Les musulmans de Châu Đốc (Vietnam) à l’épreuve du salafisme

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Les musulmans de Châu Đốc (Vietnam) à l’épreuve du salafisme

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Histoire des Chams de Châu ĐốcLa généalogie des Kaum MudaL'épuration des ritesLa grande Fitna ou l'opposition entre les anciens et les modernesLa politique religieuse à l'égard des Chams après le Doi MoiLes Salafis aujourd'hui : Réseaux et financements transnatioanauxFormation des jeunes et pélerinage, moyens de propagation des idées SalafiLe Tabligh dans la voie du consensus provisoireConclusion

Dans le delta du Mékong, autour de la ville de Châu Đốc, province d’An Giang, (Việt Nam), la communauté musulmane résiste aux tentatives de purification de l’islam imposée par la mouvance salafie. Depuis trente ans, des réformateurs issus des universités islamiques du Proche-Orient veulent abolir l’héritage culturel islamique non conforme aux sources écrites de la religion. Des villages se sont divisés, des discordes ont éclaté au sein des familles, marquant profondément la communauté. Aujourd’hui des rites tels que l’anniversaire du Prophète et le culte des saints musulmans, condamnés par l’islam salafi, sont en pleine expansion. La politique vietnamienne de contrôle et d’encadrement des pratiques religieuses a contribué à limiter l’influence du salafisme. Retour sur une tentative avortée de réforme des musulmans vietnamiens. 

Comme les autres pays d’Asie du Sud-Est, le Việt Nam possède lui aussi sa communauté musulmane. Estimés dans les statistiques officielles à 65 000 personnes, soit 0,08 % de la population nationale (Lê 2003), les musulmans vietnamiens sont majoritairement représentés par les Chams. D’origine linguistique austronésienne, ce peuple a une histoire et une culture différentes de celle des Kinh du Việt Nam. Ils sont les héritiers du royaume indianisé du Champa qui a occupé le Sud du Việt Nam actuel du viie siècle à 1832. S’il a aujourd’hui disparu, progressivement conquis par les Việt, les derniers Chams du Champa peuplent toujours le sud de l’ancien territoire, les provinces aujourd’hui vietnamiennes du Ninh Thuận et Bình Thuận. Loin du Champa, l’ouest du delta du Mékong (provinces de An Giang et Tây Ninh), ainsi que Hôchiminh-ville abritent une autre communauté Chams (voir infra statistiques). Ces derniers sont musulmans sunnites shafii et observent strictement les rites islamiques, contrairement aux musulmans de l’ancien Champa, les Chams Bani, qui professent un islam hétérodoxe où se sont greffées les anciennes croyances hindoues du Champa.

Les alentours de la ville de Châu Đốc (province d’An Giang), située à la frontière avec le Cambodge, comptent la plus forte communauté de musulmans shafii du Việt Nam, 13 000 personnes réparties en neuf villages. De par leur orthodoxie religieuse, ces musulmans ont été traditionnellement reliés aux sultanats malais (notamment le Kelantan), au Sud musulman de l’actuelle Thaïlande, et aux lieux saints d’Arabie Saoudite pour le hajj (le pèlerinage à La Mecque) depuis la fin du xixe siècle. Dans les années 1960, l’islam salafi, également nommé réformiste, propagé depuis l’Arabie saoudite et l’Égypte, utilise ces réseaux pour s’imposer au Việt Nam. Cependant, l’intransigeance des nouveaux partisans du salafisme a rencontré de fortes réticences de la part des Chams. Nous verrons dans cet article, à travers le cas des villages musulmans de la région de Châu Đốc et en s’appuyant sur la mémoire orale de la communauté, comment les Chams ont vécu l’arrivée de cet islam réformé, tout en s’intéressant à la politique vietnamienne à l’égard des religions depuis 1975.
 
Fig. 1 : Musulmans du Cambodge et du Vietnam

 

