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Philippe Papin et Laurent Passicousset, Vivre avec les Vietnamiens – CR de lecture par Lauriane Simony

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« Ainsi le Vietnam véritable demeure-t-il largement invisible – comme la face cachée de la lune – et par conséquent inconnu de nous » (Préface, p. 16)

Vivre avec les Vietnamiens est le fruit d’un effort conjoint entre Philippe Papin, chercheur spécialisé sur le Vietnam classique, l’épigraphie et la paléographie, et Laurent Passicousset, journaliste et correspondant au Vietnam entre 1992 et 2001. La spécificité de cet ouvrage tient à sa forme : il est composé de quatorze chapitres portant sur des thèmes très divers en lien avec la société vietnamienne contemporaine, tels que la santé, l’éducation, l’influence du Parti unique ou encore les premières tentatives de dissidence de la population vietnamienne. Vivre avec les Vietnamiens est ainsi le résultat d’études de terrain et s’appuie presque exclusivement sur des sources de première main, à savoir des témoignages recueillis auprès de la population locale, des chiffres et statistiques établis par les deux auteurs et des études de cas. L’ouvrage est d’ailleurs basé sur un schéma bien précis : une idée générale est toujours illustrée par quelques exemples fondés sur des témoignages d’individus.

L’objectif premier des deux auteurs en établissant ce panorama de la société vietnamienne au XXIème siècle est de rompre avec les clichés que les Occidentaux peuvent entretenir sur le Vietnam : comme l’explicite la préface, ils se refusent à la fois à toute fascination pour « l’exotisme » du pays et à toute condamnation trop rapide et mal informée du Parti Communiste Vietnamien (PCV). Philippe Papin et Laurent Passicousset entendent donner au lecteur un aperçu du Vietnam réel, ou du moins du Vietnam dont ils ont eux-mêmes fait l’expérience en y séjournant de nombreuses années. D’où la métaphore du spectacle et des coulisses (18) : les auteurs affirment qu’ils ne s’attacheront pas à montrer ce qui se trouve en surface, mais plutôt à dévoiler l’envers du décor et les dynamiques moins évidentes qui se sont mises en place au Vietnam durant ces deux dernières décennies. L’introduction s’ouvre sur une série d’images « clichés » – les images qui nous viennent lorsque l’on pense au Vietnam (napalm, rizières, chapeaux coniques, ao dai) – et se clôt sur un petit lexique ironique du Vietnam établi par les deux auteurs, dans la tradition du Dictionnaire des Idées Reçues de Flaubert.

Fortement imprégnés des deux cultures (vietnamienne et française), les auteurs tentent d’adopter une perspective vietnamienne sur les questions qu’ils traitent et de mettre à distance leur héritage occidental. A travers ce livre, il s’agit en quelque sorte, pour eux, de bouleverser notre manière de penser, certains détails qu’ils exploitent entrant très clairement en contradiction avec notre système de pensée et de morale « à l’occidentale ». C’est le cas par exemple du paragraphe sur les « pots-de-vin légaux » (79), deux termes qui nous paraissent tout bonnement inconciliables !

PapinPassicousset_VivreAvecVietnamiens

Les deux auteurs se concentrent sur les bouleversements sociaux, politiques et économiques de ces deux dernières décennies, en lien avec ce que l’on a considéré comme l’ouverture du Vietnam à la modernité.

Cet ouvrage correspond cependant à une vision fragmentée du Vietnam : la progression se fait par chapitres très divers, pas nécessairement connectés les uns aux autres. Cette fragmentation formelle semble refléter le Vietnam contemporain qui se construit en filigrane à travers les 14 chapitres du livre : Philippe Papin et Laurent Passicousset prennent position contre toute vision uniforme du Vietnam.

Au contraire, ils rappellent que le Vietnam est constitué d’une multiplicité d’expériences individuelles et différentes : « L’uniformité des mises et des idées, troublante il y a vingt ans, a laissé place à une diversité d’aspects et d’opinions qui se constate tous les jours » (18). C’est pourquoi ils n’ont de cesse de souligner que les paroles de chaque individu cité dans l’ouvrage ne peuvent être généralisées pour devenir représentatives du Vietnam dans son ensemble : « Tout est question d’individus » (27). Dès l’introduction, ils soulignent l’existence (certes encore peu visible) de certaines attitudes de dissidence – et c’est ce qu’ils illustrent, à travers l’examen de situations personnelles bien précises. Le dernier chapitre est d’ailleurs entièrement consacré à la naissance de la dissidence au Vietnam, notamment par le biais d’internet : « si on ne lisait pas ces blogs, comment entendrait-on les voix individuelles et parfois discordantes du Vietnam ? » (347). L’intérêt de l’ouvrage tient ainsi au choix des thématiques, toutes plus contemporaines les unes que les autres – exception faite du chapitre 4 qui offre au lecteur une perspective historique en examinant les héritages du Communisme et le tournant de 1975.

