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Rithy Panh : Regard subtil sur la colonisation avec "La France est notre patrie", un film muet construit à partir d’archives

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Rithy Panh : Regard subtil sur la colonisation avec "La France est notre patrie", un film muet construit à partir d’archives

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Avec La France est notre patrie, un film muet construit à partir d’archives, Rithy Panh offre une méditation en images sur l’Indochine française.

Une invitation à réfléchir au rôle de la caméra lorsqu’elle sert la propagande coloniale.
Un banian s’est installé dans la maison. Ses racines épousent les murs, les enserrent dans une sorte d’embrassade qui lie la maison et l’arbre dans une étreinte sans fin. Cette maison, construite il y a des décennies sur une terre si fertile, où une fois abandonnée par ses occupants, la végétation autrefois maîtrisée reprend sa place.

La caméra semble virevolter dans ce qui reste de l’habitation au rythme d’une musique qu’on peine à identifier, et qui déraille un peu. Les images passent de la couleur au noir et blanc. On a changé d’époque. On voit des couples valser, des hommes pousser vers la caméra une jeune femme asiatique. Elle s’approche indécise, un sourire un peu figé sur ses lèvres, vers cet œil qui sembler la fixer. Les hommes que l’on voit en arrière plan rient. On se dit qu’ils se moquent de la démarche hésitante de la jeune personne.
 
On est dans la France de la colonie, à l’époque où dans les classes d’Indochine on faisait écrire à la craie aux enfants du pays « La France est notre patrie ».

Quelques plans et quelques notes de musique suffisent à nous happer. Durant plus d’une heure, le cinéaste Rithy Panh nous emmène sur le chemin de cette histoire ancienne, ce temps de la colonie, avec des images d’archives qu’il a puisé aussi bien dans les collections privés que dans des fonds institutionnels. On se prendrait presque à flâner, un brin nostalgique sur ces images désuètes d’un temps révolu. « Car les archives nous prêtent parfois à la nostalgie », explique Rithy Panh.

Mais, la virtuosité du montage, ainsi que la musique oppressante nous alertent et nous suggèrent d’aller au-delà. Et d’imaginer ce qui se passe hors champs. « Les archives sont comme un objet archéologique, poursuit le réalisateur. Si on gratte autour, on sent les conditions de tournage ».
Photographie de Rithy Panh.
Le cinéaste cambodgien Rithy Panh. (Crédit : Christine Chaumeau)

Contexte

Film après film, Rithy Panh s’est imposé comme un des grands cinéastes de sa génération. Bophana, une tragédie cambodgienne, S 21 la machine de mort khmère rouge, Duch le Maître des Forges de l’Enfer et l’Image manquante, constituent une sorte de mémorial filmique du génocide cambodgien. Au-delà du drame du Cambodge, le réalisateur explore la question de la mémoire et du temps dans toutes ses réalisations, notamment Un barrage contre le Pacifique ou Les artistes du théâtre brûlé.

Cinéma et imagerie de la conquête coloniale

Le discours d’un président français disant que l’homme noir n’était pas entré dans l’Histoire, a suscité l’envie de Rithy Panh d’écrire ce film. Pourquoi de telles phrases sont-elles encore prononcées aujourd’hui ?

« Cela me perturbe, confie-t-il. On a débattu sur cette histoire coloniale. Malgré tout, quelques années plus tard, on reprend la même chose. Il faut tirer les leçons de la colonie. On ne peut pas se contenter de dire que la France apporte la liberté. Cette liberté, nous n’y avions pas le droit ».
Pour construire ce film, précise le cinéaste, « les archives cinématographiques se sont imposées ». Car deux ans à peine après avoir tourné la sortie des ateliers de l’usine de Lyon, les frères Lumières envoient des opérateurs du studio un peu partout dans le monde, notamment dans ces territoires nouvellement conquis par la France.

« Le cinéma a participé à la propagande de la colonie, il participe de l’imagerie de la conquête. Il fallait montrer au spectateur français pourquoi on allait dans ces pays ». En descendant d’indigène, Rithy Panh s’est saisi de ces images pour raconter la même histoire. La montrer sous un autre angle, et la faire ressentir pleinement au-delà du cadre, au-delà même de l’image projetée.