Histoire des Chams de Châu Đốc

 
La présence de Chams à Châu Đốc (Moat Chrouk en khmer) est relativement récente. Elle remonte au début du xixe siècle dans le cadre de la politique de consolidation des acquis du Nam Tiến (descente vers le Sud) par les Nguyễn. Après avoir entièrement conquis le Champa, dont la dernière principauté, le Panduranga tombe en 1832, le Đại Nam poursuit sa conquête du delta du Mékong alors territoire appartenant au mandala khmer. Avec une habilité politique certaine, les Vietnamiens font appel aux Chams et aux Malais minoritaires (nommés Chvea, ce qui indiquerait leur possible origine javanaise) installés au Cambodge. Les travaux de Nicolas Weber, qui a travaillé sur les sources historiques vietnamiennes, ont montré que cette mobilisation faisait « partie intégrante du processus de colonisation du territoire cambodgien » (Weber 2005 : 171-172). En 1834, le général Trương Minh Giảng insiste auprès de l’empereur Minh Mạng sur la nécessité de rassembler les Chams et les Javanais [Chvea] du Cambodge. Pour se faire, ils utilisent un ancien contentieux entre Khmers et Chams datant de la première moitié du xviiie siècle pour justifier leur intervention (Weber 2005 : 173-174). Une fois le territoire du delta du Mékong sous contrôle, les Vietnamiens enrôlent des Chams du Cambodge dans l’armée vietnamienne, cette même armée qui a vaincu le Panduranga deux ans plus tôt, rayant définitivement le Champa de la carte.
La participation des Chams et Chvea du Cambodge au processus de colonisation du territoire cambodgien ne se limite pas au domaine militaire puisqu’ils sont également sollicités par les Vietnamiens dès 1818 pour mettre en valeur ces nouvelles terres, développer l’économie et défendre les frontières contre d’éventuelles révoltes khmères ou poussées siamoises. C’est ainsi que des communautés chams et Chvea s’installent dans les provinces de Tây Ninh et An Giang, tandis qu’un contingent de deux mille Chams originaires de Phnom Penh arrive à Châu Đốc en 1841.
La deuxième vague de Chams à Châu Đốc date de 1858. Suite à la répression d’une importante révolte de Chams et de Chvea dans la province cambodgienne de Tbong Khmum, les meneurs se réfugient à Châu Đốc et s’y installent avec l’accord du gouverneur militaire vietnamien. L’année suivante, ceux-ci attaquent Phnom Penh et la capitale royale de Oudong, toujours avec l’aval des autorités militaires vietnamiennes, et provoquent l’arrivée à Châu Đốc d’autres Chams (Mak Phœun 2003 : 91).
 
Ainsi, les descendants des exilés chams au Cambodge, dont le propre royaume avait été détruit par le Đại Nam, ont pris une part active dans la politique vietnamienne d’assimilation des Khmers. Cette participation fut selon Nicolas Weber récompensée puisque ces Chams ne firent pas l’objet de vietnamisation, à la différence de ceux du Panduranga nouvellement conquis (Weber 2005 : 202). Cette politique à deux vitesses se retrouve un siècle plus tard, en 1975, au moment de la réunification. Les Chams de l’ancien Panduranga, dépossédés de leurs terres confisquées par les nouvelles autorités vietnamiennes, perdent les fondements de leur structure sociale fondée sur les génies locaux (Po Dharma 2003). Les Chams du delta, eux, ne connaîtront pas une telle acculturation, du fait aussi du système de l’islam orthodoxe qui les relie au reste du monde musulman vécu comme un ensemble identitaire. Selon Po Dharma, la seule tentative de « formatage » des musulmans du delta du Mékong en 1975 par les autorités vietnamiennes a été l’imposition du portrait de Hồ Chí Minh dans les mosquées. Cette décision devait être rapidement annulée après un mois de négociation avec les imams des villages.
 

La généalogie des Kaum Muda

Depuis que Đa Phước, que l’on atteint depuis Châu Đốc par le bac de Cồn Tiên, a été choisi par les autorités vietnamiennes comme vitrine de l’islam au Việt Nam, le village est devenu le passage obligé des groupes de touristes. Une visite de Đa Phước est toujours incluse dans les Mekong tours de quelques jours proposés par les agences de voyages de Hôchiminh-ville. Il s’agit d’un système touristique proche de celui mis en place autour du caodaisme dans la ville de Tây Nin. L’afflux est tel que deux boutiques de souvenirs, dont l’une se situe dans l’enceinte de la grande mosquée, ont ouvert, vendant hijab (voile islamique), kopiah (calotte blanche) ou koper (fez noir d’origine malaise). Pour rentabiliser au maximum leur commerce, les Chams font venir la majeure partie de la marchandise d’autres régions du pays comme les tissages hmong ou coho. Un curieux mélange culturel imposé par les lois du commerce.
Derrière la façade touristique et la réussite commerciale de quelques villageois, Đa Phước a marqué la mémoire collective. Dans les années 1960, le village a été le siège d’une grande discorde entre musulmans de la région, la grande fitna entre Kaum Muda et Kaum Tua (le groupe des jeunes et celui des vieux), entre réformistes et traditionalistes. C’est le village d’origine de Mohamad Badri qui y a introduit l’islam salafi, rencontrant de fortes résistances parmi les tenants de l’islam « traditionnel » cham.
 
