Préserver le multilatéralisme commercial : l'exemple de l'accord UE-Vietnam

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Préserver le multilatéralisme commercial : l'exemple de l'accord UE-Vietnam

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  Vu Huy Hoang (droite), ministre vietnamien du Commerce, et l'ambassadeur Franz Jessen, responsable de la délégation européenne, lors de la conférence de presse à Hanoï, le 4 août 2015, qui présentait les grandes lignes de l'accord de principe de libre-échange obtenu à l'issue de 2 ans et demi de négociations. (Photo : Reuters)
 
Plus qu'un simple accord commercial, l'accord entre l'UE et le Vietnam se caractérise par une approche économique globale. Mais le retard pris pour sa signature en raison d'une conjoncture internationale et politique ne doit pas le remettre en cause. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique.
 
Le Vietnam est devenu, en l'espace de quelques années, un pays émergent avec tous les traits d'une future grande puissance asiatique : une population de près de 100 millions d'habitants, un PIB multiplié par deux tous les huit ans, une croissance de 7% par an avec la trajectoire la plus élevée au monde d'ici à 2050, un classement PISA qui le range devant la France pour les sciences et l'un des plus forts taux d'ouverture commerciale au monde. Le Vietnam devrait être l'un des grands gagnants de la hausse des salaires en Chine et de la guerre commerciale entre Washington et Pékin avec des perspectives accrues de délocalisation industrielle, notamment dans l'industrie électronique, automobile et textile. Le Vietnam a réussi sa transition économique et représente aujourd'hui l'une des économies les plus dynamiques au monde.
 
Des négociations qui ont débuté en 2012
 
Dès 2012, l'Union européenne (UE) a engagé des négociations en vue de conclure un accord commercial de libre-échange avec le Vietnam pour accroitre les échanges entre la première puissance commerciale mondiale et une des économies les plus prometteuses. Premier accord de ce genre négocié par l'UE avec un pays émergent, le texte est publié en 2016.
 
Plus qu'un simple accord commercial, l'accord entre l'UE et le Vietnam se caractérise par une approche économique globale. Les droits de douane à l'importation doivent être supprimés progressivement dans un délai de 7 à 10 ans, mais plusieurs exemptions totales doivent couvrir de nombreux secteurs dès l'entrée en vigueur de l'accord. Au-delà des barrières tarifaires, l'accord englobe les obstacles non tarifaires au commerce, les investissements directs étrangers, la propriété intellectuelle ainsi que les questions liées aux normes sociales et environnementales.
 
Cet accord présente de nombreux avantages pour l'UE, que ce soit sur la réduction très substantielle des droits de douane, notamment pour le secteur des vins et spiritueux et l'automobile, la reconnaissance des indications géographiques protégées ou la mise en place de standards environnementaux élevés.
 
Une signature renvoyée après les élections européennes?

L'accord entre l'UE et le Vietnam aurait dû entrer en vigueur à la fin de l'année 2018. Or, la politique protectionniste de Donald Trump, la remise en cause de certains aspects du CETA (l'accord commercial UE - Canada) par des États membres de l'UE et la prudence des autorités européennes sur les nouveaux accords commerciaux, ont remis en cause la ratification rapide de ce texte. Il existe aujourd'hui un risque non négligeable que la ratification de l'accord entre l'UE et le Vietnam soit renvoyée après les élections européennes de mai 2019. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, laisserait ainsi son successeur décider du sort réservé à cet accord, ainsi qu'à ceux conclus avec le Mexique et Singapour qui présentent les mêmes garanties de protection pour les Européens en matière d'investissement, de propriété intellectuelle ou d'appellations d'origine contrôlée.
 
Une décision de report serait d'autant plus incompréhensible que la relation entre l'UE et l'Asie, au sens général du terme incluant la Chine et l'Asie du Sud-Est, devrait être au cœur de nos priorités économiques et commerciales tant les perspectives de croissance y sont élevées, à l'heure même où le retrait américain est engagé par l'administration Trump. Dans le cas du Vietnam, Hanoï cherche à contrebalancer les répercussions négatives de la guerre commerciale américaine.
 
Défiance à l'égard du libre-échange
 
Si la Commission ne réussissait pas à présenter l'accord devant le Parlement européen dans les prochaines semaines, cela marquerait une défiance à l'égard non seulement de nos partenaires, mais plus largement du libre-échange. La crédibilité commerciale européenne est désormais en jeu dans cette ratification, alors que des relations historiques intenses lient la France et le Vietnam. A l'heure où les deux pays viennent de commémorer le 45e anniversaire de l'établissement de leurs liens diplomatiques en 1973, la France aura un rôle majeur à jouer, dans les prochains mois, pour garantir la bonne mise en œuvre de l'accord économique conclu entre Bruxelles et Hanoï.
 
(Source info: www.latribune.fr)  Laurence Daziano
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