Libraire, au Vietnam : “Le livre contient quelque chose d’absolu et d’immortel”

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Libraire, au Vietnam : “Le livre contient quelque chose d’absolu et d’immortel”

Libraire, au Vietnam : “Le livre contient quelque chose d’absolu et d’immortel”
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 Nguyễn Hương Lan se dit volontiers « amoureuse de la lecture », au point d’en faire un métier. « Source d’inspiration inépuisable », les livres sont au cœur de son existence, à plus d’un titre. Fin 2016, elle décide d’ouvrir la librairie Blue Horizon, à Hanoi. Pour transmettre son amour des livres à ses enfants « mais aussi à tous les enfants vietnamiens ».
 
ActuaLitté : Quelle est l’histoire de votre librairie, comment l’avez-vous créée ?
 
Nguyễn Hương Lan : Pour répondre aux besoins d’une majorité de jeunes vietnamiens, la librairie s’est tout d’abord spécialisée en livre pour la jeunesse en anglais. Mais il était impossible pour moi de me passer de livres français ! J’ai, en effet, appris le français au lycée et ai ensuite suivi mes études supérieures en France, durant huit ans.
 
Cela m’a donné l’occasion de découvrir et d’apprécier la richesse de la culture française. Je souhaite à présent faire partager ces valeurs aux Vietnamiens, et tout particulièrement à ces jeunes qui ont choisi d’apprendre le français plutôt que l’anglais. Et cela me fait énormément plaisir de découvrir qu’un marché, bien que restreint, existe pour le livre français.
 
Quelles sont les spécificités historiques du marché du livre au Vietnam ?

Nguyễn Hương Lan : Hanoi est francophone de par son histoire d'ancienne ville coloniale. Elle reste encore très marquée par cette l’empreinte culturelle, en particulier grâce à la volonté et aux efforts engagés par le Service Culturel de l’Ambassade de France. Aujourd’hui, la communauté francophone au Vietnam n’est pas négligeable. Elle réunit aussi bien les familles d’expatriés que les élèves et étudiants apprenant le français comme première langue étrangère.
 
Depuis une trentaine d’années, le marché des livres du Vietnam a connu une belle croissance. On est passé d’un pays fermé à un pays ouvert au monde, aussi bien sur les plans économique que culturel. Cette ouverture a permis la large diffusion de très nombreuses traductions d’ouvrages étrangers pour répondre aux besoins intellectuels, culturels et de loisirs de la population, notamment des jeunes. Dans ce contexte, la traduction des grandes œuvres de la littérature française, aussi bien classique que moderne, représente un secteur important. Plusieurs éditeurs en ont entrepris la commercialisation auprès du public vietnamien.
 
Cependant, il existe malheureusement peu de librairies françaises à Hanoï et à Hô Chi Minh-Ville, les deux plus grandes villes du Vietnam. Les lecteurs ont donc un accès restreint et un choix très limité aux livres français. Et c’est encore pire pour ceux qui vivent loin des grandes villes… Mais ce besoin, bien que modeste, existe ! Étant moi-même francophone, je perçois une urgence et une demande pressante de la part de mes clients pour leur proposer plus d’ouvrages français.
 
À ce jour, à quelles problématiques faites-vous face ?
 
Nguyễn Hương Lan : De simple lectrice, une amoureuse des livre, je me suis donnée la vocation de populariser les ouvrages anglais et français aux jeunes vietnamiens. Cependant, n’ayant pas eu la moindre formation de base au métier de libraire, j’ai absolument besoin de parfaire ma formation et de me familiariser avec le monde de l’édition, en vraie professionnelle.
 
Je dois faire preuve de multiples compétences à la fois : être apte à assurer la bonne gestion de la librairie, être pertinente dans mes critères de sélection de titres, savoir conseiller au mieux mes clients, communiquer de la façon la plus efficace possible et organiser toutes les activités de promotion nécessaires au bon développement de la librairie. C’est beaucoup de choses à apprendre et à pratiquer à la fois !
 
Malheureusement la passion à elle seule ne suffit pas ! Comme c’est le cas pour toutes les entreprises, la réalité quotidienne me ramène aux problèmes beaucoup plus « terre à terre » de capital, de gestion de stocks, de logistique, de marketing et de vente, de ressources humaines et de relation clientèle. Le plus difficile est de bien appréhender la problématique de chaque client, de bien comprendre son besoin et de l’amener à découvrir les nouveautés.
 
Par habitude, mes clients vietnamiens assimilent trop souvent les ouvrages anglais et français à des outils linguistiques, c’est-à-dire de simples moyens au service de l’apprentissage d’une langue étrangère. Or, pour ma part, je souhaiterais leur apporter bien plus ! Je souhaiterais leur faire réaliser qu’un livre c’est une clé qui permet d’ouvrir des portes et d’appréhender tout un foisonnement d’horizons intellectuels et d’héritages culturels. C’est animée de cette foi chevillée au cœur que j’accomplis ma tâche ! Mais la réussite exige que la passion doive se marier avec l’expérience !
 
Concrètement, et à plus court terme, je souhaiterais organiser des ateliers de promotion de la lecture pour mieux me faire connaître auprès de la communauté francophone au Vietnam. Mon objectif serait de faire de ma librairie une adresse de référence pour les livres français. Une adresse de référence à Hanoï, bien sûr, mais également à Hô Chi Minh-Ville et au niveau de tout le territoire. J’ambitionne, enfin, d’apparaître comme une vraie professionnelle en tant que fournisseur de livres proactif et dynamique auprès des écoles françaises et des classes bilingues au Vietnam. Les ventes en ligne et en livraison directe, en effet, me permettent de gommer les limites géographiques, de dépasser la petite librairie du quartier pour acquérir une vraie présence nationale.
 