Né en 1921, Mohamad Badrise trouve tôt orphelin et part à vingt ans étudier au village de Trea au Cambodge, dans la province de Kompong Cham limitrophe du Việt Nam. Marcel Ner, associé à l’École française d’Extrême-Orient de 1929 à 1937, effectue ses recherches à la même époque. Il décrit le village de Trea comme un centre important d’enseignement de l’islam pour les Chams des deux pays (Ner 1941). Le parcours classique des étudiants consistait à poursuivre leurs études au Kelantan en Malaisie britannique, considéré comme le « le balcon de La Mecque » (serembi mekka), avant de rejoindre les grandes universités du monde arabe (Guérin 2004). C’est ce que fait Mohamad Badri. Après Trea il étudie au Kelantan, puis il obtient un doctorat d’études islamiques à l’université d’Al Azhar au Caire. À son retour, il suit plusieurs années l’enseignement de l’Imam Rosali au village de Châu Giang (que l’on atteint par l’autre bac depuis Châu Đốc). Enfin au début des années 1960, à l’âge de quarante ans, il découvre le salafisme avec l’imam Moussa, un Cham cambodgien qui, en 1954, a introduit cette nouvelle doctrine au Cambodge à son retour du Kelantan. Lors d’un pèlerinage à La Mecque, Mohamad Badri confirme son adhésion au salafisme qu’il oppose à « l’égarement et l’ignorance » des musulmans de son village. Selon ses proches, il a été le premier salafi de la région. Mais tous ne s’accordent pas sur ce point. Pour ustaz Ahmad, imam de la mosquée salafi Muhammadiya de Châu Phong (village limitrophe de Châu Giang), c’est Hadji Ayoub (Abdul Ayoub ben Hossein) qui fut le premier à introduire le salafisme à Châu Đốc. Il raconte : « C’est Hadji Ayoub qui nous a apporté, dans les années 1960, notre premier livre d’al-Azhar que je possède toujours. » Hadji Ayoub a lui aussi étudié au Kelantan en Malaisie et s’y est marié. Puis il a poursuivi ses études à La Mecque. Actuellement sa petite-fille, ustaza Mariam, est très active dans la propagande salafi à Hôchiminh-ville. Elle possède un petit commerce de tableaux laqués de style vietnamien déclinés à la mode musulmane qu’elle vend aux touristes de Malaysia. Ils représentent des versets du Coran et des mosquées, « sans aucun oiseau car il est interdit de représenter les animaux dans notre religion », un interdit qu’elle dit imposé par l’islam salafi. Elle se souvient de son grand-père :
« C’est mon grand-père qui a apporté le salafisme ici, avec son jeune frère Abubakar qui avait aussi étudié au Kelantan. Il est revenu deux fois à Châu Phong. Mon grand-père me racontait qu’au départ, lorsque la mosquée Muhammadiya de Châu Phong a été construite en 1963, les salafi n’étaient que 37 personnes. C’était un tout petit groupe. Mais aujourd’hui ce sont plus de trois cents familles. »
 