On peut à première vue s’étonner de la forme que prend l’ouvrage. Le premier chapitre s’ouvre sur le récit d’une anecdote personnelle et évoque ainsi un roman à la première personne : « Nous sommes dans une ville moyenne de la région centrale du Vietnam […] » (21). Il s’agirait presque ici de provocation : le début de l’ouvrage se centre sur un endroit peu connu du Vietnam, loin des centres dynamiques que sont Hô-Chi-Minh-Ville et Hanoi. Ce choix d’un lieu secondaire à dominance rurale comme toile de fond au récit de leurs premières aventures permet aux auteurs de rappeler que le Vietnam est riche avant tout de sa civilisation rurale, et beaucoup moins de sa culture urbaine : ils affirment que c’est à la campagne que se trouvent les richesses culturelles du Vietnam. Papin et Passicousset ont privilégié une base scientifique à leurs recherches à travers, comme je l’ai déjà suggéré, des études de cas et des données chiffrées. Par exemple, au chapitre 3, qui concerne le système éducatif vietnamien, les deux auteurs développent plusieurs études de cas pour illustrer leur propos : ils examinent successivement les cas du collège et lycée privé Nguyên Khuyên (64) et de la maternelle International Stars (68) à Hô-Chi-Minh-Ville pour dégager les caractéristiques de l’enseignement privé dans le pays. En outre, des chiffres très précis sont donnés, comme l’évolution du coût des frais d’inscription entre 2009 et 2015 ou encore la part de l’éducation dans le budget global de l’Etat (75). Leur démarche est également fondée sur la confrontation entre différents points de vue : sur le thème de l’éducation, les deux auteurs attachent ainsi autant d’importance aux expériences des parents d’élèves qu’à celles des professeurs (80).

Malgré l’aspect décousu des chapitres, un fil conducteur traverse l’ouvrage de part en part : il s’agit du Parti Communiste Vietnamien qui possède une emprise énorme sur tous les aspects de la vie des citoyens vietnamiens. Mis à part le chapitre 7 (« Hiên, un cas ordinaire d’adhésion au Parti ») qui porte précisément sur le PCV, le Parti Unique est évoqué de manière plus insidieuse à travers par exemple les affiches de propagande omniprésentes au premier chapitre. C’est ainsi que l’on se rend compte que les auteurs, en dépit de l’objectivité affirmée de leurs informations, prennent position dans cet ouvrage – ne serait-ce qu’en sélectionnant les témoignages qu’ils ont choisi d’inclure ici. Ils l’affirment d’ailleurs à demi-mot en se présentant comme investis d’une mission : une amie à eux leur demande, alors qu’ils hésitent à formuler des critiques contre le régime vietnamien, « Si ce n’est pas vous qui le dites, ce sera qui ? » (20). Mais les critiques restent la plupart du temps discrètes, comme au second chapitre où l’incompétence de l’Etat ne transparaît qu’en étant confrontée aux crises climatiques ayant touché le Vietnam ou au chapitre 6 intitulé « La main graisseuse des fonctionnaires » où l’ironie est le mode dominant. Enfin, par moment, les critiques sont sans appel, comme en ce qui concerne l’éducation – sujet très certainement cher aux deux auteurs : ils ne prennent pas de pincettes pour évoquer un système fondé sur un « empilement de connaissances » (70) et une « pédagogie abrutissante du ‘par cœur’, de la répétition et de la discipline » (72).

Si la richesse de cet ouvrage tient à la diversité des sujets traités et du style des auteurs qui en fait un véritable objet littéraire, on ne peut passer outre un problème majeur, à savoir le choix des auteurs de respecter l’anonymat des sources citées. Certes, dans le contexte d’un régime politique surveillant de près les paroles de ses citoyens, on comprend bien la nécessité pour les auteurs de protéger ceux qui ont accepté de témoigner pour l’ouvrage. Mais on regrette que d’autres sources plus « solides » ne soient pas mises à profit et surtout mentionnées, telles que des archives ou des études scientifiques menées par des chercheurs vietnamiens ou européens. Les différents lieux où les deux auteurs se rendent ne sont pas toujours clairs également, ce qui rend la lecture quelque peu frustrante : dans le premier chapitre par exemple, le nom de la ville où ils se trouvent est tu. Cette ville-mystère, ou « ville comme les autres » (23) devient un prétexte pour en faire la représentation de toutes les villes moyennes du pays, où des expériences similaires peuvent être vécues – tout ceci semble contraire à la démarche que Philippe Papin et Laurent Passicousset viennent d’exposer en introduction, à savoir le refus de la généralisation.

