Des architectes français à l’assaut du Vietnam

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Des architectes français à l’assaut du Vietnam

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Pour l’agence d’architecture DeSo, le dicton vietnamien qui énonce « Mange chinois, marie-toi à une japonaise et construis une maison française » n’est pas passé de mode. A Hô-Chi-Minh Ville – nouveau nom donné à Saigon – elle collectionne les succès dans les concours internationaux.

Le 7 mai 1954, l’armée française subissait une défaite à Diên Biên Phu et la France entamait alors son retrait de la péninsule d’Indochine. 60 ans plus tard, ce sont les bureaux d’études et les architectes français qui débarquent au Vietnam. Olivier Souquet, co-fondateur de l’agence DeSo, basée à Paris et à Avignon, quitte régulièrement les bords de Seine et du Rhône pour se rendre dans le delta du Mékong. Sa « French Touch » a la cote dans l’ancienne colonie française et son agence vient de remporter son troisième concours international à Hô-Chi-Minh Ville - nom donné à Saigon lors de la réunification du pays et aujourd’hui poumon économique du Vietnam.

Pourtant, l’agence DeSo a débarqué au Vietnam sans repérer le terrain au préalable. En 2008, poussé par un collègue vietnamien de l’agence, Olivier Souquet répond, «sans trop y croire», à un appel d’offres pour l’aménagement de la place Thu Thiem, futur « smart quartier » d’Hô-Chi-Minh Ville – le groupe sud-coréen Lotte va bâtir le long de cette place un ensemble de bâtiments intelligents dont le coût s’élève à 2 milliards de dollars. Pour le comité populaire de la ville, institution chargée de l’administration publique au niveau local et maître d’ouvrage du projet, c’est le coup de foudre. En remportant ce projet d’aménagement d’une place de 30 hectares qui a vocation à devenir la nouvelle vitrine de la capitale économique du pays, l’agence DeSO arrive au Vietnam par la grande porte.

Si le Vietnam n’est pas une terre inconnue pour Souquet – son épouse est d’origine vietnamienne –, en débarquant à Ho Chi Minh, il devra s’initier aux us et coutumes locaux des comités populaires et au monde des affaires de la République socialiste. « Au Vietnam, il y a une confusion des rôles entre investisseurs et architectes », dit poliment l’architecte français qui, dans ce pays du Sud-Est asiatique, a appris à voir l’architecture comme un sport de combat. « Là-bas, l’architecte n’est pas très respecté au sein d’une équipe de maîtrise d’œuvre. Alors, il faut répondre avec la force et l’énergie de son adversaire pour faire valoir ses idées et concepts », explique Olivier Souquet.

Débarquer avec sa French Touch

Mais ce n’est pas pour sa maîtrise du Vovinam Viet Vo Dạo, l’art martial vietnamien, que les autorités vietnamiennes viennent de le choisir pour concevoir le nouveau site universitaire d’Hô-Chi-Minh-Ville, campus capable d’accueillir 15 000 étudiants, d’en héberger 4000 et de stationner 6000 scooters.

« Si les Vietnamiens vont chercher les Américains pour faire des tours et des supermarchés en sous-sol, ils viennent trouver des Français pour bâtir des rues, car ils savent que l’on sait construire beau et durable », remarque l’architecte qui a pu constater que la France n’a pas laissé que des mauvais souvenirs en Indochine et qu’« être français, au Vietnam, ça aide ».

Chez les maîtres d’ouvrage publics vietnamiens, les architectes français seraient dotés d’une sensibilité qui rend leur coup de crayon unique. En choisissant, en 2009, la proposition de DeSo pour la place Thu Thiem, le jury du concours avait souligné la « poésie » du projet de l’équipe française. « Notre côté fleur bleue est très apprécié », commente en souriant Olivier Souquet.  Et quand les autorités vietnamiennes ne voient pas de « French Touch », elles la réclament. Fin avril, lors de la dernière présentation de l’avancée du projet de campus, le directeur de l’université n’a pas manqué de rappeler à Olivier Souquet de faire ressortir de ses croquis une griffe française.

Mais l’agence DeSo ne se contente pas de saupoudrer ses projets d’un zest de France. Reprenant les propos de Jean Nouvel, pour Olivier Souquet, « faire de l’architecture, c’est avant tout pétrifier de la culture ».