L'épuration des rites

Quelles que soient les divergences quant à l’introducteur du salafisme au Việt Nam, les adeptes du Kaum Muda s’accordent sur la condamnation de ce qu’ils considèrent comme des bidâa (innovations blâmables), des coutumes plus culturelles que religieuses que pratiquent les musulmans du monde entier. Ces bidâa peuvent aller de l’association (shirk) qui consiste à ajouter de façon syncrétique une autre divinité, comme la déesse chame Po Nagar chez les Chams Bani, à des pratiques moins hérétiques comme la célébration du Maulot (arabe mawlid), l’anniversaire du Prophète, ou le pèlerinage sur les tombes des saints musulmans et les prières pour les morts. Or, pour les partisans du salafisme, tout ce qui n’est pas stipulé dans le Coran et la Sunna (ensemble des faits et gestes du Prophète compilés dans les Hadith) doit être expurgé de la religion.
Le Maulot est le premier rite à faire l’objet d’une condamnation de la part des muda. Pour ustaz Ahmad de Châu Phong, ceux qui célèbrent le Maulot sont comme les chrétiens qui fêtent Noël, la naissance de Jésus. Pour les muda, cette cérémonie est inacceptable. Le second rite à rencontrer la ferme désapprobation des salafi est le culte des saints (wali) et les pèlerinages sur leur tombe (makham) le jour anniversaire de leur décès, ainsi que certaines cérémonies pour les morts accompagnées d’offrandes de nourriture. Il existe trois makham dans l’environnement de Châu Đốc : celui de Omar au village de Kor Khoi, celui de Kosim à Plaew Ba et celui de Ahmad près du village de Kor Tbong. Selon les habitants, ces wali d’origine arabe seraient morts il y a trois cents ans, mais les détails historiques de leur vie restent flous. Certains disent même qu’Ahmad n’a jamais existé et se serait simplement manifesté en rêve en réclamant une tombe. Omar et Kasim se partagent les mêmes légendes souvent liées à la navigation du fait que l’endroit revêtait une place de première importance pour le commerce fluvial. À ce sujet, il se raconte qu'un bateau était en train de couler avec un trou dans sa coque. Lorsqu’Omar apprend la nouvelle, il mélangea de la terre et de l’eau pour en faire de la colle et boucha le trou à distance. La légende la plus populaire est commune aux deux wali à la fois. Un bateau passait avec un chargement de sucre, de sel ou de crevettes selon les versions. Le wali demanda ce qu’il transportait. Le propriétaire du bateau répondit, sans doute pour les besoins de la contrebande, qu’il s’agissait de sable. Deux kilomètres plus loin, il s’aperçut que sa précieuse cargaison s’était transformée en sable. Devant ses pleurs, le wali lui restitua les denrées d’origine en lui enjoignant de ne plus mentir. Enfin, alors que la tombe du wali était située près de la rivière, une année de fortes inondations celle-ci se déplaça toute seule vers un endroit au sec. Leur pouvoir perdure après la mort et justifie le culte rendu sur leur tombe qui constitue un karamat, un lieu sacré auquel on attribue des pouvoirs surnaturels. L’intégration de ces makham dans la constitution identitaire des Chams et dans l’espace donne une légitimité à leur implantation dans la région (Taylor 2007). Ils protègent aussi la communauté des Vietnamiens qui les entourent et qui suscitent bien des méfiances (Dohamide et Dorohiêm 2004 : 27sq). Les légendes racontent que si un Vietnamien ne respecte pas les makham, il tombe malade. Ceux-ci sont nombreux à craindre les pouvoirs thaumaturgiques des Chams, réputés pour leur magie noire. C’est pourquoi malgré la condamnation du culte des wali par les Kaum Muda, il reste jalousement pratiqué par les Kaum Tua.
Vingt-cinq ans après la mort de Mohamad Badri, son petit-fils Abdulazim, né aux États-Unis et fraîchement retourné au village de ses ancêtres, continue le combat :
« La majorité ici est shafii. Le problème n’est pas qu’ils soient shafii mais qu’ils utilisent des pratiques qui n’ont rien à voir avec l’Islam. Après la prière, on ne se passe pas la main sur le visage comme chez les shafii et on dit « bismillah » [au nom de Dieu] en silence. Mais eux ne sont pas d’accord, ils disent bismillah n’importe quand et à haute voix. »
Ces différences rituelles, acceptées entre les différentes mazhab (les quatre écoles juridiques du sunnisme) du fait que la gestuelle du prophète a elle-même varié tout au long de la révélation, sont refusées par les partisans des salaf. Les salafi cherchent à dépasser les différences entre mazhab en imposant un seul rituel et en consignant cette pratique dans ses moindres gestes.

La grande Fitna ou l'opposition entre les anciens et les modernes

Le salafisme, à son arrivée au début des années 1960, prend le nom vietnamien de Đạo Mới (Nouvelle Religion) du fait qu’il s’entoure d’une valeur de modernité. Son introduction crée d’importants conflits dans les villages musulmans. Les tua, le clan des anciens, n’acceptent pas cette nouvelle pratique qui leur est imposée. Les deux camps s’opposent : les muda, représentés par Mohamad Badri de Đa Phước et Hadji Ayoub de Châu Phong, et les tua, par Rosali (Magli) et Idris tous deux de Châu Giang. Ce village de Châu Giang, entièrement fermé au modernisme islamique, peut être considéré comme le bastion de la résistance contre les muda.
14Muda et tua cessent de se fréquenter et même de communiquer. Les relations s’enveniment très vite. Abdulazim, petit-fils de Mohamad Badri, raconte comme s’il l’avait vécue une histoire que lui ont raconté les anciens : « Les tua voulaient nous tuer, ils nous jetaient des pierres. Les membres d’une même famille étaient divisés, ils se faisaient la guerre. Les muda étaient rejetés par leur propre famille. » Le même conflit a débuté une décennie plus tôt au Cambodge après l’introduction du salafisme par l’imam Moussa, poussant les couples à divorcer, les frères à se faire la guerre (Collins 1996 : 54a).
Rosali et Idris tentent de trouver un accord en 1966, sans succès. Les deux parties s’accordent néanmoins pour créer la même année une nouvelle organisation nommée Conseil des dignitaires islamiques vietnamiens à Châu Đốc. Cette association coexiste avec la Camsa (Association des Chams musulmans vietnamiens), créée sous Ngô Đình Diệm (1955-1963), jusqu’en 1975 (Nguyễn 2006 : 77). Mais aucune association ne parviendra à rétablir la paix.
 
