«La Chine utilise la tactique des zones grises dans la mer de Chine méridionale»

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«La Chine utilise la tactique des zones grises dans la mer de Chine méridionale»

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 Les bateaux chinois en formation ancrés sur une plage rocheuse près de l'île vietnamienne de Sinh Ton Dong. Photo: Maxar

La Chine utilise des navires de pêche commandés par la milice marine, avec l'escorte de navires de la Garde côtière, mettant progressivement en œuvre son ambition illégale de monopoliser la mer de l'Est, selon le professeur Nguyen Hong Quan.

Le 29 mars, le général de division Nguyen Hong Quan - ancien directeur adjoint de l'Institut de stratégie de défense nationale, a accordé une interview à VnExpress.


Général de division, professeur Nguyen Hong Quan - Ancien directeur adjoint de l'Institut de stratégie de défense nationale. Photo: Gia Chinh

- Comment estimez-vous la situation en mer de l'Est face à des évolutions tendues, qui posent aujourd'hui un nouveau défi à la protection de la souveraineté maritime et insulaire?

- La région Asie-Pacifique, dans laquelle l'Asie du Sud-Est occupe une position stratégique de plus en plus importante, est une zone de compétition stratégique entre les grandes puissances. Par conséquent, la situation en mer de Chine méridionale est tendue depuis de nombreuses années, surtout ces dernières années, elle devient très brûlante.

Les tensions dans la mer de Chine méridionale consistent en 3 rounds, le premier est le différend de souveraineté entre la Chine et les pays côtiers qui ont des revendications ou revendiquent la souveraineté; Différends des pays entre eux qui ont des revendications ou qui revendiquent la souveraineté.

En particulier, le premier risque de conflit concerne les différends maritimes entre la Chine et les pays concernés. Dans le même temps, les pêcheurs chinois, avec l'escorte de navires de la Garde côtière, occupent de nombreuses zones de pêche, menaçant la vie de millions de pêcheurs dans les pays côtiers de la mer de l'Est. La Chine menace, sabote et empêche également les pays individuellement ou qui essaient de coopérer avec des partenaires dans l'exploration d'énergie, de pétrole et de gaz dans les eaux légales de la mer de Chine méridionale. Pékin souhaite que les pays coopèrent avec la Chine et utilisent ses technologies, ses techniques, ses capitaux et ses ressources humaines pour manipuler l'exploitation de l'énergie dans la mer de Chine méridionale. Parfois, ils menacent même de recourir à la force si ces pays n'arrêtent pas la coopération internationale dans l'exploration pétrolière et gazière dans les eaux vietnamiennes dont Pékin prétend qu'elles lui appartiennent.

Par conséquent, les tensions entre la Chine et les pays qui revendiquent la souveraineté et les intérêts directs dans la mer de Chine méridionale n'ont pas été résolus jusqu'à présent.

Le deuxième round est le conflit entre la Chine et l'ASEAN. En 2014, la Chine a lancé une discussion sur le Code de conduite en mer de Chine méridionale (COC), visant à se concentrer sur les positions conciliables, la recherche et le sauvetage en mer. Cependant, la Chine a toujours évité de discuter des désaccords, ce qui fait craindre à l'ASEAN qu'elle voulait profiter du COC qui est un moyen pour faciliter son contrôle effectif dans la mer de Chine méridionale. Après cela, la Chine adopte une approche différente, les différends seront résolus directement par les pays concernés par le biais de négociations et de consultations fondées sur des faits historiques, le droit international et la Déclaration de conduite des Parties en mer de l'Est (DOC). L'ASEAN et la Chine travailleront ensemble pour préserver la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale à travers la mise en œuvre du DOC et des consultations sur le COC.

Par conséquent, au sein de l'ASEAN, il existe différentes manières de traiter la question de la mer de l'Est. En particulier, le Vietnam et les Philippines ont pris des positions fermes pour lutter contre les mouvements de «rongeurs» de la Chine pour créer un véritable contrôle. Certains pays adoptent une approche différente.

Le troisième round est le conflit résultant de la concurrence stratégique entre la Chine et les États-Unis et d'autres pays en dehors de la région avec des intérêts économiques, maritimes, aériens, commerciaux et militaires ... dans la mer de Chine méridionale.

- Avec les trois tensions évoquées ci-dessus, quel est le facteur qui joue un rôle clé dans la création du risque de conflit en mer de Chine méridionale?