Accompagner le Vietnam dans sa quête d’identité

Il construit son travail en opposition à une architecture qu’il qualifie de « commerciale, support d’un marché immobilier bâti sur des images de pastiche, néo coloniales ou néo victoriennes, mélangées à un style asiatique incertain à l’image de l’architecture singapourienne ».

Pour contrecarrer cette architecture universelle et décorative, remplie de fausses colonnades en stuc qui ne supportent rien et de corniches factices ne protégeant même pas les façades de la pluie, Olivier Souquet fait redécouvrir aux maîtres d’ouvrage vietnamiens des solutions architecturales locales et fonctionnelles tombées en désuétude. Dans ses projets, on retrouve des marquises et des toitures débordantes, éléments que l’on ne retrouve plus dans l’architecture vietnamienne, alors qu’en offrant à la fois une protection contre la pluie et le soleil, elles sont parfaitement adaptées au climat tropical d’Ho-Chi-Minh Ville.

Mais faire de l’architecture en bord de Seine ou de Rhône ne donne pas un visa pour le delta du Mékong. Pour guider son dessin, l’architecte français a donc été chercher son inspiration chez son confrère Tay keng Soon. Professeur d’architecture à la National University of Singapore et ancien président du Singapore Institute of Architects, ce dernier souligne que « l’une des principales difficultés de construire dans un environnement tropical réside dans la découverte d’un langage de conception, de lignes, d’angles, de mailles et d’ombres, plutôt qu’une architecture de plans, de solides et de vides » et considère que « ceci nécessite un processus autodidacte, du fait de la prédominance de l’architecture européenne qui compose l’essentiel de la formation sur ces 200 dernières années ».

Inspiré par ces préceptes, Olivier Souquet a le sentiment d’accompagner le Vietnam dans sa recherche d’identité. « Les Vietnamiens vivent dans la rue et la rue vietnamienne est de ce fait un espace public unique au monde. Il ne faut pas perdre cette identité pour ressembler aux autres pays, en créant des centres-villes et des centres commerciaux tous identiques à ceux de Denver, de Shanghai ou encore de Berlin », prévient Olivier Souquet. Il sait néanmoins que pour rendre la ville attractive, à l’heure où toutes les mégalopoles sont en concurrence, cet espace de sociabilité particulier devra être revisité et verdi.

Réaliser des projets hors de portée en France

En réconciliant, dans ses propositions architecturales et urbanistiques, identité vietnamienne et écologie, l’agence Deso a remporté plus des trois quarts des appels d’offres auxquels elle a participé au Vietnam. Pour autant, il ne faut pas parler d’Eldorado vietnamien à Olivier Souquet. « L’âge d’or, c’était de 2006 à 2010. Avec la crise, les taux d’intérêt se sont contractés et beaucoup de promoteurs sont tombés. De nombreux bureaux d’études et agences d’architecture françaises sont alors repartis », note Olivier Souquet qui, en misant sur les équipements publics a pu, lui, rester, sans pour autant y établir, à ce jour, une activité rentable et donc y installer une filiale. (L’architecte français qui travaille depuis maintenant cinq ans sur le projet de la place Thu Thiem n’a signé, à ce jour, qu’un contrat de 70 000 euros, « pour patienter » dit-il en souriant)

Alors, si Olivier Souquet multiplie les allers-retours entre la France et le Vietnam, ce n’est pas seulement dans l’espoir de gonfler le chiffre d’affaires de son agence, mais aussi parce que l’ancienne colonie française lui permet de voir les choses en grand. En attendant les résultats d’un appel d’offres pour la conception de la nouvel université des sciences et des technologies de Hanoï qui totalisera une surface de 250 000m², Olivier Souquet observe le démarrage du chantier de sa Cité de l’architecture et continue de dessiner la passerelle piétonne qui enjambera la mythique rivière Saigon pour amener à ce bâtiment iconique les touristes venus des quatre coins du monde. Bref, au Vietnam, il réalise des projets qui seraient hors de portée en France. Et pour atteindre l’inaccessible, on ne compte pas….

(source media: www.lemoniteur.fr)
 

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