Quarante ans plus tard, le ressentiment est toujours là. Tout est bon pour décrédibiliser l’autre partie, notamment par la diffamation politique. Pour ustaz Ahmad, le leader muda actuel de Châu Phong, tout vient de hakem Musa, un tua du village de Kor Tbong : « C’est lui qui a créé la fitna car c’était lui le leader. Avant 1975, il soutenait l’ancien gouvernement comme les autres tua. Tous travaillaient pour le gouvernement précédent. Mais après 1975, avec le nouveau pouvoir, tout a changé pour lui. » La période qui suit la victoire du Nord communiste sur le Sud en 1975 marque un moment de grande méfiance vis-à-vis des religions qui viennent de l’étranger, notamment envers les muda qui représentent une force liée aux États musulmans. L’Association des musulmans du Việt Nam est interdite (et ne sera à nouveau autorisée qu’en 1992). Puis en 1986, à la suite de son vie Congrès, le PCV initie une phase d’ouverture (Đổi mới). Une politique vis-à-vis de l’islam se met en place avec l’autorisation pour les organisations musulmanes de propager la religion et d’enseigner l’arabe (Nguyễn 2006 : 75).
 

La politique religieuse à l'égard des Chams après le Doi Moi

Dans la phase d’ouverture du Đổi mới, la politique du parti reconnaît les religions mais entend avoir pour chacune d’entre elles des organismes représentatifs centraux, fiables politiquement. Le gouvernement vietnamien exige, comme des autres religions, que soient créés des organes représentatifs de l’islam, interlocuteurs officiels du bureau des Religions (Trần 2004). Le Ban Đại DiệnCộng đồng Hồi giáo (Comité représentatif de la communauté musulmane) de Hôchiminh-ville est créé le 7 février 1992, composé de sept membres. Cette institution est chargée de gérer la participation des fidèles au pèlerinage à La Mecque et aux concours de récitation du Coran organisés en Malaisie. Elle s’occupe également de l’envoi d’étudiants dans les universités musulmanes étrangères. Le Ban Đại Diện, qui ne compte que des tua parmi ses membres, a été pendant longtemps un frein à la propagation des idées muda.
En 1993, un an après la création du Comité, un mécène de Dubai de la tendance réformiste, Sheikh Mohamed Kasim, a fait reconstruire et agrandir la mosquée salafi Muhammadiya de Châu Phong (construite une première fois en 1963). Cette mosquée, qui permet aux muda d’avoir leur propre lieu de culte, améliore les relations entre communautés. Le même mécène finança en 2002 la construction de deux petites mosquées répertoriées comme surau (salle de prière), al-Sunnah à Đa Phước et Hayat al-Islam à Châu Phong. Ce sont les seuls lieux de culte salafi du Việt Nam.

Les Salafis aujourd'hui : Réseaux et financements transnatioanaux

 
La tradition du salafisme perdure aujourd’hui grâce aux ONG des pays du Golfe qui s’en font le relais à travers l’aide humanitaire, les fonds octroyés pour la construction de mosquées et le financement de bourses pour le pèlerinage à La Mecque et les études à Médine.
20Dans une enquête sur la situation religieuse au Việt Nam (Amor 1999), l’Association des musulmans du Việt Nam, tout en reconnaissant la liberté religieuse dont ils bénéficient, a « néanmoins regretté le manque de ressources financières nécessaires au développement de la religion musulmane auViệt Nam. Tout en appréciant les dons matériels et financiers de l'étranger (Arabie Saoudite, Koweït, Indonésie, Malaisie), ils ont souhaité une assistance financière accrue. »
Cette quête d’argent entraîne une dépendance financière croissante qui touche les musulmans du delta du Mékong et d’Hôchiminh-ville. Comme au Cambodge, ces fonds étrangers enveniment les relations entre musulmans, créant de grandes rivalités entre villages et des ressentiments amers chez ceux qui passent à côté des dons. C’est à celui qui se dotera de la mosquée la plus impressionnante, au style le plus moyen-oriental.
Dans un livre publié à Hà Nội en 2001, Phan Hữu Đạt accuse les Chams de Châu Đốc de nouer des relations avec dix ambassades de pays musulmans dans le seul but d’obtenir des subventions destinées aux constructions de mosquées, à l’encadrement des jeunes Chams dans madrassa (écoles coraniques) de Châu Đốc ou dans les institutions islamiques à l’étranger. L’auteur les accuse également de vouloir acquérir la citoyenneté malaise afin de quitter le Việt Nam pour se réfugier en Malaisie (Po Dharma 2007).
 