Boomerang de l’Histoire

Et l’effet est réussi, grâce un dispositif épuré, sobre. On regarde mal à l’aise, oppressé, ces films réalisés à l’époque pour montrer la grandeur de cette France qui apportait « sa civilisation aux peuples sans histoire ». On voit des femmes chapeautées et de blanc vêtues qui jettent miettes ou argent à des enfants et des femmes aux atours usés. On regarde les pieds chaussés d’un homme assis dans un pousse-pousse surplomber ceux de celui qui court pour tirer le véhicule.
 
La France assure un développement économique, nous dit-on, en puisant dans des ressources qui partent vers la métropole. Les militaires ou fonctionnaires en poste choisissent leur « petite épouse », les temples d’Angkor deviennent un décor pour montrer les derniers modèles des créateurs de mode parisien, et les bonzes entrent timidement dans le sanctuaire.

Autant d’images qui reviennent comme un boomerang de l’histoire. Un bout à bout où la chronologie n’a pas de prise, mais où le regard du cinéaste fait sens. « A partir du regard de ceux qui ont filmé, j’ai apporté mon regard, en montant, rajoutant du son. Je revendique cette façon de travailler ». Il fait ainsi sentir ce qui s’est joué dans cette rencontre déséquilibrée entre l’homme blanc et l’homme noir, dans cette manière de poser la caméra.

Les indigènes devant la caméra

« Retravailler les archives permet de s’interroger sur celui qui est filmé. Que pense t-il ? »

L’attitude de celui qui est consentant est très différente de celui qui se voit comme piégé par l’objectif.


Ainsi, cette femme qui se déshabille sous le regard indiscret d’une caméra, ou cette enfant qui porte de l’eau et tourne le dos à la caméra après avoir fixé l’objectif d’un œil un peu interloqué. « Faire une image est toujours violent : on transforme l’autre en objet. On lui prend quelque chose ». Et au temps de la colonie, les images étaient toujours tournées par les mêmes. Les indigènes sont devant la caméra.

Aucun commentaire pour ce film. Car c’est au spectateur de faire son récit, son histoire, en fonction de sa culture, de ses connaissances. Sur le modèle des films muets d’autrefois, Rithy Panh a placé des cartons. 

« C’est du muet qui dit beaucoup, qui raconte ». On peut y lire les remarques racistes d’un medecin, le Dr Legendre. De ces cartons, juxtaposés aux images, émane une ironie grinçante.

« C’est le ton de l’époque. La colonie est cynique. C’est ainsi que l’on parlait. On ne s’intéressait pas à ce que pensaient les indigènes. On leur faisait miroiter les choses belles. La France reste le pays où on a inventé les droits de l’homme. Robespierre défend l’égalité des êtres sauf que la colonie est anti-révolutionnaire ».
Pour autant, Rithy Panh ne livre pas là un plaidoyer anticolonialiste, ni une revendication identitaire ou encore une fresque historique. Il ne juge pas l’Histoire qui « n’est ni bonne, ni mauvaise ».

Il poursuit son travail et sa réflexion sur la mémoire, matière qu’il explore depuis 20 ans. La mémoire est pour lui cette faculté qui permet de lutter contre les instincts les plus noirs et donne sens à notre humanité.

L’histoire difficile de la colonie et sa fin tragique pour des milliers d’individus, est emblématique car elle a tendance à se répéter. Pour le cinéaste cambodgien, la mondialisation économique d’aujourd’hui n’est pas loin de la colonisation d’hier.


On y retrouve l’exploitation des ressources et des êtres, une négation des identités, des cultures. « Les marchandises circulent, ont un statut, pas les êtres humains » remarque Rithy Panh. Et les images d’archives des mines ou de la déforestation trouvent un écho dans celles tournées aujourd’hui au Cambodge, en Afrique ou dans certains pays d’Amérique du Sud.

https://asialyst.com/fr/2015/06/11/rithy-panh-regard-subtil-sur-la-colonisation/



 

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