C'est l'ambition hégémonique illégale de la Chine, qui veut obtenir la gestion exlusive puis procéder à monopoliser la mer de Chine méridionale pour réaliser le rêve de devenir une grande puissance. La Chine souhaite utiliser la mer de Chine méridionale comme point de départ de ses flottes pour se rendre dans l'océan Pacifique et dans les océans. C'est aussi l'un des endroits pour la Chine de mettre en œuvre des stratégies dans le cadre de l'initiative « une Ceinture et une Route ».

Pendant ce temps, les États-Unis et de nombreux grands pays ne veulent pas que les eaux internationales soient limitées dans les navigations. Les États-Unis considèrent la mer de Chine méridionale comme l'un des points clés de la stratégie indo-pacifique. La concurrence entre les États-Unis et la Chine est de plus en plus féroce, attirant un certain nombre de grands pays à rejoindre. Ces derniers temps, les grands pays ont constamment accru leur présence militaire dans la mer de Chine méridionale non seulement avec des navires de guerre et des chasseurs, mais aussi avec des porte-avions et des bombardiers stratégiques.

Par conséquent, le niveau de tension et le risque de conflit dans la mer de Chine méridionale ces derniers temps sont plus lourds et plus urgents qu'auparavant.  

- Au cours du passé, la Chine a augmenté la présence de navires de pêche dirigés par des milices. Quel est le rôle de cette force dans la réalisation de ses ambitions illégales?

- Afin de réaliser progressivement son ambition de monopoliser la mer de Chine méridionale, la Chine organise des flottes de pêche, principalement exploitées par la milice maritime. Ces navires de pêche sont équipés de coques en acier, de grande capacité, capables d'opérer au large.

La milice maritime chinoise (un organisme paramilitaire piloté la marine chinoise NDLR), est gérée par une société, appelée un détachement; ces détachements sont groupés en compagnies; les groupes de production étaient répartis en pelotons; chaque navire est une section de la milice marine. Cette force est bien organisée, équipée, bien entraînée et bien traitée pour faire face à des situations inhabituelles en temps de paix et en temps de guerre, y compris l'utilisation d'armes légères et déployée régulièrement dans des zones de la mer de l'Est.

Depuis 2009, la Chine a engagé des milices maritimes dans de nombreux incidents notables en mer de Chine méridionale, tels que le harcèlement de l'Américain Impeccable de 2009 dans le sud de l'île de Hainan; aider la marine chinoise à occuper le banc Scaborough 2012; aider le navire Hai Duong 981 à explorer illégalement la zone économique exclusive et le plateau continental vietnamien en 2014; braconnage dans les eaux indonésiennes en 2016; harceler le navire d'exploration pétrolière et gazière malaisien à Luconia en 2019; escorter et protéger Hai Duong 8 activités d'exploration illégales à Bai Tu Chinh au Vietnam en juillet 2019 ...

La milice maritime chinoise a été de plus en plus renforcée dans la mer de Chine méridionale pour assurer une présence permanente et à long terme, contrôler le conflit et transformer progressivement la zone non contestée en une zone contestée, la zone contestée en une zone maritime chinoise, visant à monopoliser la mer de Chine méridionale sans provoquer de conflit avec aucun autre pays. C'est le but profond de l'utilisation par la Chine des navires de la milice marine.

- La Chine a toujours cherché à dissimuler le fonctionnement réel des navires de la milice marine. Quel est le but de cette tactique furtive?

Ces navires ont souvent un transfert de poids en profondeur [NDLR poids de l'eau que le navire déplace] de plus de 500 tonnes, ce qui signifie qu'ils ont un système d'identification automatique (AIS) installé, mais seulement moins de 5% de ces navires transmettent effectivement le signal AIS, pour masquer le nombre, la qualité et l'action. Par conséquent, la Chine a toujours interprété les autres naufrages délibérés de navires dans la mer de Chine méridionale comme des «accidents maritimes courants».

La Chine autorise également les navires de la milice chinoise à entrer en collision contre les bateaux étrangers opérés dans les zones de la ligne illégale dite «ligne à neuf tirets»  et les harceler afin de consolider la présence chinoise dans cette zone.