L’argent suscite des jalousies et continue d’attiser le conflit entre Kaum Muda et Kaum Tua, car ce sont toujours les muda qui reçoivent les fonds. Du fait de leur éducation au Proche-Orient, les muda maîtrisent parfaitement l’arabe et sont les interlocuteurs privilégiés des donateurs des pays du Golfe. Mohamad Badri augmenta ainsi son prestige auprès des riches donateurs étrangers. Les meilleurs arabophones d’aujourd’hui sont ustaz Ilyas et ustaz Ahmad de Châu Phong. Les tua, qui maîtrisent peu l’arabe, les accusent de capter tous les fonds. Ainsi Salex, jeune tua de Châu Phong, voit-il d’un mauvais œil ces transactions financières qui échappent à sa communauté et nourrissent la discorde sociale : « Ce matin, je suis passé devant la maison d’ustaz Ilyas. Je l’ai vu faire ses comptes, il avait de grosses liasses de billets qu’il a amassées pour lui tout seul. » Les muda sont vus par leurs adversaires comme des opportunistes, des prévaricateurs empochant l’argent des riches Arabes pour leur propre compte et, enfin, comme des traîtres à la cause des Chams puisqu’ils cherchent à éradiquer, uniquement pour de l’argent, des pratiques qui constituent leur fonds identitaire.
 
Inversement les muda revendiquent une supériorité intellectuelle sur les tua : « Les tua n’apprennent pas, ils suivent leurs parents. Alors que les muda ont beaucoup de connaissance », raconte ustaz Ahmad qui ne cache pas son mépris pour les tua.

Formation des jeunes et pélerinage, moyens de propagation des idées Salafi

Si l’islam réformiste remporte peu de succès auprès des anciennes générations, il s’impose davantage chez les jeunes, envoyés, grâce à des bourses attractives, dans les universités islamiques du Golfe. Ils en reviennent en condamnant les bidâa de leur culture d’origine. Ce circuit typique a été suivi par Abdulnafii, devenu muda en Arabie saoudite. Abdulnafii a d’abord étudié trois ans à Chom Chao, dans la banlieue de Phnom Penh, une école mise en place et financée par la RIHS (Revival Islamic Heritage Society), une ONG basée au Koweit très active au Cambodge. Il a ensuite poursuivi pendant six ans ses études à Médine, à l’IUM (Islamic University of Madinah). Créée en 1961 pour concurrencer Al-Azhar au Caire, l’IUM est devenue un organe très important de diffusion des idées salafi à l’étranger. Elle accueille actuellement 6 000 étudiants dont 80 % seraient d’origine étrangère. C’est un must pour les muda. Le petit-fils de Mohamad Badri, Abdulazim, rappelle : « Mon grand-père a tout fait pour que les garçons de sa famille passent par l’IUM. » Une cinquantaine de musulmans vietnamiens y étudient aujourd’hui. L’International Islamic University Malaysia (IIUM), à Kuala Lumpur, accueille également une cinquantaine d’étudiants musulmans du Việt Nam25. Contrairement à l’IUM, l’IIUM ne favorise pas l’éradication des bidâa et mise sur l’enseignement séculier. En fait la majeure partie des étudiants ne choisissent pas les matières religieuses mais les nouvelles technologies, comme la jeune Solihah de Châu Giang qui pour sa part n’a rien changé à la religion de ses ancêtres.
26Le hajj reste un immense vivier pour la propagation du salafisme. Le roi d’Arabie saoudite sponsorise chaque année au Việt Nam 30 pèlerinages, Dubai en finance six. Abdulhalim Ahmed, un ancien Cham Bani converti à l’islam orthodoxe et exilé aux États-Unis, est le représentant depuis 2007 de l’Arabie saoudite au Việt Nam et au Cambodge pour choisir les bénéficiaires de ces bourses au pèlerinage. Il a été l’un des responsables de la traduction du Coran en vietnamien, entreprise par Từ Công Thu. Salafi convaincu, il a fait construire une bibliothèque islamique à la mosquée de Chrok Romiet au Cambodge, village natal de son épouse où il vient de s’installer. Le fait que l’Arabie saoudite ait retiré au Ban Đại Diện le soin de sélectionner les candidats au hajj pour confier ce choix à un salafi peut être interprété comme une victoire du clan muda. Pourtant, malgré le poids financier que représentent ces mécènes du Golfe persique, l’islam salafi reste marginal au Việt Nam. Un autre grand mouvement néo-fondamentaliste de l’islam, la Tablîghî Jamâ‘at, qui base son idéologie sur l’engagement bénévole de ses membres, sans faire aucune donation, tire les bénéfices de l’échec du salafisme.