J’avoue avoir été un peu surprise au départ par le côté très éclectique des thèmes abordés dans les différents chapitres : on passe de la menace des typhons au système éducatif du pays et de la question immobilière à la religion sans vraiment comprendre le lien entre ces sujets. Mais rétrospectivement, on se rend compte qu’un panel très large de thématiques a finalement été couvert grâce à cette démarche privilégiant l’aléatoire : comme je l’ai déjà évoqué, ceci pourrait marquer la volonté des auteurs de rendre compte formellement d’une diversité d’expériences individuelles et de la fragmentation contemporaine du Vietnam liée aux bouleversements socio-économiques du pays. On constate finalement que c’est peut-être moins les vies des Vietnamiens d’aujourd’hui que les auteurs cherchent à illustrer dans cet ouvrage que leur propre expérience aux côtés des Vietnamiens. Le point de vue qu’ils adoptent est très personnel et parfois même touchant : « Voilà l’un des Vietnam que nous aimons : vif, drôle, touchant, hospitalier et un peu décalé » (33). S’ils semblent parfois se complaire dans la description de leurs aventures – on pense notamment au ton héroïque qu’ils adoptent au deuxième chapitre, pour évoquer un danger omniprésent : « Jusqu’au soir du départ, des amies attentionnées ont tenté de nous dissuader d’entreprendre le voyage » (45) – ils font preuve de beaucoup d’humour et d’autodérision afin de donner une tonalité légère à un ouvrage traitant de sujets graves, comme lorsqu’ils évoquent les jeux de mots permis par le fonctionnement de la langue vietnamienne et employés pour se moquer discrètement du régime (chapitre 13). Ils constatent d’ailleurs eux-mêmes, dans leur petit lexique final, l’ambigüité de leur propos : « VIETNAM : Ceux qui en parlent le plus nous apprennent peu sur le pays, mais beaucoup sur eux-mêmes. Il n’est pas dit que les auteurs de cet ouvrage aient échappé à ce travers ». (372)

* * *

Ainsi, Vivre avec les Vietnamiens témoigne de l’affection que portent Philippe Papin et Laurent Passicousset pour un pays où ils ont vécu durant de nombreuses années et qu’ils ont sillonné en long, en large, et en travers. En offrant un panorama des problématiques contemporaines qui se posent lorsque l’on aborde le Vietnam, les deux auteurs rendent compte des bouleversements qu’a connu le pays ces deux dernières décennies du fait notamment de son ouverture économique, tout en cherchant à renverser le regard du lecteur sur un pays trop souvent mal connu et que l’on réduit à quelques idées reçues. Et les deux auteurs de conclure : « C’est cet exotisme que nous avons voulu dissiper tout au long de cet ouvrage, tâchant de conjuguer au pluriel le Vietnam, ses habitants, ses régions, ses manières de voir, nous efforçant aussi de ne pas sombrer dans le catalogue des vices et des vertus nationales. Nos amis du Vietnam ne sont pas comme ceci ou comme cela, immobiles, en bloc, invariables. Ils sont comme tout le monde, divers, mélangés, changeants et, par-dessus tout, irréductibles à ces petites phrases toutes faites que l’on entend trop souvent, y compris dans leurs bouches parfois, et qui les diminuent » (370). La diversité des expériences individuelles évoquées rappelle que le Vietnam est pluriel et ne peut être réduit à l’image simplifiée que nous en avons – pari tenu pour Vivre avec les Vietnamiens.

 Lauriane Simony, juillet 2015.

  • Réf. Papin, Philippe & Passicousset, Laurent, Vivre avec les Vietnamiens, Paris, L’Archipel, coll. Des hommes et des pays, 2010, 372 p.

Lauriane Simony est actuellement élève de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon en double cursus Etudes Anglophones et ASIOC (Asie orientale contemporaine). Ses dernières recherches ont concerné les relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et la Birmanie après la décolonisation. L’année prochaine, ses recherches porteront sur l’occupation japonaise en Birmanie durant la Seconde Guerre mondiale.

http://indomemoires.hypotheses.org/19241

 

 

 

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