Il est inquiétant de constater que les forces de l'ordre des pays ont souvent du mal à déterminer quel est un bateau de pêche chinois ordinaire, ce qu'est un bateau de pêche "inhabituel" commandé par la milice marine. Par conséquent, les pays concernés sont souvent retenus pour éviter l'escalade des conflits, afin de ne pas être accusés par la Chine de «violations des droits de l'homme» contre les pêcheurs. Pendant ce temps, la Chine profite de plus en plus de cette ambiguïté pour mettre en œuvre son plan machiavélique.

Des experts étrangers ont averti que les conflits en mer de Chine méridionale sont très probablement liés à la milice marine chinoise, car cette force ne dispose pas d'un mécanisme de communication et d'une échelle de tension comme la marine. Les milices marines n'entrent pas non plus dans le champ d'application du Code CUES (Protocole des Rencontres imprévues en mer) que les marines des pays ont signé en avril 2014.

C'est la tactique de la «zone grise» de la Chine, qui vise à conquérir les eaux et les îles d'autres pays sans avoir à recourir à la force directe à grande échelle. Cette tactique se caractérise par le fait de ne pas laisser le conflit franchir le seuil d'une guerre chaude et progressive.

- A partir du 7 mars, environ 200 navires contrôlés par la milice maritime chinoise ont jeté l'ancre près de l'île de Sinh Ton Dong, dans l'archipel Spratly du Vietnam et ont allumé les lumières toute la nuit sans pêcher, malgré une météo favorable. Comment commentez-vous cette évolution?

- Lorsque la Chine a adopté la loi sur les douanes en mer en janvier 2021, qui est entrée en vigueur début février, nous avons dit qu'il est très probable que ce pays utilisera les garde-côtes pour soutenir la milice maritime pour envahir illégalement des pays de la région. Maintenant, cette déclaration a été prouvée du fait que la Chine a mobilisé 200 bateaux de pêche sur l'île de Sinh Ton Dong, dans les îles Spratly du Vietnam.

En d'autres termes, l'incident ci-dessus est un test de la Chine lors de l'application de la loi douanière en mer dans la mer de Chine méridionale - la zone maritime qui, selon la Chine, se trouve dans la "ligne à 9 tirets" illégale. Les navires chinois allument les lumières toute la nuit sans pêcher, c'est une volonté évidente de provocation.

Cependant, un motif supplémentaire de Pékin n'est pas à exclure, qui est d'utiliser des bateaux de pêche pour envahir les eaux autour de la souveraineté vietnamienne de l'île rocheuse de Sinh Ton Dong, afin de créer les conditions permettant à d'autres forces de niveler les îles et de construire des îlots de roches artificielles. C'est la même tactique que la Chine a appliquée à un certain nombre d'entités dans les îles Spratly du Vietnam. Avec cette tentative, la Chine construira probablement une base civilo-militaire à double usage pour former un avant-poste, formant ainsi un réseau ininterrompu, empêchant la présence d'autres pays en mer de Chine méridionale. C'est une étape pour la Chine de mettre en œuvre un programme illégal de monopole de la mer de Chine méridionale.

- La loi douanière en mer chinoise permet à cette force "d'utiliser toutes les mesures nécessaires, y compris l'utilisation d'armes pour prévenir et éliminer les dangers lorsque des organisations et des individus étrangers enfreignent la souveraineté nationale, de droit de la souveraineté et de la juridiction nationale". Comment ces réglementations provocantes affecteront-elles la situation en mer de Chine méridionale?

- Comme je l'ai analysé, la loi douanière en mer est en fait une étape pour consolider et renforcer la tactique de la "zone grise" de la Chine. L'application de cette loi par la Chine sur les eaux qu'elle prétend illégalement devrait inquiéter de nombreux pays et rendra la situation en mer de Chine méridionale plus tendue.

Les douanes chinoises ont autrefois escorté des pêcheurs jusqu'aux lieux de pêche du Vietnam, des Philippines et d'autres pays, participant à entraver l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz d'autres pays. Par conséquent, cette loi entraînera une tendance plus sévère à entraver les activités économiques légitimes des pays côtiers de la mer de l'Est.

La loi douanière augmente également le risque de conflit armé, affecte la sécurité régionale, va à l'encontre du droit international, lorsqu'elle autorise cette force à utiliser des armes. L'article 22, le droit de la mer "autorisant le tir sur les navires étrangers dans les îles revendiquées par la Chine" est contraire à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (UNCLOS).

