Vietnam. Témoignage : "J'ai rencontré le général Giap"

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Le général Giap en 2005, à Hanoï. (ALFRED/SIPA)

Claude Blanchemaison a été ambassadeur de France au Vietnam. Il relate ses souvenirs avec le vainqueur de Dien Bien Phu, décédé vendredi à 102 ans.

J’ai rencontré le général Giap pour la première fois au mois d’avril 1989 à Hanoî, à la Maison des Hôtes du Gouvernement, ancienne Résidence Supérieure du Tonkin.

Je venais de prendre mes fonctions d’Ambassadeur de France au Vietnam et je devais rendre des visites protocolaires aux principaux membres du Gouvernement.

Vo Nguyen Giap était à l’époque Vice-Premier ministre, mais n’était plus membre du Bureau Politique du Parti Communiste vietnamien. L’homme était de petite taille, l’œil vif, un vaste front surmonté d’une crinière blanche. Il était en uniforme, chemisette militaire vert olive.

Se rendant sans doute compte de mon appréhension, il a tout fait pour me mettre à l’aise. Tout sourire, il a fait la démonstration de sa maîtrise de la langue et de la  culture française classique, s’est moqué de l’application des lois de Vichy, et.. a rendu hommage au plan du Général Navarre. Il s’inquiéta du Bicentenaire de la Révolution Française.

Tant et si bien qu’il s’est invité au 14 juillet 1989. Dans l’après-midi, on m’annonce que, contrairement aux habitudes locales, un membre important du gouvernement  vietnamien assistera à la réception de notre Fête nationale et qu’il s’agit du Général Giap.

"Il me demande s'il peut emprunter des livres français"

A 18 heures précises, une vieille Volga noire, précédée de motocyclistes casqués de cuir comme les anciens tankistes soviétiques, fait son entrée dans l’Ambassade.

Le Général en sort, accompagné de son épouse, ce qui est inhabituel, comme le fait qu’il soit en civil. Délicate attention, dira-t-on. Je le reçois dans la villa que j’habite et il me retrace l’historique du lieu : monopole colonial des alcools, séjour du Maréchal de lattre de Tassigny, destruction accidentelle par une bombe américaine en 1972.

Tout en parlant, il retourne les livres français qui sont sur la table basse et me demande s’il peut les emprunter. Je les remets à l’officier d’ordonnance qui l’accompagne.

Puis, nous nous rendons sur la pelouse, où sont rassemblées quinze cent personnes, qui attendent le début de la cérémonie.

Il y a la petite communauté française, les Ambassadeurs en poste, les interlocuteurs vietnamiens habituels des différents services de l’Ambassade, mais aussi beaucoup de représentants de la société civile, des intellectuels, des professeurs, des écrivains, des poètes, des artistes, des peintres, des musiciens, tous n’étant pas nécessairement en odeur de sainteté auprès du Pouvoir.

"Il aime bien 'La Marseillaise'"

Nous avançons à travers la foule un peu surprise jusqu’à l’orchestre vietnamien, tout fier d’être là, qui avait répété La Marseillaise pendant une bonne partie de la journée. Nous nous retournons face au public et nous nous immobilisons pour écouter les deux hymnes nationaux.

Le général Giap me dit alors qu’il aime bien La Marseillaise parce que c’est un chant révolutionnaire. Et il accompagne la musique en murmurant le refrain. Je prononce ensuite mon premier discours de 14 juillet et je brode un peu longuement sur les thèmes de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité.

Giap applaudit comme tout le monde et me demande s’il peut dire quelques mots. Il se lance alors, dans un Français parfait, dans un appel aux entreprises françaises pour qu’elles viennent investir au Vietnam tant qu’il est encore temps, avant la ruée des concurrents. Et il termine son morceau de bravoure par ce néologisme étonnant : «Hâtez-vous vitement ! »

Il reviendra aux 14 juillet 1990 et 1991, tant qu’il sera membre du gouvernement. Il rencontrera les Présidents de la République française François Mitterrand en février 1993, puis, plus tard, Jacques Chirac lors de leurs visites d’Etat à Hanoî. Il recevra de nombreux visiteurs français qui demandaient à le voir, parfois par simple curiosité.

Mais il ne s’agit pas d’être naïf. Quel que soit son attachement à la culture française, il a aussi cherché à sortir le Vietnam de son isolement, alors que le bloc soviétique réduisait son aide avant de se dissoudre et que les Etats-Unis appliquaient un embargo sévère jusqu’en 1995.

Claude BLANCHEMAISON a été Ambassadeur de France au Vietnam pendant quatre ans de 1989 à 1993. Il publie prochainement aux éditions Michel de Maule : « La Marseillaise du Général Giap »

Pour plus d'infos:
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20131005.OBS9925/vietnam-temoignage...
 

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