Route au grand cours

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Route au grand cours

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Beau temps et jours fériés constituent un cocktail d’invitations à prendre la route qu’il est difficile de refuser.

Aujourd’hui, je vous emmène dans une des nombreuses aventures motorisées qui m’ont permis de sillonner le Vietnam de long en large et, à vrai dire, vue la configuration du pays, plutôt en long qu’en large ! Et c’est au milieu de ce long pays que nous nous trouvons, aux frontières de l’Annam, à l’heure où les buffles s’éveillent dans une aube si belle que le ciel en rosit de bonheur. Il est 05h00, et si à plusieurs milliers de kilomètres, Paris s’éveille, ici, Tuân et moi sommes déjà en selle.

Soleil et émotions


Tels les parachutistes, nous avons respectivement contrôlé nos chargements. La fraîcheur de l’aube nous éveille tout à fait et nous filons gaillardement vers Dông Hoi, le chef-lieu de la province de Quang Bình, dans le Centre du Vietnam.


Mémoire d’histoire au long de la route.

Juste le temps d’admirer au passage une magnifique đình (maison communale) sur le bord de la route, avec des bas-reliefs ocres représentant des chevaux et des éléphants sellés, et nous arrivons au Sông Gianh (fleuve Gianh), près de la ville de Ba Dôn.

Sur l’autre rive, un panneau indique que nous sommes à quelques kilomètres du Parc national de Phong Nha - Ke Bàng, inscrit au patrimoine mondial par l’UNESCO. Hélas, nous n’avons pas le temps de nous détourner pour profiter de ses charmes et, tels des forçats de la route, nous continuons notre chemin.

La route longe la mer ; ça se sent, et ça se voit ! Outre les odeurs d’iode et de crevettes qui chatouillent mes narines, mon visage est piqueté par les grains d’un sable blanc poussé par le vent marin, et qui, après avoir abrasé mes joues, s’accumule en dunes immaculées de l’autre côté de la route. C’est dans ce paysage maritime et salin que nous parvenons à Dông Hoi.

Nous roulons depuis une heure et demie, et la faim matinale se fait sentir. Puisque Dông Hoi est, en partie, réputée pour ses plages, profitons-en ! C’est sans vergogne que nous garons nos motos entre une Mercedes et un 4x4, devant l’entrée d’un hôtel 5 étoiles sur la plage de Nhât Lê.

Laissant nos bagages et nos engins sous la surveillance du portier, nous atteignons la salle du petit déjeuner. Aujourd’hui, ce ne sera pas un pho bò (soupe au bœuf). Un buffet d’une trentaine de mets différents nous attend. Quel régal, pour les papilles et les yeux, que cette halte au bord de la plage !


Trésors du patrimoine au détour de la route...

Tuân passe un coup de fil : «Mon oncle doit arriver ce matin, il vient passer trois jours à l’hôtel avec son entreprise. Mais il est encore dans le train. C’est dommage qu’on ne pourra pas prendre notre petit déjeuner avec lui !». Quand je pense que certains dormaient dans un compartiment climatisé mollement bercé par le roulis du train, tandis que nous dévorions le bitume de la route nationale 1.

Après une petite promenade sur la plage déserte à cette heure-là, le temps de quelques photos sous les cocotiers, nous reprenons notre chemin. Une pensée, au passage de la porte de Quang Binh Quan, pour les victimes de toutes les destructions causées par les guerres, et nous revoilà sur la route nationale 1.

Toujours aussi prudents, nous devons cette fois éviter les nombreux troupeaux de bœufs qui longent, traversent ou font halte sur la route ! Entre bœufs, buffles, bassins à crevettes et camions hurlants, nous atteignons le Bên Hai (fleuve Bên Hai), dans la province voisine de Quang Tri. Ici, un mât, surmonté du drapeau national, symbolise l’ancienne ligne de démarcation suite aux Accords de Genève en 1954.

Nous nous arrêtons pour prendre des photos : du pont Hiên Luong qui franchit le fleuve, de l’émouvant monument commémoratif de la Réunification, et du musée qui accueille des visiteurs.

