Vietnam. La nostalgie des migrants

Vous êtes ici : Actualité » Société » Vietnam. La nostalgie des migrants

Société

Vietnam. La nostalgie des migrants

Vietnam. La nostalgie des migrants
Agrandir le texte
Réduire le texte
Imprimer
Envoyer à un ami

Do Van Anh, un de ces migrants au fort accent typique des provinces du centre du pays, garde depuis des dizaines d’années une vieille palanche, un outil bien utile rapporté de sa ville natale.

Le delta du Mékong abrite une population venue du centre du pays, qui remonte aux premières années de la partition du pays. Elle s’est durablement enracinée, mais n’oublie pas ses origines.

Bien qu’ils habitent dans le delta du Mékong depuis des décennies, les pensées des migrants de l’intérieur sont toujours tournées vers leur province du centre du pays, à près de mille kilomètres de là.

Nguyen Dac Khanh, 78 ans, et Nguyen Trung Thanh, 50 ans, qui résident aujourd’hui dans le district de Tan Hong de la province [méridionale] de Dong Thap, sont tous deux originaires du centre du pays, et ont encore bien présent à l’esprit le souvenir de leur “exode” il y a plus de cinquante ans.

Les deux hommes font partie de ces milliers de personnes en provenance des provinces centrales de Quang Nam et Quang Ngai, installées aujourd’hui dans la ville de Sa Rai. “Tout le monde a cru mourir durant ce voyage, et ça a marqué mon père ! On ne pouvait même pas voir à l’extérieur du véhicule, comme les fenêtres étaient couvertes de tissu noir”, raconte Trung Thanh. Ce périple de fin 1958, qui devait changer la vie de Dac Khanh, est resté gravé dans la mémoire de celui-ci.

Mouvement de population pour raisons politiques

Sous l’ancien régime [le régime autoritaire sud-vietnamien (régime de Ngo Dinh Diem) entre 1955 et 1963], des milliers d’habitants des deux régions centrales furent déplacés dans le delta du Mékong dans le cadre d’un projet visant tant à créer de nouvelles zones économiques qu’à éloigner les révolutionnaires de leurs bases.

Né en 1907, le père de Dac Khanh, Dac Dai, était un militant révolutionnaire. En 1955, il est emmené dans le district de Ba To dans la province de Quang Ngai pour y être traité contre le paludisme. Trois ans plus tard, le régime ayant appris qu’il comptait partir en forêt pour reprendre ses activités révolutionnaires, il est interné par l’armée avec sa famille et des centaines d’autres dans un camp de concentration, puis acheminés dans le sud du pays à bord de quinze bus.

Aucun des 700 déplacés, le père et le grand-père paternel de Trung Thanh compris, ne connaissait le lieu de destination, ni ce qui les y attendait. Dac Khanh avait dix-huit ans à l’époque. Do Van Anh, un autre de ces migrants au fort accent typique des provinces du centre du pays, garde depuis des dizaines d’années une vieille palanche, un outil bien utile rapporté de sa ville natale.

Le flux migratoire en provenance des provinces centrales s’est poursuivi après 1975, quand le pays a été réunifié, pour former la communauté mixte actuelle, certains décidant de migrer pour d’étranges raisons.

Ainsi, Le Tan Tho, 56 ans, devenu orphelin très jeune et de ce fait obligé toute sa vie de travailler dur pour subvenir à ses besoins, explique avoir décidé de tenter l’aventure et de venir s’établir ici fin 1979 avec la famille d’un de ses amis, après avoir été impressionné par un film vietnamien célèbre montrant d’immenses rizières fertiles et des rivières pleines de poissons.

Il leur faut deux semaines pour se rendre dans le sud en train, en car, en charrette à bœufs, et pour finir à pied. Après avoir parcouru l’incroyable distance de mille kilomètres, ils atteignent enfin la “terre promise”, où ils doivent repartir de zéro.
 
Si les premières années après leur arrivée la plupart des migrants ont réussi à s’en sortir grâce à des conditions météo favorables, ils ont dû endurer quelques années plus tard la famine et des souffrances sans nom à cause des inondations et des insectes qui ont ravagé leurs récoltes”, se souvient Tan Tho.

Découragés, nombre d’entre eux décident alors de rentrer dans leur région natale, les mains vides. Ceux qui sont restés sur place parviennent aujourd’hui à gagner décemment leur vie, du moins suffisamment pour faire bénéficier leurs enfants d’une éducation correcte.

Tradition culinaire et architecturale

Truong Quang Hoa, 73 ans, explique comment ils ont appris auprès des habitants locaux les bonnes pratiques agricoles qui leur permettent maintenant d’avoir trois récoltes par an au lieu d’une.

Les nouveaux arrivants ont conservé leurs traditions culinaires et leurs pratiques culturelles. Dans la ville de Sa Rai, on trouve une trentaine de boutiques vendant du “Mi Quang” (un plat de nouilles façon Quang, servies dans un bouillon avec des crevettes et des morceaux de porc et de poulet).

Un des propriétaires de ces petites échoppes, Vo Van Chuong, 61 ans, explique qu’il a ouvert son restaurant pour répondre à la demande locale. Quant au nom de son petit resto, N°92, c’est également un clin d’œil nostalgique aux deux chiffres de la plaque d’immatriculation des véhicules du Quang Nam.

Nouvelle migration

Hai Nam, âgé de 64 ans, se souvient avoir foulé pour la première fois le sol du district de Tan Hong en 1959. Il est ensuite retourné dans sa province natale du Quang Nam pour se marier. Il est reparti finalement à Tan Hong en 1980 avec femme et enfants. “Je retourne au pays voir ma famille dès que je peux, et je ne cesse de répéter à mes enfants qu’ils ne doivent jamais oublier leurs racines”, tient-il à préciser.

Quatre de ses cinq enfants ont décroché de bons boulots après avoir fait des études universitaires. Il a été ravi de donner son blanc-seing à son fils aîné quand celui-ci a été embauché comme ingénieur pétrolier à la raffinerie de Dung Quat dans la province de Quang Ngai, à côté de sa province natale.

Selon Pham Van Hang, responsable du Comité populaire de Tan Hong, la communauté Quang a considérablement contribué au développement socio-économique du district. Les enfants de nombreux migrants ont fait de belles carrières dans des agences ou des sociétés de toute la région ou à Hô Chi Minh-Ville.

(Sources info: www.courrierinternational.com & Tuoitrenews)

Nouveau Envoyer à un ami