L'application de la loi sur les douanes augmente non seulement les tensions avec les pays qui revendiquent la souverainté dans la mer de Chine méridionale, mais aggrave également les relations sino-américaines, sino-japonaises ...

Il n'est pas exclu qu'après la promulgation de la loi sur les douanes, la Chine déclarera la majeure partie de la mer de Chine méridionale ses "eaux intérieures" et son "espace aérien". Par conséquent, les plans chinois ci-dessus entravent également les négociations COC entre l'ASEAN et la Chine. Autoriser les Gardes côtières à ouvrir le feu sur des navires étrangers montre le manque de volonté de Pékin de négocier le COC.

- Face aux nouveaux développements en mer de l'Est, de quelle stratégie le Vietnam a-t-il besoin pour protéger l'intégrité de la souveraineté sur la mer et les îles?

- Nos autorités ont mis en œuvre des mesures synchronisées, faisant de leur mieux pour protéger la souveraineté des îles sacrées et des îles de la patrie. Du point de vue de la recherche, nous pensons que, pour le moment, le Vietnam doit poursuivre les mesures pour affirmer la souveraineté des îles par la politique, la diplomatie et sur le terrain.

En termes de diplomatie, le Vietnam continue de démontrer son rôle central au sein de l'ASEAN pour négocier efficacement un COC, de manière substantielle et conforme au droit international. Le COC doit être juridiquement contraignant, déclarant que les pays ne construisent pas d'îles artificielles; non-militarisation des entités; ne pas bloquer les navires de ravitaillement ou le personnel en rotation; ne pas mettre en place une zone de détection de défense aérienne (ADIZ); pas de menaces de recourir à la force pour régler des différends en mer de Chine méridionale.

Dans le même temps, le Vietnam doit renforcer sa coopération avec les principaux pays de la région et du monde, en particulier dans le domaine du partage du renseignement, en fournissant des moyens et des équipements pour protéger la souveraineté de la mer et des îles. Dans les relations avec la Chine, continuer à maintenir la paix et la stabilité, suggèrent que les deux armées s'engagent à ne pas ouvrir le feu en premier.

Dans le même temps, nous devons profiter des forums internationaux et régionaux pour lutter pour protéger la souveraineté de la mer et des îles, analyser clairement les intentions dans la «tactique de la zone grise» et clarifier les dangers de la loi sur les douanes. Les forces navales devraient élargir leur participation aux manœuvres internationales (RIMPAC) pour intégrer davantage et construire des réseaux de partenaires dans la région.

Le Vietnam et la Chine préconisent l'accord pour régler les différends en mer par des moyens pacifiques, mais cela ne signifie pas seulement des négociations diplomatiques, mais aussi des mécanismes d'arbitrage internationaux. Parallèlement aux efforts diplomatiques, le Vietnam doit préparer des documents, des documents historiques, des preuves ... pour porter la question de la mer de Chine méridionale devant la Cour internationale de justice si nécessaire.

Les forces fonctionnelles, en particulier la marine, l'armée de l'air, la garde côtière, la surveillance des pêches et la milice maritime, doivent investir davantage de ressources pour moderniser leur équipement. Par exemple, pour faire face aux «tactiques de la zone grise» et aux navires chinois, nous devons construire et acheter des navires de police maritime plus grands et des bateaux de pêche dotés d'un équipement plus moderne. Dans le même temps, les forces doivent toujours être prêtes, ne pas être passives face à une situation inattendue dans la mer de Chine méridionale. En attendant, il faut toujours veiller à protéger la souveraineté sur la mer et les îles du Sud-Ouest.

Le Vietnam doit continuer à maintenir la présence d'une force de travail pacifique en mer pour affirmer fermement sa souveraineté. Les forces de l'ordre sont toujours disponibles pour soutenir et protéger les pêcheurs.

Dans le même temps, pour que les pêcheurs puissent opérer au large et pendant de longues périodes en mer, il est nécessaire d'investir dans la construction de grands navires en acier, d'équipements modernes et de connexions par satellite; augmenter l'envoi de personnes pour vivre dans les îles appartenant à l'archipel de Truong Sa. Nous devons également organiser des programmes de voyage réguliers vers Truong Sa et les principales routes de l'île.

À long terme, la stratégie pour défendre le plus fermement la souveraineté de la mer et des îles est de devenir une nation dotée d'une riche économie maritime, dotée de puissantes flottes commerciales et militaires.

(Source info: vnexpress.net)
 

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