Vietnam: Maison individuelle : esprit, es-tu là ?

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Vietnam: Maison individuelle : esprit, es-tu là ?

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L’intérieur est aménagé selon le style occidental mais le coin réservé à l’autel des ancêtres n’a pas été oublié. Les 'cau doi' sont des sentences composées de deux  phrases contenant le même nombre de caractères. Elles sont souvent accrochées à l’autel des ancêtres.

Dans un article paru en décembre 2012 dans le magazine 'Architecture du Vietnam', l’architecte Nguyen Huu Thai souligne que, tout en ayant adopté des préceptes occidentaux dans la construction de leurs logements, les Vietnamiens y intègrent néanmoins des éléments traditionnels. Ou de l’immanence d'un «style 'viet'» dans l’habitat contemporain.

Les Vietnamiens adoptent-ils toujours un style d’habitation traditionnel, un mode vie typique propre au style vietnamien ? A l’aube d’une ère nouvelle, tout en apprenant et en appliquant des modes de construction et de vie occidentaux, les Vietnamiens cherchent en effet à retrouver la particularité de leurs habitations traditionnelles, quelque chose de plus conforme à leur art de vivre.

En fait, les habitudes de vie d’un peuple sont définies par ses activités courantes et ses rôles sociaux. En observant le logement des Vietnamiens dans les grandes villes ou à l’étranger, je différencie facilement le style 'viet' d’autres styles asiatiques.

Par exemple, nous avons l’habitude de disposer un autel dédié aux ancêtres dans un coin réservé aux cultes, de nous réunir fréquemment, de faire cohabiter sous un même toit différentes générations, de faire la cuisine chez soi, de nouer et préserver des liens stricts avec les parents, les amis ainsi que les voisins, etc.

A l’occasion du Nouvel An, je vous invite à découvrir les caractéristiques traditionnelles des anciennes et des nouvelles maisons des Vietnamiens.

Les villas d’antan...


Une maison d’un style typiquement vietnamien.

Une villa d’antan, appelée en vietnamien 'nhavuon' (maison avec jardin), est structurée en fonction de facteurs socio-psychologiques, de conditions géographiques et de goûts artistiques.

Son aménagement répond à des règles strictement transmises de génération en génération. En apparence invariables, ces règles sont en réalité très flexibles, aptes à  des changements en fonction des conditions de vie et de l’environnement.

Avant 1975, à Saigon, une jeune génération d’architectes avait eu la chance d’étudier les plans de maisons réalisées par la première promotion d’architectes indochinois, à savoir Nguyen Gia Duc, Vo Duc Dien, Nguyen Ba Lang, etc.

Bien que ces maisons aient été construites pour des citadins hanoïens souhaitant se sensibiliser au mode de vie occidental, l’esprit traditionnel viet y était toujours  présent.

Prenons l’exemple d’une villa dans la rue Hang Day, dessinée par l’architecte Nguyen Gia Duc en 1943. Derrière la haie de fleurs et le portail, au milieu de deux rangs d’aréquiers, un petit chemin mène vers une cour pavée de briques de Bat Trang*. La maison principale s’ouvre sur un jardin doté d’un petit lac empli de lotus, d’une  pelouse et d’un chemin couvert. Devant et derrière sont disséminés des arbres fruitiers, des plantes d’agrément et des fleurs. L’intérieur est aménagé selon le style  occidental avec une entrée et un grand salon, mais le coin réservé à l’autel des ancêtres n’a pas été oublié.

Nous arrivons maintenant à Hué, où se situait la dernière famille royale du Vietnam. Y ayant vécu plusieurs années, je connais bien ce qui fait une vraie 'nhavuon'.

Ici, plusieurs villas, magnifiques, reflètent un esprit humain et un sens artistique de haut niveau, dignes d’une ancienne capitale. Un beau jardin bien agencé cerne  une maison d’un style typiquement vietnamien, 'nharuong'**.