Chaleur et curiosité

Déjà, nos plaques d’immatriculation de Hanoi intriguent, mais les gens sont encore plus étonnés, quand à leur «Hello», je réponds par un joyeux «Xin chào (Bonjour) em» (anh, cô, bà, chi, ông ou cháu selon la personne), suivi par un «Có khoe không ?» (Comment allez-vous ?) qui les laisse pantois.

Souvent, au cours de ce voyage, je surprendrai agréablement les gens en leur disant qu’il ne faut pas me parler en anglais, mais en vietnamien ! Et je rajoute (toujours en vietnamien) : «J’habite et je vis au Vietnam, donc je parle vietnamien. Si j’étais en Angleterre, je parlerais anglais».


Repos en musique au bout de la route.

Il est vrai que c’est une coquetterie personnelle et peut-être un fond de résistance francophone : j’ai toujours refusé de parler anglais, ailleurs qu’en Angleterre ou aux États-Unis ! C’est donc en vietnamien que nous prenons congé des visiteurs du site de l’ancienne ligne de démarcation, et que nous poursuivons notre voyage vers Huê, dans la province de Thua Thiên-Huê.

Il fait de plus en plus chaud, une halte s’impose. Justement au sommet d’une côte, un quán nước (auberge) nous propose l’ombre d’un immense arbre et des boissons fraîches pour nous désaltérer. Comme d’habitude, một chai nước khoáng lạnh, không đá (une bouteille d’eau minérale fraîche, sans glaçons) pour moi, et un jus de melon có đá (avec glaçons) pour Tuân. Jamais d’alcool au volant, c’est notre devise !

Le jeune couple qui nous sert est curieux et nous pose beaucoup de questions. Questions qui reviennent souvent dans la bouche de ceux que nous rencontrons, et auxquelles, par jeu, je laisse souvent le soin à Tuân de répondre : «L’étranger, il est de quel pays ? Il vit au Vietnam depuis longtemps ? Il est marié ? Ah bon, il a une femme vietnamienne et il a un enfant !? Il a quel âge ? Oh, vous parlez vietnamien !!!». Sourires, quelques mots encore sur le temps, notre voyage, notre courage. Et nous sommes de nouveau en selle.

Il fait tellement chaud que devant le grand marché de Dông Hà, l’immense lampadaire trône, piteusement isolé, au centre du carrefour désert. Au milieu de la poussière, des motos pétaradantes, des camions tonitruants et des bus déments, nous laissons derrière nous Quang Tri et sa citadelle, et nous arrivons vers midi à Huê, la cité impériale !

D’abord, l’hôtel, la douche et le déjeuner. Ensuite, le corps reposé, nous pourrons aller à la rencontre de la ville. Enfin, pas vraiment nous ! Uniquement Tuân qui décide de visiter les tombeaux royaux en moto. Moi, qui suis son aîné de plusieurs années, je choisis de me reposer en prévision de notre sortie du soir.

En effet, nous retrouvons à Huê la fille d’amis français en voyage de noce au Vietnam, et ce soir, nous avons décidé d’inviter les tourtereaux à un repas… impérial.

D’abord, une petite promenade crépusculaire en moto dans Huê. Nos roues nous emmènent au bord de la rivière des Parfums pour une séance photos souvenirs des amoureux. Ensuite, le restaurant pour le repas impérial. En un tour de main, le jeune marié est transformé en empereur, la mariée en impératrice, Tuân en mandarin vêtu de rouge, et moi en mandarin bleu !

Le repas est… royal : sculptures de légumes et fruits, viandes et crevettes artistiquement disposés, musique du k’ni, đàn bâù et đàn nguyêt, chanteuses magnifiques. Ils savaient vivre ces empereurs !

Bon, ce n’est pas tout ça. Demain, on ira voir leur maison. Mais maintenant, il faut laisser nos habits impériaux redevenir des roturiers, et rejoindre nos chambres. Ce soir, mon lit me semble digne d’un empereur !
 
Texte et photos : Gérard BONNAFONT

(Source media: Le Courrier du Vietnam)

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