 

Le Tabligh dans la voie du consensus provisoire

 
La Tablîghî Jamâ‘at est un mouvement missionnaire de l’islam, né à Delhi en Inde en 1927, qui base la pratique religieuse sur l’imitation de la vie du Prophète et de ses compagnons. Comme les salafi, les tablîghî ne transigent pas sur les innovations blâmables (bidâa). Mais contrairement à eux, ils ont réussi à bien s’implanter dans le village de Châu Giang, le village des tua qui a toujours symbolisé la résistance aux muda. Au lieu de condamner ce qui appartient à la culture identitaire des Chams et se mettre à dos la population comme l’avaient fait les salafi, les tablîghî optent pour la persuasion, le dévouement et une savante gradation dans la condamnation des bidâa. Moins éradicateurs que les salafi, ils n’exigent pas d’emblée une réforme totale de la pratique et admettent une période d’adaptation. À Châu Đốc, ils se montrent tellement consensuels, en acceptant par exemple le culte des makham, que les muda, comme ustaz Ahmad, les rangent dans le clan des tua. Mais en position de force dans un pays musulman comme la Malaisie, ils sont catégoriques et ne s’encombrent pas de précautions oratoires pour condamner tout ce qui, à leurs yeux, n’est pas strictement islamique.
À Châu Đốc, le Tablîgh accepte donc les cultes des tombes des saints musulmans. L’émir du Tablîgh, Hadji Musa, de la mosquée Mubarak à Châu Giang assiste en grande pompe à la cérémonie du Maulot de sa mosquée, alors que celui-ci est en théorie condamné par le Tablîgh comme par les autres mouvements néo-fondamentalistes.
Alexander Horstmann a constaté la même politique en Thaïlande près de Nakhnon Si Tammarat où les musulmans cohabitent avec une majorité bouddhique. Ainsi un imam engagé dans le Tablîgh continue d’exercer ses fonctions de guérisseur et d’astrologue et reste renommé pour sa magie noire, sans souffrir de la contradiction (Horstmann 2007 : 122). L’auteur y voit une incapacité de la Tablîghî Jamâ‘at à remplacer la cosmologie villageoise. On peut aussi l’interpréter comme une tolérance provisoire, jusqu’à ce que le membre, à force d’enseignement, se persuade lui-même d’abandonner ses anciennes pratiques.
Ce « laxisme » apparent, qui ne heurte jamais de front les croyances locales, vaut au Tablîgh d’attirer les musulmans les plus traditionalistes qui espèrent ainsi trouver un mouvement d’opposition aux salafi. Néanmoins cette tolérance apparente n’est que provisoire et correspond à une première étape de séduction. Dans la phase suivante d’enrôlement, le Tablîgh se radicalise et peut provoquer un violent rejet des villageois (ibid. : 124). Car la véritable fin pour ses partisans est la même que pour le salafi : imiter le Prophète dans ses gestes les plus intimes et les plus profanes de la vie courante, en éradiquant les marqueurs identitaires de la religion. Marc Gaborieau a bien démontré, pour le monde indien, comment derrière des aspects soufis inoffensifs le Tablîgh possède un programme de réforme de toute la société (Gaborieau 2006).
Pour l’instant, le Tablîgh, qui base essentiellement son action sur ses missionnaires itinérants, n’est pas en position de force au Việt Nam du fait des restrictions imposées par l’État. Tout comme en Chine, les tablîghî n’ont pas le droit de dormir dans les mosquées, ce qui les oblige à payer l’hôtel. De plus, les jamaat (groupes de tablîghî) qui viennent de l’étranger sont interdits dans le delta du Mékong et à Phan Rang.
Mais au Cambodge, le Tablîgh a réalisé une forte percée dès le début des années 1990 et provoqué une nouvelle fitna, créant de nouveaux clans et une nouvelle « guerre des mosquées » (De Féo 2005). Ce mouvement a eu pour conséquence que beaucoup de Chams au Cambodge renient aujourd’hui leur identité ethnique au profit d’un standard musulman international, faisant fi des particularités historiques et culturelles.

Conclusion

Si à Châu Đốc les tensions entre muda et tua existent toujours, la guerre est néanmoins finie. Le gouvernement vietnamien a obligé les deux communautés à s’entendre avec la liberté pour chacun de suivre l’islam qu’il souhaite. Les muda ont finalement suscité un rejet quasi unanime de la population pour avoir tenté de détruire les fondements identitaires des Chams. Cependant, une autre bataille est venue succéder à la première, émanant du Tablîgh qui tente de prendre le pouvoir religieux sur les villages comme il l’a fait au Cambodge. Pour l’instant, la politique de contrôle des religions a permis de contenir les ambitions du Tablîgh qui n’a pas dépassé la première phase de séduction. Paradoxalement, les autorités vietnamiennes pourraient bien être les derniers remparts de l’identité chame.