Comment établissez-vous votre sélection d’ouvrages mis en avant ?
 
Nguyễn Hương Lan : Nous avons commencé par servir les élèves des écoles françaises à Hanoï et à Hô Chi Minh-Ville et leur fournir les ouvrages scolaires selon la liste de lecture qu’ils reçoivent chaque année. Auparavant, les parents d’élèves éprouvaient beaucoup de difficultés pour se procurer ces livres, et ce, souvent à des prix exorbitants.
 
Désormais, en passant par nos services, ils peuvent recevoir ces livres à des prix similaires à ceux pratiqués en France, et avec de bien meilleurs délais de livraison. Mettre en avant le besoin réel de nos clients, en particulier celui des élèves de se procurer des livres scolaires pour poursuivre leurs études est une priorité absolue pour nous !
 
Mettre à disposition rapidement auprès de la jeunesse vietnamienne les livres récents les plus « en vogue » chez les jeunes lecteurs français est également notre souci. En quelques clics sur Internet, on peut maintenant accéder à toute l’actualité mondiale. Un lecteur vietnamien ne doit plus être frustré par une longue attente avant de pouvoir dévorer le dernier best-seller littéraire déjà dans les rayons à Paris ou à Québec.
 
Enfin, bien mises en avant dans notre collection, restent les grandes œuvres littéraires classiques qui défient le temps et dont le succès est garanti.
 
Quelles sont vos relations avec les distributeurs ?
 
Nguyễn Hương Lan : J’ai eu la chance d’être accompagnée par Inès Breton chez DDP Diffusion. Je tiens à la remercier pour sa patience et pour tous les efforts qu’elle a entrepris afin me mettre en contact avec les différents distributeurs et transporteurs.
 
On m’a également prodigué des attentions, de nombreux conseils et recommandations pour le traitement de mes premières commandes. Sans cette aide, je crois que je n’aurais pas pu m’en sortir. Au départ, ce n’était pas du tout évident pour moi de débuter avec des toutes petites commandes et toute cette masse de formalités à suivre concernant en particulier le transport et l’exportation des livres.
 
Quel regard portez-vous sur l’industrie du livre ?
 
Nguyễn Hương Lan : Il est intéressant de voir qu’à l’heure de la digitalisation, l’homme n’arrive pas à se séparer du bon vieux bouquin. Avec le numérique, on ferme la fenêtre, éteindre le laptop et c’est tout. On ne s’attache pas ! À l’inverse, on se réveille, rencontre, mange et dort avec les livres, tout comme avec les vieux amis. On n’arrive pas à s’en séparer ! Le livre contient en lui quelque chose d’absolu et d’immortel.
 
C’est pour cette raison que je suis relativement optimiste au sujet de la filière de l’édition, écosystème centré sur cet objet unique qu’est le livre.
Bien sûr, comme beaucoup d’industrie, celle du livre connaît une grande incertitude devant la réception de ses produits par le public. Des milliers de nouveaux ouvrages sont commercialisés chaque année. Certains sont des succès, d’autres des échecs retentissants.
 
Parler de l’industrie du livre en France n’est pas la même chose que de parler de l’industrie du livre au Vietnam. En France, le réseau de détaillants et l’offre éditoriale sont très développés. Au Vietnam, c’est plutôt le contraire : le réseau de libraires et la diversité des titres disponibles sont encore peu développés.
 
L’essor accéléré et vertigineux de l’économie vietnamienne entraîne des besoins nouveaux, parmi ceux-ci, une soif de loisir, de découverte et de culture. Pour cette raison je serai assez optimiste pour ce qui concerne le devenir du livre et de l’industrie qui lui est liée, dans mon pays, le Vietnam.
 
Vous avez adhéré cette année à l’Association Internationale des libraires francophones. Qu’est-ce que vous apporte le réseau de l’AILF ?
 
Nguyễn Hương Lan : Suite à la recommandation d’Inès Breton, qui m’avait rencontrée à Hanoi lors de sa tournée annuelle chez les libraires francophones en Asie, je suis venue à Paris en mars à l’occasion du Salon du Livre 2019. C’est lors de ce voyage que j’ai adhéré à l’AILF. J’ai pu aussi rencontrer de nombreux collègues issus du monde entier. Je me suis sentie moins seule pour mener ce combat en faveur de la promotion des livres en général et des livres français en particulier.
 
De plus, les formations et les activités organisées par l’AILF correspondent exactement à mes besoins professionnels pour le développement durable de ma jeune librairie.
 
Vous allez participer au programme autour de l’édition jeunesse organisé par l’AILF en novembre dans le cadre du Salon du Livre et de la Presse jeunesse de Montreuil. Quelles sont les thématiques qui vous intéressent le plus ? Quelles sont vos attentes avec ce programme ?
 
Nguyễn Hương Lan : D’abord découvrir les nouveautés et en particulier celles qui peuvent correspondre aux attentes des jeunes vietnamiens que je côtoie. Par la même occasion, je souhaiterais en profiter pour rencontrer des auteurs et participer à des débats.
 
Le salon est aussi propice à de multiples rencontres avec des personnes francophones du monde entier et des professionnels de l’édition toujours à même de répondre à mes interrogations et à me faire part de leurs précieux conseils.
 
(Source info: www.actualitte.com)
 
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