Vietnam - "Un jour, le chapeau conique disparaîtra au Vietnam"

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Vietnam - "Un jour, le chapeau conique disparaîtra au Vietnam"

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Une femme de l'ethnie Kinh, ethnie majoritaire au Vietnam. Elle porte la tenue Ao Dai, habit traditionnel des étudiantes du pays. / © Réhahn Photography

Le photographe Réhahn s’est donné pour objectif de documenter les 54 ethnies du Vietnam. Depuis 5 ans, dans le cadre de ce projet intitulé Precious Heritage, il a pris des clichés de 42 d’entre elles et récupéré des dizaines de costumes traditionnels. GEO l'a interrogé sur son travail et sur la vie des habitants du pays.

Pourquoi avez-vous lancé le projet "Precious Heritage" ?

Depuis 5 ans que je vis au Vietnam, j’ai toujours voulu documenter le mode de vie des gens de ce pays. À force de vadrouiller dans les montagnes, j’ai commencé à rencontrer des ethnies. Il en existe 54, mais la plupart sont quasiment inconnues et leurs coutumes disparaissent à très grande vitesse. Dans certaines d'entre elles, seules quelques vieilles personnes parlent encore le dialecte et les costumes sont remplacés par des jeans et des casquettes. J'ai donc décidé de prendre des photographies de ces personnes avec leurs habits traditionnels, d'enregistrer leurs musiques et de collecter leurs objets typiques. J'ai réalisé le premier cliché du projet en 2011. Il s'agissait d'une femme de l'ethnie Hmong, rencontrée alors que je cherchais à prendre des images de rizières dans la province de Lào Cai [nord du Vietnam].


Première photographie réalisée dans le cadre du projet "Precious Heritage" © Réhahn Photography

Est-ce difficile de photographier les ethnies du Vietnam ?

Le plus compliqué, c'est de les trouver ! Parfois, il n'existe aucune information précise sur leur localisation. C'est le cas pour les O Du, la plus petite ethnie du Vietnam. Ils sont à peine 350 personnes à vivre dans un unique village dont j’ai mis plus de deux jours à déterminer la position. Parfois, j'ai dû abandonner. Malgré plusieurs jours passés à sillonner la montagne en moto et à pied à la recherche des Co Lao bleus, je n'ai pas réussi à trouver leurs habitations, perchées sur des sommets très difficiles à atteindre. En revanche, je n’ai jamais eu de mal à convaincre les Vietnamiens de se laisser prendre en photo. Ils sont très fiers de montrer leurs costumes. Et les femmes... Ce sont de vrais mannequins professionnels ! Elles ne s’impatientaient jamais, même quand je prenais beaucoup de clichés.

Que représente le costume pour ces ethnies ?

Seules dix ethnies - à l'image des Thai dans le nord du Vietnam - portent encore les vêtements traditionnels au quotidien. Pour les autres, c’est un peu comme le "costume du dimanche" pour nous ! La plupart ne le mettent que pour les festivals ou les mariages. Un costume est très complexe à fabriquer et demande de six mois à un an de travail. Certaines ethnies ne savent plus les faire et les abandonnent. Parfois, même l'enfiler est compliqué. Chez les Pa Then, il faut une vingtaine de minutes et l'assistance d'une personne rien que pour fixer le chapeau...


Le costume des Pa Then - près de 7 000 personnes dans le nord du Vietnam - est l'un des plus complexes du pays © Réhahn Photography

Ces ethnies ont aussi des coutumes assez inattendues...

Oui. Les membres de l’ethnie M'Nong, par exemple, considèrent les éléphants comme des membres de la famille. Ils ont interdiction de les tuer ou de les faire souffrir, et ils les enterrent dans un cimetière. C’est la seule ethnie du Vietnam capable de les dompter et de les approcher sans crainte. Autre exemple : chez les Dao (ça se dit "zao"), la légende veut qu'une femme ait un jour empoisonné sa belle-mère à l'aide de l'un de ses cheveux. Depuis, pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise, toutes les femmes de cette ethnie se rasent les sourcils et le haut du crâne.


Une petite fille de l'ethnie M'Nong © Réhahn Photography

Mais le port du costume et les traditions ancestrales ont tendance à disparaître aujourd'hui...

La présence d'Internet et de la télévision jusque dans des coins très reculés du Vietnam apportent la culture occidentale aux membres de ces ethnies, qui s'y convertissent petit à petit. Ils abandonnent leurs costumes au profit de produits bon marché vendus dans les marchés aux abords des villes. Ces vêtements sont de mauvaise qualité, mais contrairement aux habits traditionnels, ils sont peu chers - il est possible de se vêtir de la tête au pied pour 2-3 dollars -, plus agréable à porter pour travailler dans les rizières et plus simple à laver. À terme, il est fort possible que le chapeau conique disparaisse complètement. Mais il existe aussi des lieux où la tradition connaît un nouveau souffle, notamment grâce au développement d'un tourisme raisonné. Près de la ville de Hoi An, une maison dédiée à la fabrication de costumes a été ouverte, et plus d’une centaine de femmes des villages alentours y travaillent.


Une femme Sapa prépare de la teinture indigo © Réhahn Photography

Quels sont vos futurs projets ?

Après la Foire internationale de Caen du 16 au 26 septembre, l’exposition, augmentée de 20 costumes, sera montrée en 2017 à Kanagawa au Japon. J’ai également prévu d’ouvrir un musée au Vietnam et d’écrire un livre sur les 54 ethnies avec des interviews, des documents et, bien sûr, des photographies.

(Source info: www.geo.fr)

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