sans appel : j’étais son fils biologique.

Une aventure en temps de guerre

Le 7 mars 2017, j’ai rencontré mon père biologique pour la première fois. Je n’en attendais pas grand-chose, de peur d’être très déçu. En réalité, je ne savais absolument pas sur qui j’allais tomber. Seul notre ADN matchait.

En atterrissant à Colombus, dans l’Ohio, j’ai fait la connaissance de Kelly Sr., mon père biologique, mais aussi de mes deux demi-sœurs, Dreama et Dodie, et de mon demi-frère, Kelly Jr.. Tous ont été très accueillants, très ouverts.


Kelly Jr., David et Dreama en mars 2017. (D. Z.)

Très vite, Kelly m’a raconté son histoire. Né en 1947, il a été appelé pour la guerre du Vietnam alors qu’il n’avait que 19 ans. Magasinier cantine, il a fait la rencontre de ma mère à Cán Tho. Elle travaillait dans les champs, avait une peau claire et se prénommait Nanay ou Mynai. Ils se sont vus une dizaine de fois avant qu’il ne soit réaffecté ailleurs. Il n’a jamais su qu’elle était enceinte.  C’était une aventure en temps de guerre.

Depuis cette rencontre, nous continuons d’échanger par e-mails et par Skype environ une fois par semaine. Cet été, il est prévu que je refasse le voyage en compagnie d'une amie.

Je recherche toujours ma mère biologique

Aujourd’hui, j’ai enfin mis un nom et un visage sur mon géniteur, mais mes recherches ne s’arrêtent pas là. Mon prochain objectif est de retrouver la trace de ma mère.

En 2014, je me suis rendu au Vietnam. Au cours de ce voyage, j’ai eu l’occasion de retourner dans l’orphelinat de ma petite enfance pour consulter le registre. J’y ai trouvé quelques éléments – notamment l’identité de ma mère et le jour de ma naissance –, mais cela n’a pas abouti car il m’a été impossible d’accéder aux documents du consulat ou de la mairie.

Je ne désespère pas pour autant et je vais continuer mes recherches. En médiatisant mon aventure, j’espère que ma mère biologique aura vent de mon histoire. Et peut-être me reconnaîtra-t-elle ? Sait-on jamais ?

En revanche, il y a une chose dont je suis certain. Ce n’est pas parce que je retrouve la trace de mes parents biologiques que cela changera l’amour que je porte à mes parents, Suzanne et Michel.

Par David Zapata
Raphaëlois

(Source info: leplus.nouvelobs.com)

Commentaires

Felicitations pour ce patient

Felicitations pour ce patient travail de fourmi.

J'ai un parcours similaire, né en 1969, je crois que j'ai atteri dans un ophelinat vers Can Tho, en venant de Vin Thanh Van, dans la province de Kien Giang. J'ai fait parti d'un convoi arrivé a Orly en Janvier 1971.

C'est a la naissance de mes enfants que je me suis dit que je pourrai chercher a en a savoir plus sur cette periode d'ombre.

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