 Voir aussi notre rubrique Insolite: Un Islam insolite

Bibliographie
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DOI : 
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Notes
L’une des quatre écoles juridiques de l’islam sunnite, qui domine en Asie du Sud-Est : en Malaisie, Indonésie et Brunei, pays où cette religion est majoritaire ; dans le Sud de la Thaïlande, le Sud des Philippines, le Cambodge et le Sud du Vi?t Nam, pays à minorité musulmane.
Voir Durand (1903), Cabaton (1907), De Féo (2006). Voir également le documentaire sur les Chams Bani, Un Islam insolite (2006), réalisé par Agnès De Féo, production Soltis, Paris.
Le nom des villages musulmans des environs de Châu ??c diffèrent selon l’usage qui privilégie tantôt le nom cham, tantôt le nom vietnamien. La liste des villages est donnée par leur nom usuel, avec entre parenthèses leur équivalent en cham ou en vietnamien en fonction? : ?a Ph??c (Kor Koa), Plaew Ba, Kor Khoi (Nh?n H?i), Kor Kieu (??ng K?), Sbaou/Sawabout, Châu Phong (Lamkan), Chu Giang (Machru), Kor Tbong (Khánh Hòa), Pho Phao (Kantai) près de la ville de Long Xuyên.
Récit reconstitué à partir d’entretiens des membres de la communauté.
Le salafisme est un mouvement doctrinal qui se caractérise par un retour aux sources, le Coran et l’islam des salaf, les pieux ancêtres (Mervin 2000 : 170).
Cet article se base sur un terrain réalisé en mars et en avril 2007 dans la région de Châu ??c et à Hôchiminh-ville.
 Entretien avec Po Dharma, février 2007, Paris.
À ce sujet, voir l’article de Jérémy Jammes dans le présent numéro.
 Kaum Muda et Kaum Tua sont des termes empruntés au monde malais où la même fitna s’est produite au début du xxe siècle. En Indonésie, l’organisation des muda est la Muhammadiyah, créée en 1912 ; celui des tua est le Nahdlatul Ulama créé en 1926.
 Biographie reconstituée d’après sa femme Aicha (85 ans) et son petit-fils Abdulazim, mars 2007, dans leur maison familiale de ?a Ph??c. Originaire de Sacramento en Californie comme beaucoup de Chams réfugiés aux États-Unis, Abdulazim est récemment rentré au pays pour se marier avec une Chame de son village d’origine.
 Mohamad Badri est mort le 29 juin 2005 à l’âge de 84 ans.
 Voir le récit de Zakaria Adam rapporté par William Collins (Collins1996 : 54b).
 Voir sa biographie (Dohamide et Dorohiêm 2004 : 129). Notamment sur sa fuite en Malaysia sous la pression des tua.
 Entretien mars 2007, mosquée Muhammadiya, Châu Phong.
 Entretien avril 2007, domicile d’ustaza Mariam à Hôchiminh-ville.
 Voir le documentaire Le dernier royaume de la déesse (2007), réalisé par Agnès De Féo, production Soltis, Paris.
 Prêche prononcé le vendredi 30 mars 2007 à la mosquée salafi Muhammadiya, la vieille de la célébration du Maulot.
 Entretien mars 2007, au domicile familial de son grand-père, Mohammad Badri, à ?a Ph??c.
 Entretien mars 2007, mosquée Muhammadiya, Châu Phong. Ce muda accuse hakem Musa de collusion avec le gouvernement du Sud. Une telle accusation semble diffamatoire, car celui-ci n’aurait jamais pu être élu président du Ban ??i Di?n (Comité représentatif des musulmans) d’An Giang s’il y avait le moindre doute sur ses activités pendant la guerre. Il reste à mener une enquête de terrain sur les rôles respectifs joués par chacun des protagonistes durant la guerre et les postes représentatifs, notamment dans le Front de la patrie (M?t tr?n t? qu?c), qu’ils ont obtenu par la suite.
 Le comité se situe au 52 Nguy?n V?n Tr?i, dans l’arrondissement de Phú Nhu?n. Un deuxième comité sera ensuite créé dans le village de Châu Phong, près de la mosquée Niameh, pour représenter les musulmans de la province de An Giang.
 Entretien mars 2007, Châu Phong.
 Entretien mars 2007, mosquée Muhammadiya, Châu Phong.
 Abdulnafii s’est marié à son retour à la petite-fille de Mohamad Badri.
 D’après les sources de l’IUM.
 Longues fréquentations à son domicile de Châu Giang, avril 2007.
 
   
   
   
Référence papier
Agnès De Féo, « Les musulmans de Châu Đốc (Vietnam) à l’épreuve du salafisme », Moussons, 13-14 | 2009, 359-372.
Référence électronique
Agnès De Féo, « Les musulmans de Châu Đốc (Vietnam) à l’épreuve du salafisme », Moussons [En ligne], 13-14 | 2009, mis en ligne le , consulté le 27 janvier 2015. URL : http://moussons.revues.org/976
Auteur
Chercheuse associée à l’IRASEC (Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, CNRS et ministère des Affaires Étrangères), basé à Bangkok, pour le programme « Musulmans d’Asie ». Son livre sur « Les musulmans du Cambodge et du Vietnam », paraîtra en 2009 aux éditions Indes Savantes-IRASEC.

 

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