Guerre du Vietnam: le combat d'une victime française de l'Agent orange

Tran To Nga, elle-même victime de la dioxine, se bat pour la reconnaissance des conséquences médicales pour les victimes de la dioxine au Vietnam.
La justice française va s'intéresser à l'Agent orange. Ce puissant herbicide que l'armée américaine a utilisé par dizaines de millions de litres durant la guerre du Vietnam (1961-1975) pour détruire la végétation des régions où se cachait l'ennemi  communiste, est au coeur d'une procédure engagée au début du mois de mai par une victime française d'origine vietnamienne, Tran To Nga.  
 

Selon les informations de L'Express, qui lui consacre un portrait dans son édition à paraître mercredi, cette ex-journaliste de 72 ans et son avocat, Me William Bourdon, assignent devant le tribunal de grande instance d'Evry (Essonne) plusieurs multinationales accusées d'avoir autrefois fabriqué ce défoliant à forte teneur en dioxine. Tran To Nga assure que les graves problèmes de santé de ses trois filles (l'une d'elles est décédée à l'âge de dix-sept mois) sont dus à sa propre contamination, dans les années 1960. Au Vietnam, les victimes se comptent par centaines de milliers, qu'il s'agisse de personnes directement exposées ou de leurs descendants. Aujourd'hui encore, certaines maladies se transmettent de génération en génération et les sols, en certains endroits du pays, restent contaminés. 
Les géants de la chimie Monsanto et Dow Chemical visés
Alors que les Vietnamiens n'ont jamais obtenu gain de cause devant la justice américaine, cette procédure est la première engagée en France. Elle vise notamment Monsanto et Dow Chemical deux géants du secteur chimique. Ces groupes ont toujours contesté les liens entre l'herbicide et les pathologies développées (cancers, leucémies, diabète, maladies de peau, troubles neurologiques...) et donnent leur point de vue dans divers communiqués accessibles sur leurs sites internet. 
Dans le texte de leur assignation Tran To Nga et Me Bourdon précisent qu'aux Etats-Unis, les organismes chargés du soutien aux anciens combattants ont établi un lien entre l'Agent orange - ainsi surnommé en référence à la couleur des bidons - et les maladies dont souffrent 560 000 "vétérans". Ces derniers bénéficient d'indemnités, négociées aux terme de procédures judiciaires longues et complexes. 
L'avocat parisien et sa cliente assurent qu'au plus fort de la guerre, les sociétés concernées étaient si pressées de fournir l'armée américaine qu'elles avaient accéléré les cadences de production et négligé les règles de sécurité. D'après eux, le produit ainsi obtenu présentait un taux de dioxine anormalement élevé, dû au processus de fabrication. Toujours d'après Tran To Nga et Me Bourdon, les sociétés avaient pleinement conscience de la dangerosité pour l'homme de tels produits chimiques.  
Pour prouver qu'elle a bien été contaminée et souligner l'ampleur du problème au Vietnam, l'ancienne journaliste fournit les attestations d'une douzaine de témoins. L'un d'eux, une femme entendue à Ho Chi Minh ville en mars 2012, raconte : "J'ai croisé Tran To Nga, journaliste chargée de suivre les combats. Elle et moi, nous avons vécu ensemble sous les bombes et l'arrosage de produits chimiques toxiques. Nous avons à l'occasion traversé des endroits semés de fûts d'agent orange. Nos yeux piquaient et coulaient abondamment, nous étions secouées par des toux prolongées. Mais sur le moment on n'imaginait pas qu'il y aurait des conséquences." 
 
Une expertise médicale complète exigée
Un autre témoin, également entendu sur place, se souvient : "Lors de la saison sèche 1966-67, j'ai rencontré Mme Tran To Nga, journaliste de l'agence d'information Giai Phong, envoyée au Nam Bô oriental pour y suivre le déroulement des combats. Durant son séjour dans la région, l'aviation y a effectué des opérations d'épandage de "défoliants". A chacune de ces opérations, Mme Nga comme les autres, bien que cachée dans les abris souterrains, a été suffoquée par le brouillard des produits et a eu du mal à respirer." 
Plusieurs personnes citées en appui de l'assignation évoquent les effets de ces "pluies chimiques", la manière dont les arbres "perdaient leur feuillage" et les "herbes se desséchaient".  
Tran To Nga réclame une expertise médicale complète, et le versement d'indemnités par les sociétés mises en cause. "C'est une démarche réfléchie, longuement préparée, indique Me Bourdon. En tant que citoyenne française, ma cliente est recevable à poursuivre ces sociétés qui ont toujours su organiser leur irresponsabilité juridique dans ce drame éternel? Elle peut obtenir réparation à titre individuel et ouvrir ainsi la voie à d'autres démarches, à l'étranger cette fois, pour les civils vietnamiens." 

lexpress.fr  Par , publié le 03/06/2014

Commentaires

Agent orange...

Bonjour Madame Tran To Nga,

Je ne peux que saluer votre courage et votre perseverance. Certaines choses du passe meritent d'etre enfin revelees pour que le Vietnam puisse aller de l'avant.

Les quelques 80 millions de litres de cet agent orange continuent a faire des ravages 40 ans apres leur deversement. Les Etats-Unis ne reconnaissent toujours pas leur responsabilite. En effet, le gouvernement americain est prudent par rapport a une reconnaissance de ces ravages qui pourraient etre assimiles a des crimes de guerre. Les decisions des tribunaux americains le montrent d'ailleurs. Un exemple, en 2005, la justice americaine a rejete la plainte d'une association vietnamienne contre les fabricants de l'agent orange estimant que ce produit n'etaient pas un poison.

Un espoir tout de meme, la Coree du Sud a condamne en 2013 les fabricants de ce produit. Preuve que le dossier avance.

Je vous souhaite bon courage dans votre combat.

Paul Quang

 

Ma devise : Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette.
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