Tranche de vie: Tout petit, quand je posais des questions que les grands jugeaient indiscrètes, ou quand je me mêlais de ce qui ne me regardait pas, on me disait que la curiosité est un vilain défaut. On voit bien que ceux-là ne connaissaient pas le Vietnam !

Marque d'attention…

Ici, il ne s'agit pas tant d'indiscrétion que d'intérêt pour autrui. Et d'ailleurs, il existe plusieurs niveaux de curiosité.

Tout d'abord, la curiosité indispensable pour établir du lien social et savoir comment s'adresser à un interlocuteur. En effet, dans les langues occidentales courantes, si je veux de l'eau, il me suffit de dire à mon voisin de table "Peux-tu me passer l'eau" s'il s'agit de quelqu'un d'intime, ou "Pouvez-vous me passer l'eau ?" s'il s'agit de quelqu'un que je connais peu ou pour lequel je dois montrer de la déférence. En général, l'eau me parvient assez rapidement ! En vietnamien, pas si simple pour obtenir de l'eau ! En effet, on n'utilise pas le même terme pour se désigner et désigner l'autre, selon que l'on s'adresse à une femme ou à un homme, à plus jeune ou à plus vieux que soi, à quelqu'un de proche ou à une connaissance éloignée. Entre ông, bà, bac, chu, anh, chi, em, chau , il s'agit de ne pas se tromper. Un monsieur d'un certain âge, qui se désignerait par em (petite sœur ou petit frère) et désignerait une interlocutrice plus jeune par chi (grande sœur) ou bà (grand-mère), se verrait tout de suite affligé d'un jugement peu flatteur sur sa santé mentale !

Pour éviter de faire des impairs, il est donc absolument indispensable, en cas de doute, de connaître précisément l'âge de son interlocuteur avant d'entamer une conversation. D'où cette question qui vient en premier quand on fait connaissance de quelqu'un : "Bao nhiêu tuôi ?" (Quel âge ?). Ce qui pourrait être une indiscrétion dans d'autres cultures est simplement ici la base d'une politesse et d'un respect mutuel. Et s'il y a des petits malins qui s'imaginent échapper à ce questionnement, en me signalant qu'il suffit de dire "Puis-je avoir de l'eau ?" pour ne pas avoir à désigner son interlocuteur, ils se trompent. Car, en fonction de l'âge du passeur d'eau par rapport au mien, le "je" peut être : em, anh, ông, cháu, bác,…

Ça y est, vous avez compris ? De toute façon, il faudra vous y faire, impossible d'éviter cette première divulgation de votre état-civil, si vous voulez rester civil avec votre voisinage. Mais, hormis ce premier niveau de curiosité, il en existe un second encore plus surprenant : l'intérêt que le Vietnamien porte à tout événement nouveau ou insolite. Jugez-en plutôt !

Marque d'étonnement…

Lors de mon installation au Vietnam, j'avais décidé, pour m'immerger dans la langue et la culture, de vivre pendant plusieurs mois dans un petit village, à une vingtaine de kilomètres de Hanoi, au bord du fleuve Rouge. Jamais un étranger n'avait mis les pieds dans ce village, et à plus forte raison n'y avait séjourné. En outre, je louais la maison qu'un enfant du pays, ayant fait fortune à Hanoi, avait fait construire selon les plans d'un architecte français. Un petit palais dans un écrin de verdure ! Entourée de hauts murs, cette maison n'était presque jamais habitée, ce qui contribuait à lui donner une aura de mystère. Alors pensez donc, comme un étranger, au long nez, logé dans une demeure de la Belle au bois dormant pouvait éveiller l'intérêt du voisinage ! Tout le monde voulait savoir : savoir comment ça vit un étranger, comment ça mange, comment ça dort, comment ça fait ceci et cela…, savoir comment c'était cette maison avec une piscine dans la salle à manger, un grand bassin pleins de grosses carpes dans le salon et une baignoire à remous dans la salle de bain…

Et pour savoir, le meilleur moyen, c'est de venir voir ! Voilà pourquoi, alors que naïvement je croyais qu'une porte suffisait à protéger mon intimité, sans être obligé de fermer l'huis à double tour, il m'est arrivé, dans les 15 premiers jours de mon séjour, de vivre quelques scènes pour le moins cocasses telles que : être en train de dîner et voir rentrer une dizaine de personnes qui venaient voir comment c'était ici, ou bien, sortir en tenue d'Adam de ma salle de bain et trouver 2 honorables bà installées dans mon salon pour tester le moelleux du sofa, ou encore, entendre du bruit au rez-de-chaussée et descendre en catastrophe pour découvrir 3 aimables jeunes femmes commentant l'installation de ma cuisine ! Et ne croyez pas qu'un seul de ces intrus ait été quelque peu gêné. Au contraire, ma présence semblait leur donner prétexte à pousser plus avant la visite de lieux, avec forces sourires au demeurant ! Heureusement, j'ai pris l'habitude de fermer à clé la porte du jardin, ce qui m'a probablement évité de devenir un lieu de visite plus fréquenté que le Musée ethnographique de Hanoi ! En moi-même, je me disais que mon arrivée avait été l'occasion de rompre la monotonie de la vie de ce petit village, donnant ainsi l'occasion de pimenter son existence, et que cela pouvait rendre compréhensible cet appétit de savoir ! Si seulement !

Marque de reconnaissance…

Après la campagne, j'ai choisi la ville pour m'y installer en famille. Quartier calme au fond d'une petite ruelle isolée du tumulte de la vie trépidante des grands axes.