Sous un porche de briques, un portail composé de deux battants en bois ouvre sur une large allée bordée de deux séries de théiers bien entretenus. Un petit mur au bout  du chemin joue le rôle d’un paravent, évitant ainsi les vues directes vers l’intérieur. Le jardin est composé d’abricotiers, d’orchidées, de chrysanthèmes, de phyllostachys (qui, dans la culture vietnamienne, représentent les quatre saisons, ndt.), de pins (le pin est le symbole d’un homme honnête dans la littérature ancienne, ndt.), de roses... ce qui évoque la sérénité du propriétaire. Devant la maison se trouve une grande cour avec un bassin de lotus qui rafraîchit  l’environnement toute l’année.

Au centre de cet ensemble bien aménagé se trouve une maison de trois à cinq pièces alignées horizontalement et comptant, au bout, deux appentis. La structure est  entièrement composée de bois de jaquier ou de 'hopeapierrei' (arbre de grande dimension, dont le bois est très apprécié car il est résistant aux intempéries, aux  termites et aux tarets, ndt.). Subtilement sculptée, elle représente l’âme raffinée des anciens habitants de Hué.

A l’intérieur sont disposés un lit composé de planches, un dressoir à thé, un canapé et des manuscrits, des 'hoanh phi' et 'caudoi'*** sculptés ou gravés sur des  planches en bois.

Dans la maison moderne, les caractéristiques traditionnelles y sont encore

Les maisons citadines ont changé de style, ainsi que de techniques et de matériaux de construction. La vie n’y est plus la même qu’avant. Malgré tout, j’y trouve  encore des éléments rappelant le style de vie et les habitudes traditionnelles des Vietnamiens, qu’ils habitent dans les grandes villes du Vietnam ou à l’étranger.

Une maison moderne de style occidental nous offre certes beaucoup de confort dans la vie quotidienne. Néanmoins, elle ne parvient pas à nous offrir ni véritable chaleur ni vie communautaire. Dans une maison structurée aux normes occidentales, nous trouvons toutefois quelques recoins emprunts de l’esprit 'viet'. Un petit espace  réservé au culte (simple, sans décoration surchargée, pour témoigner de notre respect des ancêtres), un appentis réservé à la cuisine, un petit potager, une petite  salle karaoké, un grand salon bien décoré car il s’agit de l’espace de vie de toute la famille.

En ville, malgré des logements étroits, les citadins essayent d’avoir une véranda qui leur rappelle l’appentis de la maison traditionnelle. Ils aiment aussi les  espaces verts. Ne disposant pas d’un grand jardin comme celui des villas d’antan, ils se contentent de quelques plantes dans des pots sur le balcon d’un appartement ou  dans un coin de la petite cour de la maison. Plus pragmatiques que les Japonais, qui aiment soigner minutieusement des plantes d’agrément, les Vietnamiens préfèrent  les légumes, les herbes aromatiques, ces essences qui sont à la fois vertes et utiles.

Faisant le tour des maisons vietnamiennes d’hier et d’aujourd’hui, je comprends mieux la remarque d’un ami français, chercheur, l’architecte François Tainturier, sur  notre architecture contemporaine : «en réalité, ce qui fait la particularité et la durabilité de l’architecture du Vietnam n’est pas la matière mais l’ordre symbolique  composant les rituels et les coutumes. Habiter dans un endroit, vivre dans un espace quelconque nous demande toujours de suivre cet ordre qui est représenté par la  géomancie et le culte des ancêtres. Les architectes vietnamiens contemporains n’échappent pas à cet ordre, bien qu’ils soient plus libres dans le choix des techniques  et des styles architecturaux».

Nguyen Huu Thai | Architecture du Vietnam | Vietnam
01-12-2012
Adapté par : Mai Linh Nguyen Pham

* Bat Trang est un village dans la banlieue de Hanoï. Il est réputé pour la porcelaine qui en était exportée vers Europe aux XVIe et XVIIe siècles
** Maison dont tout le système structurel, dessiné selon des normes strictes, est en bois. Que la maison soit petite ou grande, chevilles et tenons sont aussi en bois,  ce qui facilite l’assemblage (ndt.)
*** Les cau doi sont des sentences composées de deux phrases contenant le même nombre de caractères. Elles sont souvent accrochées à l’autel des ancêtres. Elles sont  accompagnées par une troisième phrase, plus courte, accrochée au-dessus de l’autel, appelée 'hoanh phi' (ndt.).

(source info et texte: www.lecourrierdelarchitecte.com)

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