Inutile de vous dire que si j'avais voulu m'installer incognito, c'était loupé. En l'espace d'une semaine, ma femme, alors jeune mariée, a eu droit, de la part de tous les voisins du quartier, à toutes les questions possibles sur notre vie privée. Y compris les plus indiscrètes qu'elle me rapportait fidèlement en rosissant légèrement ! Je lui ai toujours laissé le soin des réponses, sans chercher à savoir lesquelles elle donnait. Tout ce que je sais, c'est qu'elle nous a fait réussir notre examen d'admission dans la petite communauté de notre quartier, du moins si j'en juge les mines réjouies et les félicitations que j'ai reçu lors de sa grossesse et de la naissance de notre fille !

Mais la curiosité bon enfant du Vietnamien ne s'arrête pas là. En effet, je me souviens d'un soir d'été où j'avais invité mon complice de toujours, Tuân, et 2 ou 3 autres amis. Nous étions en train de deviser gaiement dans le salon du premier étage, quand brusquement 2 adultes et un enfant apparaissent dans l'escalier qui monte du rez-de-chaussée. Avec un grand sourire, ils nous saluent, en se présentant comme amis de la propriétaire et s'apprêtent à continuer leur ascension jusque dans nos chambres, sans que cela ne paraisse déranger outre mesure les autres personnes qui étaient là. Le seul à manifester surprise et réprobation de cette violation de domicile, c'est l'étranger que je suis ! Je me tourne vers Tuân, qui me fait une simple remarque : "Tu as laissé la porte de la cour et de la maison grande ouverte…". Que voulez-vous répondre à cela !

Aujourd'hui, dans l'attente d'une maison en cours de construction, et la précédente étant mise en vente, j'ai provisoirement trouvé un abri pour ma famille dans le vieux quartier de Hanoi, vers le pont Long Biên. Petite rue charmante, pas de voitures, quelques petits commerces. Cette fois-ci, pas de cour, ma maison donne directement dans la rue. Je devrais plutôt dire que la rue donne directement dans ma maison ! En effet, le jour de mon emménagement j'avais à peine fait livrer les premiers meubles que mes voisins de devant, de derrière, de droite, de gauche, étaient déjà chez moi pour m'aider à installer ceci, pousser cela, décoincer cette porte, resserrer cette vanne. Tout juste si ma femme a pu vider seule les valises sous les commentaires des uns et des autres à propos de la qualité de mes pantalons et du tissu de mes chemises !!!

C'est aussi cela le Vietnam ! Un pays où la vie sociale est faite de rapports humains de proximité, et où l'intégration dans la communauté passe par l'acceptation d'être un objet d'intérêt, pour peu que l'on paraisse différent ! Pas toujours facile pour quelqu'un qui vient d'un pays où la règle est surtout de ne jamais s'occuper des affaires des autres. Sauf que le prix à payer c'est l'indifférence, alors qu'ici ce que d'aucun appellent curiosité est plutôt une sollicitude qui ne fait jamais défaut lorsque l'on est confronté à des difficultés.

À tout prendre, qu'est ce qui est préférable ?

Gérard BONNAFONT/CVN

Commentaires

A tout prendre ce que je préfère?

Bonjour; ce que je préfère c'est la curiosité du Vietnam qui est trés saine et aussi beaucoup de gentillesse,d'admiration c'est une sorte d'accueil avec le COEUR j'apprécie beaucoup!... merci Mr Bonnafont et bravo à eux tous Félixdada

Ma devise : risque tout et vois ce que le sort amène et Garde les hommes et les femmes de coeur

Pas d'hésitation...

Le qualificatif de "curiosité" a rapidement fait place à l'origine des sentiments qui ont déclenché cette curiosité au cours de mes nombreux séjours à Hanoi -les Vietnamiens ont de l'intérêt pour la personne,(pas forcément avouable à la base ...) envie de connaitre ce qu'est notre vie "ailleurs", rêve peut-être d'une autre vie... mais j'ai tôt fait de leur expliquer en quelques phrases bien senties, qu'il vaut mieux vivre à Hanoi qu'à ..... là où je vis, silencieusement, sans contact, sans question, sans intérêt pour qui que ce soit, dans un calme qui s'apparente à la fin de quelque chose. - Oui, sans nul doute, il faut vite s'habituer à avoir une vie qui appartient un peu trop aux autres que de vivre une vie totalement à soi, dans ce calme qui est bien à nous, dont le son est affreux à entendre....

Ma devise : un ami, c'est une route, un ennemi, c'est un mur - proverbe chinois

Ton commentaire sur les habitudes culturelles

J'aime beaucoup la manière dont tu fais état de ton étonnement.Pour ma part,je trouve cet intérêt pour la personne formidable. en europe, personne ne s'intéresse à personne! N'est ce pas plus joyeux de vivre les rencontres de cette manière?
Moi qui ai vécu en Polynésie, je prends ça pour un accueil véritable...

tout à fait d'accord.

il est vrai je suis bien de ton avis Danaure sur cet intéret de la personne formidable pour ma part je suis depuis 4 ans gardienne d'immeuble et mais locataires sont des amis mes collègues sont étonnés quand je rend des services gratuit mais le plaisir que j'ai à le faire vaut tous l'or du monde (et l'or monte à la bourse parait il) et oui c'est joyeux et positif pour notre vie amicalement bonne journée félixdada

Ma devise : risque tout et vois ce que le sort amène et Garde les hommes et les femmes de coeur

bonsoir à tout prendre je

bonsoir
à tout prendre je prends de suite le viet_nâm
et c est ce que je compte faire
cordialement

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